L’après-Biya pendant Biya… est-il envisageable?

Le Cameroun est entrain de devenir un pays où nous passons notre vie attendre…On attend le retour du président, on attend les nominations, on attend l’émergence, on attend le décret d’application, on attend 2035, on attend 2018, on attend le port en eau profonde de Kribi, on attend le conseil constitutionnel, on attend le prochain régime…

Qu’est-ce que nous attendons au juste pour changer ce qui ne va pas? Le départ de Biya? Et pourquoi faut-il attendre? Le bonheur peut-il attendre? Au vu du manque de performance actuel, les agents de l’État et assimilés sont-ils les seuls à pouvoir insuffler un nouveau souffle au pays? Quel est l’espace non-capitaliste que le modèle en place laisse-t-il aux initiatives de la société civile? Pourquoi c’est aux seuls agents de l’État que reviendrait la dernière décision? Il est impératif de proposer au vu de l’impasse et des incapacités actuelles une autre alternative à la plateforme administrative seule en charge de l’imagination et de la créativité du projet national ainsi que de le pouvoir de l’allocation de la fortune publique.

Si nous n’y arrivons pas malgré les « efforts », c’est avant tout parce que la structure actuelle de l’État n’a pas été pensée pour notre émancipation; au contraire. Pas besoin d’être explicite pour démontrer par exemple comment un délégué du gouvernement désigné par le chef de l’État est plus puissant que des maires élus par le peuple avec un budget plus important se retrouve incapable de construire des crèches, des terrains de sport, des maisons de jeunesse et de la culture pour améliorer et animer la vie des camerounais; mais plutôt préfère construire des boutiques et des restaurants qu’il mets en location comme un vulgaire commerçant cherchant à faire de l’argent… sauf que c’est avec l’argent des camerounais!

Parce que ce genre de non-sens “étatique” pilotés depuis le sommet sont nombreux sans que les citoyens bénéficiaires finaux puissent apporter leur vision, il est impératif de créer une nouvelle plateforme en invitant d’autres acteurs que ceux issus des organigrammes de la fonction publique et ses dérivés car nous savons tous que l’heure du salut qu’on arrête pas d’ajourner, par de promesses qui n’en finissent plus, est un jeu politicien d’un État quasi-monarchique qui sait qu’il n’arrivera pas à développer le pays. Quand une chose ne marche pas, il faut l’arrêter et faire autre chose au lieu de l’étirer indéfiniment. Pourquoi continuons nous avec ce modèle d’État qui demeure le seul à décider de tout, partout et pour tous sans que les résultats se fassent voir? Un modèle d’État que le blanc nous a laissé dans un but précis, comme il nous a laissé des routes qu’il nous a tracé dans l’unique but d’écouler vers le port nos matières premières; un État que nous sacralisons aussi parce qu’il nourrit l’individu que nous sommes, nous fonctionnaires et assimilés, nous et pas les autres… Mais comment nous nourrit-il?

Comme des parasites poursuivant hypocritement un projet collectif dont nous savons qu’il ne pourra que nourrir d’une manière ou d’une autre notre seule personne… nous permettant de nous construire une maison, rouler dans des voitures de luxe, envoyer nos enfants a l’étranger, se soigner à l’étranger; un État dans la duplicité dont le projet a été détourné vers des ambitions égoïstes d’une minorité qui a abandonné les autres au seul plan de développement qu’est la débrouille, devenue un projet de société. Si les arrestations pour détournements de fonds ne freinent nullement cette surenchère d’un individualisme qui s’organise autour des biens collectifs, c’est bien parce que la structure actuelle les rends possible.

Prenons donc acte de l’impasse actuelle dont la cause est avant tout le manque de foi aux capacités du modèle qui nous gère pour améliorer la vie des camerounais; et le manque de motivation qui en découle nous empêche de recréer une dynamique malgré l’esprit entrepreneur et la créativité des camerounais. Créer cette plateforme est un préalable à l’idée d’une alternance politique qu’on ne doit surtout pas attendre sur la base d’un changement “naturel” du régime qui nous rendra définitivement inapte à insuffler et à animer la transformation de cette société qui sera sans doute un processus long et laborieux nécessaire à tous les étages de la société. La transformation de la société camerounaise ne saurait passer par une crise que tous, et surtout les élites tribalisées, tant au sein du régime qu’ à l’extérieur, acceptent et couvent , avec un fatalisme qu’on peut observer dans l’attentisme actuel, les conflits de demain. Pourquoi nous condamnons-nous à rester du côté obscur où tout est de l’ordre du secret quand ça n’est du côté de l’auto-destruction? Comment donc apprendre à sortir ensemble de « la grande nuit » ; si ce n’est en organisant au grand jour une conférence de la société civile sur l’après? L’après -Biya doit cesser d’être perçu par les préfets et sous-préfets ne sachant plus comment sortir de la mission de répression des leurs qui leur a été assigné depuis l’époque coloniale, comme une menace de l’ordre établi et apprennent à se joindre et à dynamiser des initiatives non-gouvernementales de la société civile dans l’unique but de développer le Cameroun. C’est un concept qu’on pourrait designer par Cameroun 2.0 ; un pays nouveau à accoucher auquel tous y compris le président sortant et son équipe ont intérêt à apporter leur contribution comme “legacy”. Sortez donc de vos maquis des stratagèmes de l’après-Biya pour commencer au grand jour la reconstruction qui s’impose a nous tous.

par Jean-Pierre Bekolo

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