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PAUL BIYA, LE RÈGNE DE LA DÉRAISON – Icicemac

PAUL BIYA, LE RÈGNE DE LA DÉRAISON

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Chers tous, Vous qui allez me lire,
Avant d’aller dans le vif du sujet, je voudrais vous dire ceci : me lire, ce n’est pas une faveur que vous m’accordez. Vous faites votre devoir : vous connaître et vous transformez en un trésor collectif. Car, dans mes textes, je ne parle que de vous, de votre respiration saccadée, des promesses traumatisées de vos rêves, de la vitesse cinétique de votre sang, de l’état de vos selles et de vos peurs, afin de déterminer si vous êtes bons à déparasiter ou à exorciser.

Mon ambition est de faire germer la pensée. Or, celui qui veut réfléchir par soi, celui qui aspire à comprendre ce qu’il voit, à percer le sens de ce qui se passe, en réalité, ne répugne pas à la longueur d’un texte comme celui-ci, puisqu’il sait qu’il jugera appréciables les idées qui l’animent. Donc, lorsque vous dites que j’écris beaucoup, je ne fais même rien, tellement il y a à dire sur vous, sur nous.

Nous n’avons pas encore écrit le milliardième de ce qui doit être noté, à notre compte. Lisez donc ! Quand vous sentez de la fatigue, continuez de lire, toujours et toujours ; reposez-vous et revenez continuer le lendemain, s’il le faut. Ces textes sont kilométriques, comme les souffrances que Paul Biya et ses complices nous infligent depuis plus d’un demi-siècle. On survit, on survit, mais la vie ne vient jamais ; les malheurs continuent de s’abattre sur le peuple. Il faut donc un traitement intellectuel très long, pour barrer la route au fleuve de misères qui nous inonde. C’est la connaissance exigeante des racines de la malgouvernance qui est la vraie richesse, dont vous transmettrez le secret des choses dévoilées aux générations qui viennent.

La lecture des pensées exigeantes prédispose à la lucidité ; elle densifie le vouloir et prédispose celui qui s’y habitue à voir grand. Par notre accoutumance aux raisonnements acerbes (très critiques), nous apprenons à ceux qui arrivent, après nous, les astuces à mobiliser pour désapprendre des mauvaises références et pour viser droit, sur l’exemplarité la plus édifiante. L’homme n’est pas un mammifère ordinaire, un rat palmiste, par exemple, pour accumuler uniquement de précieuses noix, fussent-elles des cristaux de diamant. S’initier au discernement fait carburer le cerveau….

Je pars du postulat suivant : on ne crée pas l’animal en l’homme de gaité de cœur, consciencieusement. Ça survient comme une pulsion intense : l’ivresse de la force, une sombre émulation de tuer et, s’il faut, de (faire) périr. Les étrangleurs ne sont pas seulement les policiers et gendarmes corrompus, les juges vendus, les douaniers et les politiciens pourris. Il y a aussi des philosophes et des universitaires étrangleurs. Silencieux ou palabreurs, ils sont complices des hécatombes qui affectent l’humanité du fait qu’ils guident la main des puissants et des méchants. Ils font pire, suivant les mots de Paul Nizan :

« Que font les penseurs de métier au milieu de ces ébranlements ? Ils gardent encore leur silence. Ils n’avertissent pas. Ils ne dénoncent pas. Ils ne sont pas transformés. Ils ne sont pas retournés. L’écart entre leur pensée et l’univers en proie aux catastrophes grandit chaque semaine, chaque jour, et ils ne sont pas alertés. Et ils n’alertent pas. L’écart entre leurs promesses et la situation des hommes est plus scandaleux qu’il ne fut jamais. Et ils ne bougent point. Ils restent du même côté de la barricade. Ils tiennent les mêmes assemblées, publient les mêmes livres. Tous ceux qui avaient la simplicité d’attendre leurs paroles commencent à se révolter, ou à rire . »

Les indifférents et les cyniques, qui vivent de la révérence des niais, sont disséminés dans toutes les populations académiques et les administrations publiques, au Nord comme au Sud. Ce sont eux qui minent le progrès de nos pays ; ce sont eux qui entravent la marche de nos peuples vers l’émancipation ; ce sont eux qui diffèrent indéfiniment la prise en compte de notre respectabilité et de notre dignité par les autres races de la terre. Tant qu’on ne les mettra pas hors d’état de nuire, nos jérémiades seront vaines. D’où les textes corrosifs que je propose aux lecteurs.

