Voilà le derniers Héros national du Cameroun. Le début du déclin de l’opposition camerounaise.
On ne peut construire un avenir sans conscience historique.
ERNEST OUANDIE,
Né en 1924 à Badoumla (arrondissement de Bana, région de l’Ouest du Cameroun), dans une famille bamiléké, est mort fusillé le 15 janvier 1971 à Bafoussam par les autorités coloniales camerounaises, durant le mandat d’Ahmadou Ahidjo, imposteur président de la République du Cameroun.
Ouandié est une grande figure de la lutte pour l’indépendance du Cameroun et des premières années de la république camerounaise. A la mort de Félix-Roland Moumié, il lui succéda à la présidence de l’UPC.
JEUNESSE ET ÉTUDES
Il est né à Badoumla, arrondissement de Bana (Haut-Nkam) mais serait originaire de Bangou dans les Hauts-Plateaux. Son père Djemo (ou : Djeumou), grand notable badoumla, et sa mère Kapsu se seraient mariés en 1905. Djemo a trois épouses.
Ouandié – nom qui signifie « qui est dans la maison ? » ou « qui est en sécurité ? » – est le 5e de 7 enfants issus de la même mère : Ngako, Yemdo, Mboutchak, Djieumo, Ouandié, Djoma et Kamdem.
De 1933 à 1936, il fut scolarisé à l’école publique de Bafoussam (quartier Famla).
En 1937, il fut admis à l’examen de ceux qui devaient continuer le cycle primaire.
De 1937 à 1939, il fréquenta l’École régionale de Dschang.
En 1940, il fut reçu au Certificat d’études primaires élémentaires » (CEPE) ainsi qu’au concours d’entrée à l’École primaire supérieure de Yaoundé où il obtint le Diplôme des moniteurs indigènes (DMI) .
Il épousa d’abord Njila (fille de Diffo Petko) avec laquelle il eut un enfant qui mourut en bas âge, avant leur divorce.
En secondes noces, il se maria à Douala le 5 décembre 1948, avec Marthe Eding, née en 1921, femme bakoko rencontrée l’année précédente à Édéa, où il était affecté.
Cinq enfants sont issus de cette union : Philippe, Mireille, Irène, Monique et Ruben Um Nyobé.
Hors mariage, il aura eu au moins trois enfants – dont une fille prénommée Ernestine, née à Yaba (Lagos, au Nigeria) le 11 mai 1961, d’une mère ghanéenne qu’il avait connue lors de son exil à Accra. Celle-ci sera retrouvée morte à Foumbot (département du Noun), en octobre 2009)
Sa veuve est morte à 95 ans, le 15 avril 2016, en son domicile de Bonabéri, un quartier dans la ville de Douala4.
VIE POLITIQUE ET ORGANISATION DE LA RESISTANCE
Il est enseignant dans le secteur public ; sa carrière est marquée par d’innombrables affectations dites disciplinaires, en réalité à caractère politique.
1944-1948 : enseigne à Édéa et milite au sein de l’Union des syndicats confédérés du Cameroun (USCC).
1948 – 15 janvier 1971 : militant, puis dirigeant de l’Union des populations du Cameroun (UPC).
7 octobre 1948 : il est affecté à Dschang.
6 novembre 1948, soit un mois après : il est affecté à Douala comme directeur de l’école publique du quartier New-Bell Bamiléké.
Agé de 28 ans, quitte sa famille à vélo pour mener une quête importante dans la lutte avec l’UPC Désormais, il ne verra plus femme et enfants.
Septembre 1952 : élu vice-président de l’UPC chargé de l’organisation et directeur de la Voix du Cameroun au 2e congrès à Eséka.
Septembre 1953 : affectation à Doumé, puis à Yoko ; il implante l’UPC dans le Mbam.
29 juillet – 12 septembre 1954 : voyage en Chine, où il assista du 9 au 15 août 1954 au Congrès mondial de la jeunesse démocratique, puis à Paris et à Moscou.
Décembre 1954 : affectation à Batouri, puis à Bertoua
29 janvier 1955 : à nouveau affectation à Douala, où le haut-commissaire Roland Pré entreprend de rassembler tous les dirigeants de l’UPC pour les tenir en permanence à sa portée.
1955 : exil au Cameroun occidental.
1956 : création du Syndicat des enseignants à Édéa.
3 juin 1957 : le gouvernement britannique interdit l’UPC. Expulsion du Cameroun occidental et déportation à Khartoum (Soudan) avec Félix-Roland Moumié, Abel Kingué et 10 autres militants nationalistes (UPC, UDEFEC et JDC).
Mars 1959 : participation à l’Assemblée générale extraordinaire des Nations unies consacrée à l’Indépendance du Cameroun.
1960 : rencontre Albert Mukong à Accra, qui l’encourage à abandonner la lutte armée et à participer aux élections de 1960, ce à quoi était favorable Félix Moumié mais cette opinion fut mise en minorité car Ernest Ouandié refusera, approuvé en cela par Abel Kingué.
