The Gentle Peacemaker: KOFI ANNAN 50 ans au service de la diplomatie et de la paix

Secrétaire Général de l’organisation des Nations Unies de 1997 à 2007, Kofi ANNAN, Africain de nationalité ghanéenne qui est décédé en Suisse ce vendredi 16 Août 2018, peut raisonnablement être considéré comme un phénomène à plusieurs titres. Il n’était pas le premier Africain à occuper ce poste de haute intensité diplomatique, géopolitique et stratégique, puisque l’Egyptien Boutros Boutros Ghali l’a devancé, mais il rassemblait sur sa personne et par son parcours, une somme de valeurs, de cultures, de mixages et de formatages professionnels, qui en ont fait une espèce de monstre planétaire.

 

 

 

KOFI ANNAN
Un homme de multiples révélations
à la fois positives et troublantes,
un diplomate d’une extraordinaire finesse
et un catalyseur d’espoirs

 

Secrétaire Général de l’organisation des Nations Unies de 1997 à 2007, Kofi ANNAN, Africain de nationalité ghanéenne qui est décédé en Suisse ce vendredi 16 Août 2018, peut raisonnablement être considéré comme un phénomène à plusieurs titres.

Il n’était pas le premier Africain à occuper ce poste de haute intensité diplomatique, géopolitique et stratégique, puisque l’Egyptien Boutros Boutros Ghali l’a devancé, mais il rassemblait sur sa personne et par son parcours, une somme de valeurs, de cultures, de mixages et de formatages professionnels, qui en ont fait une espèce de monstre planétaire.

Il n’était pas non, plus, à supposer qu’il faille se focaliser sur la couleur de la peau, ce qui n’est plus une hérésie au regard de la dimension raciale dans les débats de notre temps, le premier noir ou le noir le plus indiqué pour ambitionner à la fonction.

 

En effet l’histoire diplomatique du continent, met en exergue au sud du Sahara, le règne d’un autre diplomate d’une furie presque jamais égalée et d’un prestige hors normes. Il s’agit de SALIM AHMED SALIM, lequel a occupé le fauteuil de Secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), puis de président de l’Assemblée Générale de l’ONU, en plus de nombreux postes d’ambassadeurs avant cela, à un moment charnière de la transformation et du basculement de l’ensemble des rapports des forces sur la scène internationale.

La puissance et l’influence du tanzanien sont au firmament dans la décennie 1970 – 1980, au moment où la planète vibre au rythme des revendications d’un nouvel Ordre économique mondiale. C’est le temps de la domination de toutes les instances et de toutes les institutions diplomatiques multilatérales, par la fameuse majorité automatique constituée des pays du sud et des pays du bloc socialiste autour de l’URSS et de la Chine. C’est donc très logiquement que sa candidature qui est proposée pour le poste de Secrétaire Général de l’ONU, rencontre un large écho. Hélas, cette bête et leader des exigences progressistes, du discours militant, et mieux, de ce que les Occidentaux considèrent comme une inacceptable dictature tiers-mondiste, sera bloquée par le Véto des Etats-Unis.

Produit de l’université et de l’école américaines, marié à une européenne, ayant fait toute sa carrière dans l’appareil complexe, intriguant, inquisiteur et bouillonnant de rapports des forces confus, diffus, mais à la fois actifs et conditionnant de l’ONU, Kofi Annan apparaît alors comme une de ces sources et ressources incontournable.

C’est l’homme de d’imprégnation, d’implication, de conservation, de préservation et de mobilisation discrètes des intérêts des pays pauvres en général dans les arcanes onusiennes. Sa trajectoire qui le conduit de cadre d’exécution et de fonctionnaire de rang du secrétariat Général jusqu’au très sensible, convoité, riche et délicat poste de chef des opérations de maintien de la paix, indique assez clairement qu’il a l’aval des Etats Unis, et jouit de la confiance de la majorité des membres du Conseil de sécurité. On lui reprochera d’ailleurs l’inaction ou l’action tardive de sa maison lors du génocide rwandais.

Au premier stade, il cumule l’essentiel de ce qu’il faut, pour ne pas choquer, voire alerter les puissants maîtres d’Occident. Il est donc d’abord un homme de dossiers, un homme presque de derrière le rideau, en somme loin des présentations et prétentions purement ou spécifiquement idéologiques. C’est l’administrateur parfait, le négociateur, l’ange de la médiation et de l’intermédiation, qui n’a pas à prendre position.

PRUDENCE, COMPETENCE ET REPARATION
Son changement de fauteuil dans sa maison onusienne, pour être élevé, de Secrétaire Général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix, à celui de patron de tout l’exécutif de la mastodonte, arrive comme un savant compromis, un gage, mais aussi une réparation et une récompense.

