Pr. Viviane Ondoua Biwole: ENSEIGNANT-CHERCHEUR, EXPERTE EN GOUVERNANCE PUBLIQUE PARLE
Cette Brillante Dame fait Honneur à la femme camerounaise.DGA de l’ISMP,elle parle de la loi de juillet 2017 sur les sociétés d’État et les EPA.
Professeur, l’entrée en vigueur des lois de juillet 2017 sur les Sociétés d’Etat et des Etablissements publics administratifs est annoncée le 12 juillet 2018. A quoi faudra-t-il s’attendre ?
Les lois 010/2017 et 011/2017 nées de l’abrogation de la loi n° 99/16 du 22 décembre 1999 régissant les entreprises et établissements publics sont en vigueur depuis le 12 juillet 2017. Le législateur n’a pas reculé la date de mise en application ; il a prévu une période de transition de 12 mois pour l’arrimage aux nouvelles lois. Donc, le 12 juillet 2018 tous les établissements publics administratifs et toutes les entreprises publiques doivent s’arrimer aux nouvelles dispositions qui enregistrent des évolutions dans tous les domaines du fonctionnement de ces entreprises. Relevons que les nouvelles lois ont 82 nouvelles dispositions.
Celles-ci rendent compte des avancées réelles dont entre autres, leur effort d’arrimage à l’OHADA, l’élévation et la conformation de leurs règles aux standards de la gouvernance publique, leur harmonisation avec les autres textes en vigueur dans l’ordre juridique national, et leur adaptation tant aux politiques publiques de l’État du Cameroun qu’au contexte national, sous régional, régional et international. Loin d’être
exhaustive, je peux relever au moins quatre changements majeurs auxquels il faudra s’attendre :
La loi prévoit que les mandats cumulés du Directeur Général ou du Directeur Général Adjoint ne peuvent excéder neuf (09) ans. C’est donc dire que les dirigeants dont les mandats cumulés étaient de 9 ans au moins avant les lois de 2017 doivent être immédiatement remplacés et la durée de ceux dont les mandats sont en cours est comptée comme faisant partie du cumul des 9 ans, prescrit par les lois. Les ministres peuvent désormais, sans être hors la loi, occuper le poste de PCA. Cette disposition pourrait permettre à l’Etat de faire des économies si un texte réglementaire est pris pour empêcher le cumul des avantages. N’étant pas assortie de restriction, cette disposition autorise qu’un ministre soit à la fois PCA et ministre de tutelle de la même entreprise ou l’établissement public ; ce dédoublement est une violation flagrante des principes élémentaires de management.
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Les entreprises publiques ne sont plus assujetties au Code des marchés publics. De même, elles sont désormais soumises aux règles de la comptabilité privée. Le régime fiscal et douanier des entreprises publiques est fixé par le Code Général des Impôts, le Code des Douanes, et la loi des finances. L’évocation de la loi de finance constitue la principale innovation ici, sa prise en compte permet de se conformer à la loi du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’État. En un mot, les entreprises publiques disposent de toutes les marges de manœuvre pour être rentables.
Les collectivités territoriales décentralisées ont désormais de pouvoir de créer des établissements publics administratifs, des établissements publics financiers, des sociétés d’économie mixte à caractère industriel et commercial, etc. On pourrait envisager de repositionner le CEFAM et le FEICOM. A l’évidence, on ne pourra s’attendre à de véritables changements que si l’État se hâte à produire les textes d’application à même de donner vie à toutes leurs dispositions et si tous les acteurs se conforment effectivement aux nouvelles dispositions.
Le nouveau cadre juridique accorde une prééminence au Conseil d’Administration ce qui pose le problème du profil des membres de ces instances. Que faut-il attendre des ressources humaines des conseils d’administrations des sociétés d’Etat à la lecture des textes de juillet 2017 ?
Le Conseil d’administration constitue le mécanisme de contrôle le plus important à même de discipliner les dirigeants et de garantir la performance. Toutefois, en l’absence d’indication sur le profil des administrateurs, sur les incompatibilités et sur leur mode de nomination, il est à craindre que cette instance soit inefficace. De même, le mode de détermination de la rémunération des membres du Conseil d’Administration peut favoriser des scandales financiers, en ce sens que le seuil de rémunération dépend fortement du niveau de relation qui existe entre le PCA et le Président de l’Assemblée Générale, eu égard à leur mode d’accession à ces postes.
De même, l’une des craintes relative à la difficulté des administrateurs à se prononcer sur la performance des entreprises publiques est l’accès à l’information. La loi ne précise pas le mode d’accès à l’information des Administrateurs en dehors du Conseil d’Administration. Pour simplifier la tâche de l’Administrateur en quête de l’information et garantir une réelle transparence au sein de la société, les statuts devraient définir une procédure d’information interne.
Par ailleurs, concernant le déroulement des réunions du conseil : la loi ne permet pas de mettre en relief la responsabilité de chaque Administrateur sur les décisions prises et favorise l’esprit d’unanimité. À cet effet, il aurait été judicieux de permettre à tous les Administrateurs de signer les procès-verbaux et non réserver cet exercice uniquement au PCA et au Secrétaire de séance. La possibilité devrait être donnée aux Administrateurs de signer sous réserve.
Nous avons l’information sur la préparation d’un ouvrage spécifique sur la loi de juillet 2017 sur les sociétés d’Etat et les établissements publics administratifs. Où en est le projet et quel est le contenu de cet ouvrage ?
L’ouvrage que vous évoquez intitulé lois sur les établissements et entreprises publics au Cameroun. Innovations et reculades est une contribution collective de 10 auteurs (universitaires, chercheurs et professionnels). Il est codirigé par moi et par le Pr Tcheuwa Jean Claude. Il est l’expression d’une conviction, celle de disposer d’entreprises et établissements publics performants contribuant à la croissance économique du Cameroun. Les auteurs qui y ont collaboré participent à leur manière à concrétiser cette conviction à travers des analyses critiques des lois n °2017/010 et n° 2017/011 du 12 juillet 2017. L’ouvrage relève les innovations, les reculades, les enjeux et défis des nouvelles lois. Il sera disponible ce mois. Il est d’un intérêt certain au regard des problématiques abordées.
INTERVIEW PUBLIÉE DANS LE QUOTIDIEN DE L’ÉCONOMIE N 015533 DU 04 JUIN 2018