J’y établis que ces théoriciens de droite et autres assassins économiques ignorent les aléas de l’approfondissement esthétique (ils ont perdu la notion et les repères du goût). La remarque de Simmel est inspirante à ce sujet. Dans l’Esthétique sociologique, il note : « Quand l’entendement, le calcul, la compensation ont pénétré la vie, le besoin esthétique se réfugie dans son contraire et cherche l’irrationnel et sa forme extérieure, à savoir l’asymétrie . »

C’est cette absence de scrupules moraux qui caractérise les Professeurs-étrangleurs et les universitaires croque-morts. Ce sont indifféremment des clercs, des intellectuels organiques et des penseurs de l’obéissance qui rêvent de domination politique et entretiennent le goût de la férocité policière. Ils sont victimes de cette automystification et cet anéantissement de la source et des ressources de l’affectivité qui est le propre des personnalités abrégées. Ce sont les récitants, des sujets qui vivent dans leur mémoire exiguë et qui se gavent de la récitation des belles citations. Or, ainsi que René Le Senne l’a fort bien observé, « la mémoire n’est pas un catalogue rétrospectif ; et l’histoire qui ne serait éprise que d’érudition ne serait plus qu’une paléontologie, au plus capable de reconstruire des squelettes . »

En fait, un intellectuel ou un artiste qui n’a jamais inspiré un légitime dégoût, une sincère révulsion ou une irrésistible envie de honnir (haïr, détester) les injustices n’en est pas un. Car, dans nos sociétés dépolitisées, pour nos concitoyens conceptuellement non déparasités (qui renoncent à voir au-delà du bout de leur nez), pour tous ceux qui n’ont pas affûté leur goût et qui ne se sont pas exercés à la pensée critique, ou qui ont renoncé à créer du neuf, pour la majorité des citoyens donc, les membres de la famille sélecte des philosophes et d’autres hommes de génies sont de singuliers renégats (traîtres). Et même lorsque l’un d’eux veut fuir son destin et choisit de se réfugier dans les culottes rafraichissantes et déformantes des Puissants, il en est extirpé, de force ou par ruse, et ramené au cercle des individus ordinaires, rassemblés pour scander au quotidien des quolibets destinés à la profanation des valeurs qu’ils portent, des élans prométhéens qu’ils fécondent.

Aujourd’hui, j’ai choisi de traiter d’abord du malheur des hauts fonctionnaires sous le règne de Paul Biya et sa singulière conséquence, à savoir, la constitution des philosophes en vils courtisans du « Prince » (I) ; ensuite, je présente la doctrine et la foi des professeurs étrangleurs et des « intellectuels » croque-morts (II), tout en tâchant de dépeindre la laideur des grades et des titres immérités, j’esquisse l’écriture de la rédemption (III) ; enfin, je présente la figure tutélaire du philosophe, aujourd’hui, au-delà des appartenances politiques (IV).

I- Le malheur des fonctionnaires sous Paul Biya et la constitution des philosophes en vils courtisans du Prince
« ̶ Est-ce que la sardine est belle ? leur demandait chaque fois M. Chabre au retour.
̶ Oui, très belle, répondaient-ils.
Cependant, peu à peu, Estelle et son compagnon négligèrent les sardines. Ils allèrent encore les voir, mais ils ne les regardaient plus ».
Depuis les années 80, les Camerounais sont à l’image de ces personnages de Zola : ils naviguent entre leur instinct de survie et l’attrait de la capitulation devant le cynisme du Renouveau perdu de Paul. On croirait que la situation de déshumanisation ne concerne que les villageois, les chômeurs, les moto-taximen (parce que, pour Biya, conduire une moto, c’est tenir entre les mains un emploi de référence présidentielle), et tous les no-name qui applaudissent aux passages du cortège présidentiel ou devant le petit écran, le 20 mai, le jour où l’on commémore l’enterrement de l’unité nationale. Que non ! L’abrutissement concerne aussi ceux qui travaillent, principalement les agents de l’État et les fonctionnaires.

Tant qu’ils sont en fonction, ils peuvent s’autoriser à arrondir leurs fins du mois, en puisant dans les caisses de l’État. Ils doivent ensuite organiser des meetings de circonstance pour tuer la concurrence sur la scène politique du village, se salir publiquement les mains, accumuler la noirceur d’âme, la férocité de tempérament et le déficit de goût, faire provision d’un bilan élogieux de beaucoup de méchanceté et de meurtres, bref, tout ce qui garantit le succès de la carrière administrative des parvenus sous les tropiques. Chanter les odes maudites au Président de la République est le plus sûr tremplin pour « monter ». Mais, au crépuscule de leur vie dans la fonction publique, que leur reste-t-il ? Il faut poser cette question qu’affectionnent les philosophes existentialistes, qui pensent que pour savoir ce qu’est un homme, pour déterminer sa valeur réelle, il faut attendre sa fin. Ils le disent dans un style raffiné : « L’existence précède l’essence… » De même, pour comprendre la perversité du système administratif où nos fonctionnaires et agents de l’État évoluent, il faut évaluer leur retraite. C’est en ce moment précis, lorsqu’ils quittent les choses (ou lorsque les « choses », les prébendes, le tchoko, ne leur rendent plus leurs immorales visites), qu’ils réalisent, eux-mêmes, ce qu’ils valent : RIEN. À moins qu’ils n’aient été suffisamment « sages » et « prévenants », en volant au maximum et en « plaçant » tous leurs rejetons, leurs copines, leurs cousins et toutes les brebis de leur enclos.