1960 : rencontre Nelson Mandela au Caire à qui il recommanda chaudement de ne plus hésiter à engager la lutte armée contre l’apartheid, car c’est malheureusement le seul langage compréhensible par les partisans de celui-ci.
janvier 1961 : En compagnie d’Abel Kingué, se rend au Caire (qui continuait sa politique ambivalente vis-à-vis du Cameroun, nouant des liens diplomatiques bilatéraux tandis qu’en même temps, il offrait l’hospitalité aux opposants politiques). A cette occasion, ils dénoncèrent la coopération du gouvernement camerounais avec l’impérialisme (cité par Akhbar du 15 janvier 1961)
21 juillet 1961 : retour clandestin au Cameroun, prend les commandes de l’armée de libération nationale kamerunaise (ALNK) et réorganise celle-ci.
13 septembre 1962 : préside sous maquis une assemblée populaire qu’il a convoquée. La décision de création du Comité révolutionnaire comme Direction provisoire de l’UPC est prise. De même est décidé la création d’un état-major de l’ALNK.
25 avril 1963 : préside sous maquis une nouvelle assemblée populaire qu’il a convoquée. Cette assemblée confirme les décisions de la précédente.
1965 : Avec l’autorisation du chef de l’État, Mgr Ndongmo, un Bamiléké, rencontre Ernest Ouandié pour étudier les conditions de sa reddition. L’affaire restera sans suite.
19 août 1970 : arrestation à Mbanga, dans le Moungo. Il est aussitôt conduit dans les locaux de la Brigade mixte mobile (BMM) à Kondengui, près de Yaoundé, tristement célèbre pour ses salles de torture et dont le chef, Jean Fochivé, « représentait la terreur »7 et n’avait de comptes à rendre qu’au chef de l’État. Lors de sa détention dans les locaux de cette police secrète paramilitaire, il partagera la cellule d’Albert Mukong, ancien secrétaire général du One Kamerun de Ndeh Ntumazah (en)Note 2 et, en tant que tel, habitué des prisons politiques.
28 décembre 1970 : comparution devant le tribunal colonial militaire de Yaoundé en compagnie de Mgr Albert Ndongmo et de 26 coprévenus.
5 janvier 1971 : condamnation à mort par le tribunal colonial militaire.
Force l’admiration du public en portant publiquement la contradiction et en acculant littéralement le traitre Léopold Sedar Senghor qui tentait, à l’instigation de l’administration coloniale et du haut de son agrégation de grammaire, de convaincre les Camerounais d’abandonner la revendication de l’indépendance nationale, à la Salle des fêtes d’Akwa.
PROCES ET EXECUTION PUBLIQUE.
Le 26 décembre 1970, Ernest Ouandié et Mgr Albert Ndongmo comparaissaient, en compagnie de 26 autres coprévenus, devant le tribunal colonial militaire de Yaoundé pour avoir, dans l’étendue de la région administrative de l’Ouest et du département du Mungo, courant 1961 à 1970, en tout cas dans le temps légal des poursuites :
« Tenté par la violence de modifier les lois constitutionnelles ou de renverser les autorités politiques instituées par lesdites lois ou de les mettre dans l’impossibilité d’exercer leurs pouvoirs ;
Dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, organisé, commandé des bandes armées dans le but de provoquer la guerre civile et de commettre la révolution ;
Dans les mêmes circonstances de temps et de lieu et dans l’exécution des faits ci-dessus analysés, commis ou fait commettre des assassinats, des incendies, des arrestations et séquestrations de personnes, des pillages en bande ;
De s’être dans les mêmes circonstances de temps et de lieu rendus complices desdits crimes. »
La juridiction militaire était composée du capitaine Paul Njock (président), des lieutenants-colonels Bouba Kaélé et capitaine Nguindjoll (assesseurs), le capitaine Emile Manga occupant le siège de commissaire du gouvernement (avocat général).
A l’ouverture des débats, privé de ses avocats qu’il avait constitués depuis le 12 novembre 1970, c’est-à-dire depuis un mois et demi (Me Jacques Vergès, Me Jean-Jacques de Félice, avocats inscrits au barreau de Paris, et Me Ralf Milner, avocat inscrit au barreau de Londres, qui n’ont pas obtenu de visa pour se rendre au Cameroun et assurer sa défense, et ayant récusé Maître Orcel, son avocat commis d’office, Ernest Ouandié, déclarera au président du tribunal qu’il lui est impossible d’être jugé, que le gouvernement veut l’abattre et que ce procès est une forfaiture…
« Ouandié Ernest en sa qualité de vice-président de l’UPC, a pris le commandement des maquis du territoire en 1961 pour continuer la lutte révolutionnaire engagée par ce qu’on a appelé “Armée de libération nationale kamerounaise” ; que cette lutte avait pour but essentiel de faire abdiquer le pouvoir par les autorités en semant la terreur dans les populations par des assassinats, des meurtres, des incendies, des vols, des pillages, des enlèvements de personnes ; que c’est grâce au soutien sans réserve accordé par Mgr Ndongmo qui comptait exploiter cette occasion pour accéder à la magistrature suprême, que Ouandié a résisté aux opérations montées et effectuées par toutes les forces régulières du pays.».
