En réaction, le pouvoir semble se radicaliser aussi en annonçant une série de mesures conservatoires.A l’origine de cette poussée de fièvre, il y a la date du 31 août 2017. Elle correspond, au Gabon, au premier anniversaire des violences postélectorales qui ont suivi l’annonce de la victoire, très contestée, du président Ali Bongo Ondimba. Des rumeurs de prise de pouvoir, à cette date, par Jean Ping ont circulé dans les réseaux sociaux et même les débits de boisson.
Deux semaines avant cet anniversaire, Jean Ping a revêtu la stature d’un chef de l’Etat.
« Je ne vous retiens plus. Je vous enjoins d’organiser, dès aujourd’hui et sans limite, jusqu’au départ des putschistes, toute manifestation civique », a-t-il lancé à ses militants, dans un message à la Nation.
Une télé privée de message politique
Piqué au vif, le pouvoir a interdit à la télévision privée, Nazareth – qui a diffusé l’intégralité de cet appel – de diffuser tout message politique durant un mois. De son côté, le ministre de la Communication a interdit l’accès aux médias d’Etat à tous les opposants qui viendraient lancer des appels à la désobéissance civile.
La dernière décision du gouvernement est l’interdiction de sortie du territoire qui frappe désormais Jean Ping et tous les leaders politiques autour de lui.
Ainsi, vendredi, l’ancien candidat à l’élection présidentielle de l’an dernier, Casimir Oyé Mba, a été refoulé alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour Paris. Dimanche dernier, un autre ancien ministre – lui aussi candidat à l’élection présidentielle de 2009 – Albert Ondo Ossa, avait connu le même sort.
« C’est une réponse du berger à la bergère »
Le ministre de l’Intérieur, Lambert Noël Matha, a expliqué à RFI que ces opposants font effectivement l’objet d’une mesure administrative provisoire.
« Il s’agit là simplement d’une réponse du berger à la bergère. Monsieur Casimir Oyé Mba, ancien Premier ministre, Jean Ping et bien d’autres personnalités sont frappés par une mesure provisoire d’interdiction de sortie du territoire national. Mesure qui intervient à la suite de propos séditieux, des propos d’une extrême gravité tenus par monsieur Jean Ping, le 18 août dernier. Jean Ping, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle, a appelé ses partisans aux troubles à l’ordre public, à l’insurrection, à la rébellion, à la guerre civile. Cela n’est pas tolérable dans un Etat de droit », a déclaré Lambert Noël Matha avant de préciser que, sur cette liste noire, figurait « Jean Ping lui-même et bien évidemment des responsables de la vingtaine de partis politiques » regroupés au sein de la Coalition pour la nouvelle République.
Le ministre de l’Intérieur gabonais a par ailleurs ajouté que cette mesure « n’a pas vocation à durer dans le temps », qu’il s’agit d’une « mesure provisoire » et que lorsque la situation « sera redevenue normale, le gouvernement avisera ».
« Une décision arbitraire et contraire à la Constitution »
RFI a recueilli le commentaire d’Alexandre Barro Chambrier, président du Rassemblement Héritage et modernité. Il est un soutien indéfectible de Jean Ping. Alexandre Barro Chambrier condamne cette décision.
« Notre réaction vise à dénoncer, à condamner ces décisions iniques, inacceptables, non conformes à la Constitution, mais rien ne nous surprend de la part de ce régime qui est dans une logique de répression. Après avoir violé le choix des Gabonais, voilà encore une atteinte aux libertés publiques. Des violations sans notification, sans précision. Voilà que des personnalités sont empêchées de sortir du territoire. Après avoir bâillonné la presse, interdit toute manifestation, après avoir enfermé toute personne récalcitrante au manque de légitimité de ce régime, il n’y a plus rien à espérer de ce régime qui, loin de nous ébranler, nous renforce dans nos convictions pour la libération du pays », a déclaré le président du Rassemblement Héritage et modernité.
Rfi