Le régime de Paul Biya, non content d’affamer les masses populaires corvéables, a laissé s’installer un dispositif d’aliénation et d’envoûtement collectif quasi infaillible, pour appâter les « Professeurs », les fonctionnaires et autres hauts cadres des administrations publiques et des Établissements publics administratifs (EPA). Au moment d’aller à la retraite donc, après de « bons et loyaux » services rendus à la nation (non reconnaissante), ils sont totalement démunis. Trois options s’ouvrent dès lors à eux : d’abord, ils peuvent solliciter une prorogation auprès du Président de la République ; ensuite, ils peuvent aspirer devenir Chef de village (aller compétir avec les villageois intrigants et leur arracher, par la force persuasive de l’alcool frelaté, la succession au trône maudit de leurs ancêtres, ou créer des fausses chefferies de 3e degré) pour espérer se faire nommer au Sénat, par le Président de la République ; enfin, il peuvent devenir un militant engagé et cynique du RDPC, faire beaucoup de bruits et attendre pour se faire remarquer, afin d’être coopté dans les Conseils régionaux, avec, toujours, la bénédiction du Président de la République, le Même… En fait, il s’agit d’une alternative unique : se tuer pour le nom du Président Paul Biya. L’enjeu n’est pas seulement d’éviter de mourir vite ; la « victime » veut également continuer à entretenir les souvenirs de ses abus d’autorité et ses viols passés, perpétrés sur la déontologie et les règles de droit. Mais pour ce faire, il y a une condition de taille, à savoir, tuer sa personnalité et revêtir le masque du courtisan dépourvu d’esprit, se constituer, en somme, en une motte de boue informe, imperméable au souffle du Dieu créateur.

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Même les philosophes-fonctionnaires n’échappent pas à cette malédiction. Mardi, le 10 juin 2020, j’ai été témoin d’une de ces séances de lapidation symbolique d’une des stèles mythiques de l’université camerounaise, le philosophe Ayissi Lucien. Le Département de philosophie fut, pendant son règne, sa forteresse infâme, où il expurgeait les « impertinents », les “obligés” malchanceux et autres “créatures” imaginaires de sa haine maladive, en violation des principes éthiques et des lois de l’enseignement supérieur. Faute d’un festin princier, il arrivait parfois que l’ogre se contente des brebis égarées dans ses prés. Et la philosophie, et l’Université, ses codes, ses transferts de crédits et autres passerelles, s’en trouvaient simplement mis en veilleuse.

Finalement Jacques Fame Ndongo, dans un de ses rarissimes moments de lucidité, le congédia lors d’un « mouvement » de nomination dans les universités d’État. Au département de philosophie, Ayissi Lucien avait été appelé à d’autres fonctions et remplacé par son ennemi (ça ne sert à rien de donner le nom du remplaçant, puisqu’il n’a pas d’amis, comme moi d’ailleurs : chacun de nous deux joue au philosophe des problèmes et dénonce la philosophie des idées, d’Ébénézer Njoh-Mouellé. C’est la seule chose qui nous rapproche d’ailleurs ; nous n’avons de répit que devant les attaques ennemies). Ayissi quittait ainsi « son » poste, l’unique strapontin qui lui restait, après qu’on lui eut retiré les fonctions de Doyen et de Président de l’École doctorale.

Par hasard, j’avais croisé son regard, lorsqu’il disparaissait au coin du couloir qui mène à « mon » bureau. Il avait des chemises cartonnées sous son aisselle. Un obligé le suivait, portant entre les bras, le carton des documents sensibles et livres du Maître. Ces feuilles tenaient lieu de compagnons fidèles du philosophe dans la campagne, où il avait décidé de se réfugier, en attendait qu’il rebondisse… Quel triste intermède !

En voyant cette ombre rabougrie sombrant dans de noires désillusions, je m’étais convaincu que ceux qui l’avaient hissé si haut ne voulaient pas l’élever au firmament de la respectabilité et de la gloire ; ils voulaient plutôt le précipiter dans les abîmes qui ornent le verso de sa personnalité si caractéristique. On peut élever pour valoriser ; on peut également promouvoir pour contrôler, pervertir, anéantir, bafouer. Celui qui est nommé et qui ne s’interroge pas sur les constances qui ont présidé à son choix administratif est naïf ou aveuglé, voire cynique et fou d’ambitions périlleuses. Ce type qui sortait du Département de philosophie, chassé comme un mauvais esprit, semblait acculé par la vérité. Il s’en allait, avec toute sa malchance et son ego surdimensionné, sans assurance aucune, comme maman rat palmiste boulimique qui veut fuir le danger et qui transporte, dans sa gueule cimentée, ses petits et les récoltes des cultivatrices, à l’approche de la main des creuseurs de terriers affamés.

Ayissi, le Lucien, avait pourtant donné à son « avaliseur » toutes les gages qu’il pouvait développer la mentalité des criminels et entretenir le fameux goût meurtrier qui emmène à liquider la conscience, quoiqu’elle soit non suppressible (il n’y a pas d’hommes sans conscience). Mais, faute de temps et vu sa nature frivole et son mental instable, il n’avait pas suffisamment goûté au pouvoir de faire crever, sans sourciller et sans tapage médiatique, il ne se transforma pas à l’intouchable que les cyniques voulaient qu’il fût. Il lui manquait la froideur de cadavre qui est le point fort des illuminés au pouvoir.

