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La lecture de la crise anglophone de Dieudonné Enoh Meyomesse – Icicemac

La lecture de la crise anglophone de Dieudonné Enoh Meyomesse

 

« Les sécessionnistes : des réfugiés nigérians devenus envahisseurs qui réclament désormais l’indépendance
sur le sol camerounais.

Notre voisinage avec le Nigeria, ne cessera pas de sitôt de constituer pour nous, Camerounais, une grande source d’ennuis. Ceux-ci, dès le referendum de 1961, ont vu le jour, et nous en avons encore pour longtemps.

Le plébiscite de 1961 et l’interférence nigériane.

Premièrement, Lagos (et Londres également) a systématiquement financé les Camerounais favorables à l’intégration au Nigeria. Il était opposé à la reconstitution de notre pays divisé le mercredi 04 mars 1916 en deux zones d’occupation impérialiste, la « zone anglaise », à l’ouest, et la « zone française » à l’est, matérialisés par une ligne de démarcation et dont les deux postes frontières étaient situés, pour le Cameroun méridional, l’un à Loum, l’autre à Santa.
Deuxièmement, de très nombreux Nigérians ont été déplacés, par l’administration britannique, au Cameroun Septentrional, pour fausser les résultats du plébiscite, afin d’empêcher la réunification. Ceci, tout le monde le sait.

Troisièmement, ce que l’on sait moins, ou dont on parle peu, en tout cas que taisent opportunément les sécessionnistes, et leurs défenseurs, est la présence de très nombreux Nigérians dans les villes de l’actuelle région du Sud-ouest, tout comme les villages, avant le referendum de 1961 et qui ont, au même titre qu’au Cameroun Septentrional, voté à celui-ci. Les résultats du plébiscite dans cette région, ont ainsi été très largement influencés par ces non-Camerounais, au point où le vote pour l’intégration au Nigeria y a été majoritaire, à la différence de l’actuelle Nord-ouest, où résidait une colonie nigériane de moindre importance.

La guerre du Biafra et des pertes pour notre armée.

Six années après le plébiscite de 1961, à savoir à partir de 1967, le Nigéria nous a de nouveau causé d’énormes problèmes, avec sa guerre de sécession.

Premièrement, les Biafrais ont continuellement cherché, pendant toute la durée celle-ci, à faire de l’actuelle région du Sud-ouest, leur base arrière. Le Président Ahidjo s’y est totalement opposé, et l’armée camerounaise a subi de très lourdes pertes en vies humaines dans ce refus, les sécessionniste biafrais étant équipés entre autre par la France, pendant que notre armée ne disposait encore que de vieilles pétoires issues des stocks français de la deuxième guerre mondiale. Paris soutenant la sécession biafraise, en même temps dominant le Cameroun, et Ahidjo étant son obligé, il ne nous était guère possible de nous équiper ni en France, ni ailleurs. Nous étions condamnés à nous débrouiller avec ce que nous avions.

Nous nous sommes retrouvés en grandes difficultés, en termes d’armements, face aux sécessionnistes biafrais. Aussi, c’est par camions entiers que les corps déchiquetés de nos soldats revenaient régulièrement du front. Personnellement, j’ai perdu au début du mois de février 1968, un très proche parent dans cette guerre, un grand cousin à moi. Il était « quartier-maître » ― un grade de la marine ― dans ce qui tenait lieu à l’époque de « Marine camerounaise ». L’embarcation dans laquelle il se trouvait avait été atteinte par un tir de canon des biafrais et avait coulé. Tous ses occupants sont morts noyés.

Les centaines de milliers de réfugiés de la guerre du Biafra.

Mais, la guerre du Biafra n’a pas fait que nous causer des pertes humaines. Elle a, en plus, entraîné un grand exode de populations dans notre pays. Des centaines de milliers de Biafrais et Nigérians d’une manière générale, se sont réfugiés au Cameroun, et ne sont plus jamais retournés dans leur pays d’origine jusqu’à ce jour. Ils sont finalement devenus Camerounais. Ils ont tout naturellement inondé ce qui était à l’époque le Cameroun Occidental, au point de devenir même majoritaires dans un grand nombre de villes. Les campagnes n’ont pas été épargnées par leur venue massive. Ils ont créé des villages entiers, ou sont devenus des ouvriers agricoles dans des plantations. A Douala, ils ont pratiquement submergé le fameux « quartier yabassi », où ils se trouvent en grand nombre jusqu’à ce jour, sans oublier qu’ils ont conquis en grande partie New-Bell. A Yaoundé, ils sont arrivés moins nombreux, à cause de la barrière de la langue, car le pidgin, à la différence de la ville de Douala, n’y a pas véritablement prospéré.

Camerounais de papiers mais Nigérians d’origine et de cœur :
l’écrasante majorité des sécessionnistes.

Ces Nigérians ayant fui leur pays pendant la guerre de sécession et que nous avons amicalement accueillis dans le nôtre, en sont actuellement à leur troisième génération d’hommes sur le sol camerounais. Mais dans le même temps, cependant, ils demeurent mentalement irrémédiablement attachés au Nigéria, exactement comme les enfants des immigrés africains en Europe demeurent attachés à l’Afrique malgré leur citoyenneté française, Belge, anglaise, allemande, suisse, etc., ou comme les enfants des Turcs en Allemagne demeurent irréductiblement attachés à la Turquie, obéissent à Ankara plutôt qu’à Berlin, bien qu’ils soient nés en Allemagne et parlent allemand mieux que le Turc.

