QUELLES LEÇONS TIRÉES DE LA VISITE DU PREMIER MINISTRE JOSEPH DION NGUTE AU GICAM LA SEMAINE DERNIÈRE ?: UN PLAN DE PAIX AVANT UN PLAN ECONOMIQUE

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Comme on s’y attendait, la visite du Premier ministre Joseph Dion Ngute au siège du Gicam le 18 mai dernier, qualifiée a juste titre d’historique, a drainé du beau monde, surtout du côté des opérateurs économiques membres de cette corporation.

Leur affluence et la densité de leurs interventions ont montré qu’ils ont été très sensibles à la venue du chef de gouvernement, surtout au moment où deux couacs récents, l’un avec le Directeur General des impôts et l’autre avec une délégation du ministère de la justice, conduite par le ministre délégué Jean De Dieu Momo, ont mis sur la place publique le malentendu latent qui entache les relations entre le secteur privé et le gouvernement depuis des années.

Quelles leçons tirées de cette journée d’entretiens denses et francs que le Chef du Gouvernement a passée avec eux ?Honnêtement, pour une rencontre qui est d’ailleurs une première dans l’histoire du pays, dans un contexte où on n’est pas encore totalement sorti des pratiques héritées de la période de la pensée unique, ce que nous avons particulièrement apprécié, c’est la franchise dans les échanges, surtout que pour l’essentiel, chacun s’est campé sur sa préoccupation principale, les attentes du Gicam du gouvernement pour fructifier leur collaboration dans l’animation de l’économie nationale, particulièrement pendant la pandémie du coronavirus et la contribution du secteur privé pour la reconstruction des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui tient cœur au chef du gouvernement.

Une franchise qui a néanmoins révélé deux camps retranchés, campés sur leurs positions qu’ils se sont évertués à présenter l’un à l’autre en espérant même une réponse immédiate de l’autre. Une stratégie qui s’est révélée peu efficace, car aucun camp n’ayant eu suffisamment de temps pour se pencher sur les préoccupations de l’autre, les réponses immédiates sont restées maigres, aussi bien du Premier ministre pour les préoccupations majeures du secteur prive que des membres du Gicam pour leurs contributions au financement de la reconstruction du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Peut-être qu’une plus longue période de préparation et une communication préalable des préoccupations majeures des uns aux autres auraient permis à la rencontre d’être plus fructueuse.

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Qu’à cela ne tienne, le simple fait que cette rencontre ait eu lieu, dans un pays où le sommet de l’Etat n’a jamais reçu ou rendu visite à un opérateur économique national ou organisation patronale ex qualité, où une tradition administrative néocoloniale continue à réduire l’opérateur économique au simple rang de contributeur fiscal obligé, fraudeur par nature et surtout en cette période où du fait de l’effacement du Président de la République, constitutionnellement seul maitre à bord de la gouvernance publique, ce qui fait que le gouvernement fonctionne comme un bateau ivre et sans capitaine à bord, est en soi une évolution historique, voir un exploit que les deux camps ont intérêt à fructifier. « Jamais en 64 années d’existence, le Gicam n’avait été honoré de la visite du Chef du Gouvernement de notre pays dans les locaux abritant son siège », n’a pas hésité à confesser Celestin Tawamba le président du Gicam.

C’est ainsi que ce serait passer à côté de l’essentiel que d’ergoter sur la petitesse de la cagnotte empochée par exemple par le Premier ministre pour ce qui concerne la contribution des membres du Gicam au financement de la reconstruction des régions dévastées par la guerre qui lui tenait tant à cœur, surtout que comme l’a une fois de plus dit le président du Gicam, on ne peut reconstruire que des zones en paix surtout que la voie militaire montre ses limites. « Il faut trouver des emplois aux jeunes. Tronquer l’arme par l’emploi ”, ajoute-t-il.

Une façon subtile d’insister sur la nécessité pour le gouvernement de recourir au dialogue pour obtenir cette paix. L’opposition ne dit pas autre chose depuis 2016, mais elle est taxée de pro-sécessionniste, mais maintenant que cela sort de la bouche du patron des patrons, le régime devrait y prêter une oreille attentive.D’un autre côté, ce serait faire preuve de mauvaise foi que de reprocher au président du Gicam de n’avoir pas macher les mots pour dire certaines vérités au Premier Ministre. « Le secteur privé contribue pour 40% du budget de l’Etat et entend se faire respecter… En me demandant de signifier leur soutien aux initiatives gouvernementales, les chefs d’entreprises ne cachent pas leur perplexité et leur scepticisme… perplexité parce que, ailleurs dans le monde, dans le contexte de la pandémie du Covid-19, ce n’est pas l’Etat qui a besoin d’un soutien du secteur privé, c’est le gouvernement qui apporte des aides en soutien aux entreprises… Scepticisme par rapport à l’utilisation des contributions qu’ils souhaitent faire, tant, par le passé les appels de fonds n’ont pas toujours bénéficié de la nécessaire transparence dans leur faire l’objet d’un usage inapproprié », a-t-il glissé subrepticement pour inviter le gouvernement à se départir de sa condescendance habituelle pour prendre en compte certaines réalités qui s’imposent a une économie qui s’avance vers la modernité.

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Devant une telle franchise de la part de ses hôtes, le Premier Ministre a lui-aussi été très clair, du moins en ce qui a été de son terrain d’attaque préféré, à savoir la reconstruction du Nord-Ouest et du Sud-Ouest : « Le gouvernement n’entend pas s’immiscer dans la gestion des micro-projets issus du plan de reconstruction du président de la République. Sur le terrain, les micro-projets seront menés par les entreprises elles-mêmes en partenariat avec les communes et les Conseils régionaux sous la supervision du Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) », a-t-il rassuré.

De plus, par la voie du ministre Paul Tasong, en charge de la gestion du plan de reconstruction des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, il a rappelé aux opérateurs économiques que les régions en question bénéficient du statut de « zones économiquement sinistrées, selon un décret signé par le Premier ministre Joseph Dion Ngute en date du 2 septembre 2020, une bonne incitation pour y prendre des risques économiques.A-t-il convaincu les opérateurs économiques ? On peut prendre le risque de répondre par l’affirmative, même si par expérience, ces derniers attendent que les actes viennent corroborer les promesses.

D’où la timidité des contributions financières sur place qui ont garni la cagnotte du Premier Ministre à la fin de la rencontre. Ainsi en dehors des 500 millions de la SABC sur un total promis de un milliard et les 200 millions du groupement des industries meunières du Cameroun avancés par Célestin Tawamba, les patrons ont rappelé au Premier Ministre par la bouche de leur président qu’ils ne pourront s’avancer substantiellement que lorsque le gouvernement leur présentera un plan avec des projets détaillés : « Avec la mise en place de ces dispositifs, et en dépit de leurs craintes, un bon nombre d’entreprises ont déjà manifesté leur intérêt à prendre leur part dans cet élan citoyen, et je pense que d’autres feront de même au terme de la présentation du Plan et des projets. Nous nous fixons un horizon de trois à quatre mois pour permettre aux entreprises de concrétiser leurs engagements », a conclu Célestin Tawamba, devant un Premier Ministre qui n’a pas caché sa satisfaction à la fin d’une journée qui se présente comme un signe des temps.

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E. FOPOUSSI FOTSO

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