Là, sous le regard des passants indifférents à son calvaire, il faisait l’expérience de la transmutation psychique et sentimentale ultime de l’homme bafoué qui décide de se doter d’une sensibilité d’ogre. Il ne lui vint jamais à l’esprit que le philosophe est, en principe, le réparateur des systèmes. Mais lorsqu’un système est conçu pour dysfonctionner, même les philosophes sont déroutés, et la raison, phagocytée. Il faut un sursaut critique majeur pour faire retourner la machine et la scruter à l’endroit, au-delà des distorsions qui en constituent l’ossature. En le voyant ainsi, comme une ombre malfaisante, s’effacer de la scène philosophique universitaire, où il voulut incarner seul la figure du philosophe accompli, intraitable, en chassant tous les contradicteurs du théâtre du raisonnement, je réussis à percer la substance du soliloque qui rythmait la cadence de ses pas de ténèbres. Il se parlait à lui-même :

« Plus que jamais, j’exigerai, sans cesse, de tous, de croire en moi, malgré cette accidentelle chute administrative. Il faut, désormais, perdre espoir et foi en tout. Il ne restera, dès lors, en face de ce vide de responsabilités, que le dilemme paralysant : se sauver des griffes de ces fauves insatiables, ces prédicateurs maudits, ou disparaître dans leurs mandibules démoniaques. Je serai aussi abject (le grand-frère de la méchanceté) qu’eux, sinon davantage. Je fus mal ».

Il poursuivit ses ruminations haineuses, en son cœur noir et pesant :
« Je fus mal nommé, car proposé à ce poste par un Camerounais originaire du Littoral. La vraie nomination est d’essence villageoise… Et désormais, en tous temps, ma pensée doit être en bonne intelligence avec mes effluves de haine ; elle doit trouver là, l’occasion idéale pour se raffermir. Quoique je me sois élevé si haut dans la théorisation des savoirs, dans l’éthique de la découverte scientifique (d’où le titre de Professeur titulaire !), je dois, à présent, m’aplatir de tout mon céans et m’enfoncer profond dans une détestation mortelle de tout ce qui dégage une odeur de normalité et de lucidité. »

Telles furent les dernières volontés criminelles d’Ayissi, le Lucien, lorsqu’il espérait encore tuer les destins juvéniles et qu’il décida de raviver les liens tribaux avec Jacques Fame Ndongo, Mathias-Éric Owona Nguini et Nkole Foé.

II- Professeurs étrangleurs et universitaires croque-morts : Jacques Fame Ndongo, Mathias-Éric Owona Nguini, Lucien Ayissi et Nkole Foé
Au-delà de ces pensées assassines, peut-on, en toute sérénité, envisager la perspective de rencontrer, dans la société, des philosophes méchants ? Plus généralement, faire l’école, n’est-ce pas pérenniser l’exception humaine, l’ouverture de la raison à ses contraires, la hauteur du goût et l’assurance de l’espoir ? L’universitaire, n’est-ce pas toujours, d’une façon ou d’une autre, le laboureur de la vérité, le forçat de la connaissance et l’apôtre de la liberté ? En principe, le rôle de celui qui a poussé loin à l’école ne consiste-t-il pas à diffuser les savoirs, pour dissiper les ténèbres de l’ignorance, de l’obscurantisme, et les brumes de la mystification ?

Le spectacle qu’offrent nos grands écoliers, nos universitaires et autres agrégés de la mangeoire, ne permet pas de répondre positivement à ces interrogations. Certains Seigneurs des amphithéâtres attisent plutôt les flammes du découragement, de la haine, du tribalisme, de la violence et de la mort. Le régime du Renouveau a lavé, essoré, séché les philosophes-fonctionnaires dans le dénuement, la clochardisation et le dégoût de soi, au point où ils ne tiennent plus debout. La colonne vertébrale de leur respectabilité, de leur dignité et de l’amour propre est brisée.

La preuve de ce règne de la déraison est fournie par les écrits et les agissements de quatre comparses qui occupent les devants symboliques de la scène académique : Fame Ndongo, Mathias-Éric Owona Nguini, Lucien Ayissi et Nkole Foé. On dirait que Plaude, en écrivant La comédie des ânes, nous avertissait de leur venue, avec la cohorte de leur impétuosité grégaire et de leur haine viscérale constitutive. Les voir déraisonner, au quotidien, en exhibant leurs vomissures rhétoriques comme la consécration de l’inventivité, est un supplice infligé à toute intelligence saine. Avec ces universitaires, en effet, le ver de l’obscurantisme, du tribalisme, de l’incompétence et de la brutalité psycho-doctrinale et idéologique est entré dans le fruit de la science et dans l’administration de l’enseignement et de la recherche au supérieur de notre pays. Parce que, dès lors qu’on commence à ruser avec les principes, la vérité et le bon goût, la norme fout le camp. Or, ce n’est pas la mansuétude du penseur, du cadre supérieur ou du manager qui est sollicitée au quotidien : ce sont sa lucidité et ses compétences d’analyste ; c’est le bon sens tendu vers le tissage du vécu historique des peuples. Or, le bon sens est toujours nourri par l’expérience du discernement et la maîtrise des textes juridiques en vigueur dans une institution. Le fait, pour un dirigeant et ses affidés, de consolider leur emprise sur une organisation en accordant des faveurs aux siens, en théorisant l’élimination d’une partie de la population, sur la base de leur proximité sociologique, et non sur leurs compétences, sort des normes d’investigation critique et de gestion des questions relevant de l’avenir commun.