Ces « Nigérians-Camerounais », il va sans dire, depuis leurs parents immigrés à partir de 1967, n’éprouvent aucune sympathie pour le pouvoir de Yaoundé, ni pour les autorités camerounaises. Ils n’en ressentent que de la répulsion. En conséquence, faute de ne pouvoir ouvertement se définir « Nigérians », parce que dans ce cas il leur serait exigées des autorisations de séjour, ils se définissent par défaut et en même temps par opportunisme, « Anglophones », et y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Ils ne se sentent en rien Camerounais. Ils sont « Anglophones ». Point ! Telle est l’identité dont ils se réclament et la nouvelle citoyenneté qu’ils ont créée. De ce fait, ils poursuivent leurs études universitaires au Nigéria, leur pays d’origine, y font tous leurs achats, y suivent les modes vestimentaires, la musique et les films, regardent à peine la CRTV et les autres chaînes de télévision camerounaises, pour tout dire, ne vivent qu’à l’heure de Lagos.

Dans le même temps, à l’inverse, les « Anglophones » de souche, à savoir ceux qui ne sont pas descendants des réfugiés nigérians de la guerre du Biafra, eux, ont un comportement à l’opposé de celui-ci. Ils se sentent avant tout Camerounais. En conséquence, ils poursuivent quant à eux leurs études universitaires, non pas à Lagos, Ibadan ou Port-Harcourt, mais à Buea, à Douala, à Dschang ou à Yaoundé.

Nous avons ainsi affaire à deux types « d’Anglophones » : d’une part des Camerounais, d’autre part des Nigérians possédant des cartes d’identités camerounaises, bénéficiant de la citoyenneté camerounaise, mais détestant et méprisant profondément le Cameroun, au point où ils n’hésitent guère un seul instant à en brûler le drapeau, celui-ci ne revêtant aucune signification pour eux.

Ces derniers, naturellement, sont les grands vecteurs du sécessionnisme. Ils n’ont rien à voir avec les histoires de réunification, ni d’Etat unitaire. Cela ne les concerne nullement. Ça ne fait pas partie de leur histoire. Aussi, à défaut de retourner vivre au Nigéria, leur « motherland », ils ont décidé de créer un Etat indépendant, à eux seuls, en amputant le territoire camerounais, mais pro-Nigéria. C’est ce à quoi ils s’attellent en ce moment par la voie armée.

Le déclenchement du conflit armé et enfin la salutaire clarification.

Cependant, par bonheur, la guerre déclenchée par ces « Anglophones Nigérians », est venue merveilleusement clarifier les choses. On constate en effet que, pendant que ceux-ci se réfugient, tout naturellement, dans leur pays d’origine qu’ils n’ont du reste jamais mentalement quitté, voire même physiquement puisqu’ils ont gardé de solides attaches avec leurs villages d’origines là-bas, les « Anglophones Camerounais », quant à eux, se réfugient tout naturellement dans les autres régions du Cameroun. C’est le phénomène bien connu d’une femme quittant son mariage, elle retourne dans sa famille. Ici, les deux types d’« Anglophones » retournent chacun dans sa famille, les uns dans d’autres régions du pays, les autres au Nigéria. Chacun chez soi, selon ses origines.
Bien plus grave, les « Anglophones nigérians », accueillis amicalement jadis en réfugiés de guerre dans notre pays, ont fini par dominer économiquement ceux qu’ils ont trouvé sur place, à savoir les « Anglophones Camerounais ». Ils contrôlent actuellement, pratiquement la totalité du commerce dans la région du Sud-ouest, et ne sont non plus en reste dans celle du Nord-ouest.

Des réfugiés envahisseurs qui désormais réclament l’indépendance.

Nous nous retrouvons ainsi face à une situation classique qui s’est répétée tout au long de l’histoire de l’humanité, d’une population qui vient envahir une autre, se met à la dominer, l’anéantit, puis finalement se met à réclamer en ses lieu et place, l’indépendance sur son sol.

C’est ce que les Boers ont fait en Afrique du Sud. C’est ce que les Espagnols ont fait dans toute l’Amérique Latine, excepté le Brésil où ce sont les Portugais plutôt qui ont anéanti les peuples qu’ils ont trouvés. C’est ce qu’ont fait des Européens, d’une manière générale, en Amérique du Nord. Ils ont envahi le territoire des Indiens, les ont exterminés sans pitié, ont déclenché une guerre d’indépendance en leur lieu et place contre l’Angleterre, et s’en sont séparés en créant un Etat nouveau et à eux seuls. Actuellement, les Indiens, désormais qualifiés dédaigneusement « d’indigènes », sont parqués dans des réserves, tout comme les Sud-Africains noirs étaient discriminés par les lois de l’Apartheid. En clair, l’esprit sécessionniste de ces Biafrais au Nigéria, ils l’ont importé dans leur pays de refuge, le Cameroun.

Qu’est-ce, dans ce contexte, qu’incendier une école construite par le pouvoir de Yaoundé, ou égorger un soldat envoyé par celui-ci ? Rien du tout. Ce sont pour eux des actes normaux dirigés contre des étrangers, des gêneurs, des personnes avec qui ils estiment n’avoir rien en commun, et qui contrecarrent tout simplement leurs projets. Il faut les liquider sans état d’âme.

Enoh Meyomesse

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