Appelé à la barre par le président pour être interrogé sur les faits qui lui étaient reprochés, Ernest Ouandié déclarera qu’ « il s’agit d’un jugement de pure forme » et refusera de s’exprimer, maintenant son refus tout le long des débats.
Le verdict tomba le 5 janvier 1971 :
10 relaxes (Nguémeni Léon, Wansi Bolofan Pascal, Tchouandé Christophe, Nguémeni Michel, Yimo Timothée, Poualeu Victor, Movo Jean, Ther Monique, Kamdem Kanga et Simo Luc).
9 condamnations à 5 ans de détention (Nana Maurice, Ngakéa Gabriel, Ténéwa Emmanuel, Kiengaing Louis, Sadefo Joseph, Tuntcheu Emmanuel, Ngamo Pierre, Fondjo Simo et Njilla Joseph).
3 condamnations à 10 ans de détention (Minkam Robert, Tchakonté David, Seutio Abraham).
2 condamnations à 20 ans de détention (Tenkeu Laurent et Djoumessi Mathieu).
1 condamnation à perpétuité (Mgr Albert Ndongmo).
3 condamnations à mort : Ernest Ouandié, Matthieu Njassep (dit « Ben Bella », resistant et secrétaire particulier de Ouandié) et Fotsing Raphaël (resistant et agent de liaison entre Ouandié et autres résistants).
Me Luke Sendzé, qui fut l’un des avocats de Mgr Albert Ndongmo, révélera que lors d’un entretien qu’il eut avec le président du tribunal, le capitaine Njock, celui-ci lui confiera son inexpérience en la matière et le fait qu’il n’était pas un magistrat chevronné. Un de ses assesseurs, un homme âgé originaire du Nord du Cameroun, considéra que ces propos étaient de la perte de temps car le tribunal n’avait qu’à rendre sa décision. Me Sendzé en déduira que le procès était réglé d’avance.
Il sera fusillé en place publique le 15 janvier 1971 à Bafoussam, avec le jeune Raphaël Fosting, son compagnon d’armes , et Gabriel Tabeu dit « Wambo le Courant.
« Un officier européen que personne n’avait remarqué, peut-être était-il resté dans la voiture, se détache de l’assistance, s’approche de Ouandié mourant, s’agenouille auprès de lui, met la main à son étui de revolver, se penche en avant et tire à bout portant. »
Les circonstances qui ont entraîné, voire précipité, son exécution sont relatées dans des confidences faites en août 1993 (soit presque vingt-deux ans après les faits) par Moussa Yaya Sarkifada, l’un des barons du régime d’Ahmadou Ahidjo:
« C’est Jacques Foccart qui était venu exiger l’exécution d’Ernest Ouandié ; en effet, aussitôt après leur condamnation à mort peu avant Noël , DongmoNote avait demandé la grâce présidentielle, mais Ouandié avait refusé de signer le recours en grâce ; presque chaque jour on lui apportait le dossier pour signer et il avait répondu à Ahidjo ” Prenez vos responsabilités ; moi je prends les miennes devant l’Histoire “. Ahidjo était vraiment perplexe et la terrible année 1970 est finie. En début d’année Ahidjo espérait maintenant que l’affaire allait s’enliser et qu’on n’en parle plus, comme ça ils allaient rester vivants. Beaucoup de gens sont condamnés et jamais exécutés. Brusquement Foccart est venu et a tout précipité.
Foccart était arrivé par avion un matin vers le 11 ou 12 janvier je ne me souviens plus exactement ; il s’est d’abord rendu à l’Ambassade de France ; puis à 11 H le Président Ahidjo l’a reçu au Palais. Quand Foccart est parti, j’ai retrouvé Ahidjo pour déjeuner. Foccart a dit à Ahidjo que le cas Ouandié est l’objet de son aller et retour : ” le Président Pompidou va entamer prochainement son tout premier voyage en Afrique et le Cameroun est l’une des étapes. Il faut que cette affaire soit réglée avant l’arrivée du Président Pompidou, qui est imminente. Je pars à Libreville attendre. ” »
Voilà comment ce pays, en complicité avec l’impérialisme à tuer ses fils les plus dignes, et est surpris aujourd’hui d’être dans la rétrograde.
Réconcilions-nous avec l’histoire, et lavons le Karma.
Gloire et immortalité au héros national, ainsi qu’à ses compagnons de lutte.
« Texte extrait et modifié de plusieurs articles »
Sénateur Fotsing – Combattant de la liberté.