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Avec ces quatre universitaires, l’on rentre dans l’empire de l’indignité, où la défense du frère malfaisant, la prévarication et les prébendes dictent leur loi infâme. C’est pourquoi nos universités sont plongées dans le “tontinnement” (pardon, je ne pense à rien de conjoncturel ; ce n’est qu’une image…) des faveurs illégitimes du clan, des produits de la magnanimité indue et des fantasmes du complexe de supériorité qui irrigue la morgue et la suffisance originelle de leur Chancelier-en-Chef. En appliquant ça, ils gâtent le pays ! Car, sur quels critères vont-ils faire la navette sentimentale entre telle sollicitation, auguste en soi, telle autre empreinte des larmes du frater, ou telle tentation de l’évangile des rétro-commissions ? Gouverner ne revient pas à appliquer une casuistique inférieure aux réquisitions intempestives des intestins. Une telle attitude est aux antipodes de l’esprit de la fonction publique. Lorsqu’on parle de hautes responsabilités gouvernementales ou de la dignité des Ordres académiques, on implique la neutralisation des bas sentiments du village.

Dans une de ses sorties, Nkolo Foé s’étonnait que je sois toujours libre de mes mouvements, malgré les attaques contre les institutions, les ministres et autres personnalités de la République et « Son Excellence Paul Biya ». Ayissi Lucien, lui, le philosophe-tueur, qui passe pour un bibliomane athée, a, pourtant, en privé, son dieu caché : Paul Biya ! C’est la même divinité à qui l’autre aussi a sacrifié son prestige philosophique usurpé, ses références scientifiques et ses parchemins imputrescibles (qui ne peuvent pas être rongés par les termites). Mais ces deux philosophes supposés ne se demandent pas si Owona Nguini est en droit de faire manger sa famille avec un faux colloque sur le nom d’une femme qui ne lui a pas demandé des éloges ; ils ne songent pas à interroger, du point de vue éthique, l’accès au grade de Professeur titulaire d’un type, parce que, de ses propres aveux, il fait la promotion du génocide au Sud-ouest et au nord-ouest. Et Jacques encadre cette imposture, sans sourciller, alors qu’au même moment, les enseignants les plus méritants rentrent bredouille, les rapports d’expertise n’étant pas arrivés, en violation des règles de fonctionnement du CCIU. D’ailleurs, il est au-dessus de ses compétences littéraires insipides de comprendre que l’Université est apolitique ; qu’elle sert à autre chose qu’à soutenir bêtement le Président national du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Il ne vient pas en son entendement ténébreux à son esprit aveuglé par le tribalisme et le détournement des fonds publics, que les budgets et les trésors de l’enseignement supérieur servent à financer la recherche et l’innovation scientifique. Tous n’y voient pas d’inconvénient. Au contraire, vu leur pusillanimité atavique (ils sont nés calculateurs et peureux ; ils ne se sont pas formés au courage nécessaire pour affronter le lion, ayant oublié de lire Jankélévitch qui l’enseigne si bien), ils filent à MEON, de temps en temps, quelques notions philosophiques et littéraires périmées, pour pimenter ses vomissures pétillantes et son venin tribal frelaté. Décidément, les minables cheminent, dévaluent et combattent en meute…

Tels sont les philosophes et les Professeurs de Paul Biya ! Ce sont eux, ces pâles figures pusillanimes et vampirisées qui se sucrent du sang professionnel des cuvées estudiantines prometteuses ; ce sont eux qui, en même temps, encensent et divinisent le Chef de l’État, qui demeure pantois (étonné de tant de fébrilité malsaine). Ces « cerveaux » souhaiteraient emprisonner et tuer tous les Camerounais, pour que leur « frère » de Président demeurât au pouvoir, et que sa momie, prenant le relief de leur minorité éthique et sentimentale, prît le relais de son règne, après qu’il eût anéanti totalement l’unité de la République. J’entrevois, sans peine, le mépris et les rictus de dégoût que cet affalement inspire au Grand camarade. Aussi longtemps que Paul Biya va promouvoir de tels monstres, mon antipathie à son égard ira crescendo…

Ceci dit, devant un tel dénuement moral, est-il encore nécessaire de rappeler à ces politiciens de dernière heure ces maximes de Sade :
« La raison – mon ami, oui, la raison toute seule doit nous avertir que de nuire à nos semblables ne peut jamais nous rendre heureux, et que notre cœur, que de contribuer à leur félicité, est la plus grande pour nous que la nature nous ait accordé sur la terre; toute la morale humaine est renfermée dans ce seul mot: rendre les autres aussi heureux que l’on désire de l’être soi-même et ne leur jamais faire plus de mal que nous n’en voudrions recevoir. Voilà, mon ami, voilà les seuls principes que nous devions suivre et il n’y a besoin ni de religion, ni de dieu pour goûter et admettre ceux-là, il n’est besoin que d’un bon cœur ».

Ces universitaires, eux, attendent le couronnement de leur malveillance, puisqu’ils ont perdu le sens de l’honorabilité, de la félicité terrestre et la légèreté de cœur qui font les succès d’authentiques mentors. Ayant attendu, pendant toute leur carrière professionnelle, en vain, la consécration publique de leur tristesse constitutive, ils entrent finalement dans le terrain des intrigues.
Le système politique les y prédispose. Ce faisant, ils se constituent ainsi en de rigides chaînes, au moyen desquelles le pouvoir en place pourra aisément les ligoter et bâillonner en même temps le peuple. Mais se souviennent-ils que la philosophie est complexe, avec plusieurs traditions antithétiques ? Rien n’est moins sûr. De fait, ils prennent un petit bout de cet héritage millénaire et ils remplissent leur bedaine critique avec le vide qu’ils ont exhumé. Les thèses philosophiques canoniques ressortent ensuite aux occasions idoines, pour dissimuler leur partisannerie.

Alors qu’en tant qu’universitaires, notre rôle consiste à désinquiéter, en nous faisant éprouver une terreur cathartique, par l’exemple, imaginez le niveau de rabaissement dans lequel les philosophes et les intellectuels auto-proclamés se vautrent : ils se résignent à subir ou à voir commettre les injustices, pour mieux paraître acceptable. Ils se terrent dans la torpeur, pour faire prospérer de lucratives lubies propres au domaine de la politique. Ils illustrent, à la perfection, ce que Paul Biya et ses compagnons pensent des universitaires. On sait, d’expérience, que ceux qui se trouvent à la tête des structures de la gouvernance universitaire polluent l’atmosphère dans le pays, au moyen d’un giottisme incendiaire ; ils manipulent les tribus les uns les autres. Ce sont des suivistes qui, incapables d’observer une distance critique d’avec la réalité, se cramponnent aux lois immuables de leurs gros intestins et aux décrets abrutissants de leur vanité. Ce qui compte, pour eux, ce sont les bruits publics qu’occasionnent leurs grades et leurs titres immérités.

III- La laideur abrutissante des grades et des titres immérités et l’écriture de la rédemption
Dans un entretien avec E. Lossowsky, à la question : « Qu’appelez-vous laideur ? S’agit-il d’une forme de la vulgarité ? », Foucault, prenant l’exemple de Manet, répond : « Non, absolument pas. Vous savez, il est très difficile de définir la laideur. Il peut s’agir de la destruction totale, de l’indifférence systématique à tous les canons esthétiques, et pas seulement ceux de son époque ». Comme avec l’art pictural, la vertu principale des distinctions académiques est d’exercer la vue de l’universitaire, de contraindre son jugement et son regard à se dépasser pour fouiller dans l’avenir où gisent les trésors de ses concitoyens et de l’humanité en général. C’est pourquoi, le savant et l’intellectuel sont séduits par le plaisir de regarder, par l’inextricable beauté de la laideur qu’il découvre chez un peintre, comme Manet.

Celui qui veut changer un état de choses déplorable, dans une société donnée, doit toujours se rappeler le contenu qu’il donne à la notion d’être humain et ce que tous les autres, les immoraux et autres misanthropes, désignent par homme. D’abord, intéressons-nous à la manière dont les étrangleurs conçoivent l’homme. Ambroise Pierce, dans Le Dictionnaire du Diable donne la définition suivante :

« L’Homme (n) : Animal si profondément plongé dans la contemplation extatique de ce qu’il croit être qu’il en oublie totalement ce qu’il devrait être. Son occupation principale consiste à exterminer les autres animaux et ceux de son espèce ». Telle est l’imaginaire qui préside à toutes les discriminations, à toutes les tortures et à tous les massacres qui sont commis sur cette terre.

Lorsqu’un penseur doit rendre compte de ces dérives, il faut qu’il se détermine à faire réfléchir le lecteur, au point de le dégoûter de lui-même et de le décider à dénoncer les fraudes, les injustices et les meurtres. Il lui faut posséder le lecteur, à tel point que celui-ci devienne réfractaire à l’insensibilité, à la passivité devant la vie cruelle, à la méchanceté, au cynisme, à l’ignorance, à la petitesse, bref à toutes les “qualités” négatives qui nous constituent en sous-humains, en non-humains, en inhumains !

C’est pourquoi, nos mots sont des personnages du théâtre de la vie. En chacun se trouve incarnés Aristophane, Diogène, Lucien, Ésope, La Bruyère, Horace, Régnier, Boileau, Voltaire, Buffon, Sade, Rabelais (Pantagruel)… Baudelaire, Nizan, Sartre, Foucault, Badiou… L’amertume, l’ironie caustique, la cruauté du verbe, la saveur exquise du style, les émotions vives et attendrissantes, le piquant, les pirouettes incisives, le ridicule qui fait pleurer, la froideur, la sécheresse, la lascivité déroutée, la gravité, tout doit y être dans des accords esthétiques déroutants. Il n’est pas jusqu’à l’excommunication des figures les plus bestiales de l’humanité qui ne soit envisagée, en dernier ressort.

Écrire et lire dévoilent ainsi leur véritable nature, qui est le travail réciproque d’ensorcellement-exorcisation entre l’auteur et le public des lecteurs. La scène poétique est empreinte de tragédie, tel est le sentiment que leur inspire leur accolade sacrée :

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  • « Que regardes-tu dans ce papier ? demandait l’ignorant.
  • Oh ! si tu savais, répondit le lecteur, comme cela est amusant : il y a des personnes qui parlent ; on entend avec les yeux.
    Un livre est une voix qu’on entend, une voix qui vous parle : c’est la pensée vivante d’une personne séparée de nous par l’espace ou le temps ; c’est une âme.

Les livres réunis dans une bibliothèque, si nous les voyions avec les yeux de l’esprit, représenteraient pour nous les grandes intelligences de tous les pays et de tous les siècles qui sont là pour nous parler, nous instruire et nous consoler […]. Les hommes passent, les monuments tombent en ruine ; ce qui survit, c’est la pensée humaine . »

De même, dans chaque phrase, la dérision et la satire cohabitent avec l’humour noir, l’ironie et l’espoir le plus lumineux. Ce verbe plastique sera toujours un cocktail de saveurs humaines et d’effluves d’idées qui met le feu au confort et aux assurances des méchants, stimule les cœurs impassibles qui ne nourrissent plus ni amour ni haine, et conjure l’apartheid où végète le plus grand nombre de citoyens à travers le monde.

Ce sont des textes qu’on lit avec les yeux et un cœur juvéniles. Ils actualisent une sensibilité nouvelle qui murit aussi bien à la vue d’une critique sanglante contre l’arrogance qu’au dévoilement de la suffisance infecte et de l’inconséquence des figures tutélaires et frénétiques de la déchéance. Ce sont des textes littéraires et philosophiques plus adaptés pour forger en eux le patient dégoût de l’imposture, sans les éprouver avec un discours meurtrier qui vient à bout de la nuisible prétention. Il faut donc exercer le lecteur à apprendre à se représenter le monde où il vit, avec une pointe d’envoûtement-émancipation de goût.
Oui, envoûtant ! Car, pour espérer changer les comportements dans le société, il faut que celui qui écrit se détermine à faire réfléchir le lecteur, au point de le dégoûter de lui-même. Il lui faut posséder le lecteur à tel point que celui-ci devienne réfractaire à l’insensibilité, à la passivité devant la vie cruelle, à la méchanceté, au cynisme, à l’ignorance, à la petitesse, bref à tous les “qualités” négatives qui nous constituent en sous-humains, en non-humains, en inhumains !

Cette écriture volcanique est le prélude à la renaissance de l’espoir ; elle est la distillerie du progrès social et économique, puisqu’elle trace la voie de l’émancipation. Les laves incandescentes des idées qui la constituent dévalent les pentes escarpées de toutes les convenances incommodantes, en neutralisant les sortilèges et la malédiction entretenue par les systèmes et autorités illégitimes. Cette rivière de souffre détruit symboliquement les pièges de l’aliénation, de l’exploitation et de la dictature, pour fertiliser les terres du développement et la plaine des cultures créoles qui représentent la richesse des grands peuples.

IV- Au-delà des appartenances politiques, la figure tutélaire du philosophe aujourd’hui
Le caporalisme n’existe pas en philosophie. Et le fait d’avoir un parti-pris ne dispense pas du devoir d’être honnête envers ceux qui nous lisent. Martelons donc que la philosophie consiste à être infidèle aux credo et aux figures mythiques les plus réputés. Il incombe au penseur critique la responsabilité d’élaborer un discours qui défigure la physionomie de tous les discours partisans et de toutes les praxis consacrées, pour mieux les articuler.

On ne fait pas la philosophie en silence, comme la prière. Et il n’y a pas une seule approche pour y parvenir, Platon ou Socrate ne sont qu’une petite goutte d’eau dans l’océan de la philosophie. À cet égard, le philosophe n’est pas le suiviste, et les doctrines philosophiques comptent des milliers de philosophes, avec des sensibilités et des approches différentes du réel et de l’expérience vécue. C’est pourquoi, revendiquer un héritage, se constituer le disciple d’un philosophe ne fait pas de vous, de fait, le Cardinal de l’Inquisition…

Pour édifier philosophiquement, il faut être, comme l’instructeur, une âme transparente et transperçante ! Il faut être pourvu de cette résilience de la lucidité qui martèle la cupidité et la méchanceté des hommes-ogres. Tout, en un philosophe, respire le souffle multicolore et étouffant de la vie. Il se tient devant le monde, tout seul, sûr et compacte comme la flamme vivante de la liberté, et il cite le mot de Ruben Um Nyobe : « Ce n’est que dans l’ignorance qu’on peut imposer une dictature, fut-elle la plus subtile. Dans ces conditions notre tâche est claire : éclairer le peuple ».

Blindé dans son âme par cet engagement exaltant, ses yeux bruissent d’une fulgurante impétuosité. Son âme inhale ces flots de tension inhumaine qui irriguent les rapports intergénérationnels, et son cœur les reflue au dehors par son goût marqué pour le beau. Tout ce qui dégage un parfum suave de la bonté et de la pureté maculée de vie l’enivre, presque à mort. Il est comblé jusqu’à la survenue d’une catastrophe qu’on aurait pu éviter, jusqu’à la vue d’une injustice, ou si le souvenir d’un conflit juridique irrésolu lui remontait à la mémoire….

Aux patriotes égarés par la haine tribale ou la rancœur justifiée, il demande de mesurer leurs déceptions et leurs désillusions à l’indicible ingratitude dont ont souffert nos ancêtres, les pères fondateurs (ces amoureux du projet Cameroun sacrifiés par le néocolonialisme et ses héritiers). Aux gouvernants, il recommande qu’ils s’inspirent de l’histoire ; qu’ils mesurent les sacrifices consentis par ces grands souffles éteints du passé qui continuent néanmoins de vivifier la mémoire patriotique. Ils sont mis en demeure de répondre à cette question massive : comment travailler à mériter d’appartenir à la mémoire si sélective des générations présentes et futures, et surtout d’y occuper une place respectable ? En sachant peut-être que c’est peine perdu, aussi longtemps que l’imposture politique et universitaire perdurera….

Or, un pays séquestré, comme le nôtre, a besoin d’une philosophie qui permet de modifier les comportements des citoyens et de moderniser le pays. Nous n’avons pas un problème de “mentalités”; nous sommes conditionnés par le néocolonialisme et la malgouvernance. Il faut donc des pensées élaborées et des philosophies avant-gardistes qui engagent une transformation soutenue et illimitée de nos potentialités critiques et économiques. Cela ne peut pas passer par la rhétorique de la médiocrité et de l’excellence. Il faut travailler le vouloir, défricher les consciences, étancher notre soif du juste et du beau.
Le professeur de philosophie ou l’universitaire, qui comprend ce qu’il fait (enseigner la contradiction), ne peut résister à cet attrait du comprendre : son devoir est de clarifier les zones d’ombres, sans tuer les velléités de contestation argumentative. Philosopher, au final, revient à susciter le goût de la controverse scientifique et non à enraciner la culture du dogmatisme.

Conclusion
Au final, retenons que quand les scélérats mettent en œuvre leurs machinations macabres, lorsque des individus assoiffés de sang, de vengeance ou d’opprobre prospèrent, quand de véritables brigands insatiables veulent sévir, quel que soit le prétexte auquel recours le citoyen ordinaire pour présenter le meilleur visage de son innocence, il sera détruit par la furie meurtrière qui enrage le triangle national. Mais il est temps de leur dire ceci :

Si vous êtres effrontés, accusez la malchance : si vous désespérez, accusez les circonstances, comme le renard dans la fable Le Renard et les raisins d’Ésope. N’accusez point les artistes de la beauté du penser d’être responsables de vos infortunes !
Vivre, c’est faire fusionner plusieurs masques culturels, comme un comédien de génie.
Vivre, c’est savoir dissimuler ses névroses.
L’effroi que vous inspire la dictature du vrai ne doit, en aucun cas, vous enlever l’esprit ; la panique qui vous envahit en pensant aux souffrances lointaines que nous endurons au quotidien ne vous exonère nullement du devoir de recourir à votre discernement, au point de vous acharner sur les étudiants, qui survivent, entre autres, de l’espoir de bénéficier de votre encadrement, de la modernisation du paysage de l’enseignement supérieur.

Le goût n’est pas dans la bouche, nécessairement ; il est dans le cœur aussi ! Or, si l’on n’a pas le cœur bien cramponné dans le ventre grâce à la température de la réserve qu’on fait régner dans ses appétits, l’on ne peut parvenir à apprécier une œuvre d’art et ses subtilités, ni une nourriture spirituelle qui régénère.

Le mal se répand. Si vous ne muez pas, craignez votre transfiguration ultime. Vous pourriez alors vous transformer, à votre insu, en un putois, un asticot ou en un virus pathogène, c’est-à-dire en un prétexte et un motif de destruction. Nous devons conjurer, de toutes nos forces, l’oubli démesuré qui ferait de tous des somnambules et des dangers publics.

C’est à nous, les universitaires, les philosophes, les scientifiques, les artistes, qui avons flirté avec les idées et la dialectique qui les marie à l’expérience vécue, que revient la charge céleste d’indiquer la voie de la rédemption. Sentons la souffrance lointaine, même si l’on est soi-même à l’abri des besoins et des tourments ; sondons l’effroi et la misère noire dans le tréfonds des villages enclavés, même si l’on est soi-même préservé de la faim ; ne justifions jamais les ravages de la cupidité et de la misanthropie des Seigneurs de guerre, même si nous sommes enclins à nous agripper aux honneurs et aux élévations de pacotille ; représentons-nous le poids de la douleur, de l’insoutenable peine et du désespoir, celles des âmes rivées sur son inexorable trépas, même si nous ne sommes plus ni capables ni même dignes de souffrir encore.
C’est là, mes chers lecteurs, la pointure humaine qui sied à notre corps de citoyen républicain et patriote.


Fridolin NKE
Expert en discernement

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