La guerre froide dans sa version brutale est passée, la dictature du tiers-monde au sein des instances plénières a été affaiblie voire décomposée depuis le passage de Ronald Reagan à Maison Blanche, les dernières colonies en Afrique ont été éradiquées, l’Apartheid a cessé et Mandela a émergé avec la majorité noire à la tête de l’Afrique du sud. Un accord formel existe sur la reconfiguration de la planète vers le développement le développement économique, la réduction de la misère et une meilleure régulation du commerce.

En réalité, le monde des puissants est maintenant disposé et disponible pour un nouveau départ, mais avec un éminent professionnel, avec un diplomate chevronné, avec un homme de confiance, avec quelqu’un qui va écouter et obéir, avec quelqu’un qui ne risque pas de déraper. Pour ceux qui avaient cru que le blocage de Salim Ahmed Salim relevait du racisme contre les noirs, ils vont être apaisés. Il y a dans l’homme qui vient s’éteindre en Suisse en ce mois d’Août 2018, tout ce qu’il faut pour approfondir, promouvoir, valoriser et garantir la mondialisation et la globalisation humanisées portées par l’école de pensée diplomatique, que Clinton et Chirac ont su pousser et mettre en orbite. C’est le genre de Noir, plutôt le genre d’Africain que l’on aime là-bas, une sorte d’Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire.

LA DURE EPREUVE
Depuis la restructuration et la relance subséquente de la coopération entre les Etats-nations en 1945 avec la création de l’ONU, de nombreuses crises majeures et mineures ont agité la scène diplomatique, entraîné des drames immenses, et soumis les plénipotentiaires de tous les niveaux à de très dures épreuves : Guerre de Corée ; Guerre du Vietnam ; Guerre indo-Pakistanaise ; guerre Irak-Koweit. Mais alors que l’on croit le monde à peu près pacifié avec l’émergence de Gorbatchev, la destruction du mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne, un monstre froid nommé Pensée unique apparaît aux Etats Unis dans le mouvement conservateur qui porte un deuxième Bush, Georges W. Bush à la Maison blanche.

On voit resurgir le rêve d’une transformation du reste du monde en une colonie américaine, en commençant par le Proche Orient où les stratèges de Washington projettent d’installer des régimes à leur solde.

La conséquence sera l’émergence d’une idéologie de vengeance dans les cercles radicalisés de l’Islamisme dogmatique. On a ainsi les attentats du 11 septembre 2001, et le lancement d’une violente et meurtrière spirale terroriste.

Kofi Annan qui avait déjà fait face à la crise des Balkans, une autre crise liée à la matérialisation de la vision américaine, mais cette fois sur le théâtre européen, doit avaler des humiliations terribles. Dans les crises précédentes qui donnent lieu à des confrontations armées entre 1948 et 1990, il existe des situations de rivalités idéologiques à peu près compréhensibles. Ce qui change avec les Balkans et le Proche orient, dont la Serbie et l’Irak sont les centres de démonstration destructrice et dramatique, c’est la propension claire d’un impérialisme et d’un unilatéralisme insolents.

SERVITEUR RESPECTE ET COURTISE MAIS HUMILIE
IL n’existe pas une fonction où la peine, l’humiliation et la servilité, peuvent être aussi durement ressenties que celle du Secrétaire Général de l’ONU. L’on s’en rend compte, lorsqu’une des grandes puissances au nom de son droit de véto au sein du Conseil de sécurité, décide de violer toutes les règles internationales, de contrarier tous les codes éthiques institutionnels, de ruiner la pratique multilatérale et de semer la guerre.

Kofi Anan a certainement vécu les pires moments de sa carrière professionnelle, quand l’OTAN décide de déclencher la guerre contre la Serbie et quand les Etats Unis s’élance en Irak avec le Royaume Uni pour une guerre dont le bilan est sans appel : des centaines de milliers de morts, des millions de déplacés, et des milliards de dollars de ruine. Pour la première fois en effet, les débats du conseil de sécurité seront visualisés sur les écrans du monde entier, et la scène qui captive est pathétique : Un secrétaire général de l’ONU impuissant, fatigué, déçu et défait avec des traits tirés mais impassibles, face à la déferlante argumentaire d’un secrétaire d’Etat américain nommé Colin Powell, qui martèle sur la base de fausses cartes, la décision de son pays d’outrepasser les lois internationales pour aller faire la guerre à un autre pays, au nom de l’existence d’armes de destruction massive tout à fait imaginaires. Une mission conduite sur le terrain par des experts scientifiques de renom mandatés par l’ONU a pourtant livré des conclusions qui contrarient les Etats Unis.

Cet épisode a marqué les esprits et marqué l’homme, mais il a transformé le diplomate et renforcé ses convictions de médiateur moulé dans un universalisme très spécial. C’est ce que lui prédestinaient sans aucun doute, à la fois ses origines nationales, sa formation, son union maritale, son caractère fondamental et sa carrière.

Ces deux crises ont pu laisser croire à certains, et de nombreux médias n’avaient pas hésité à évoquer l’éventualité, que Kofi Annan allait démissionner, mais on a vu un homme dans toute le talent splendide, le culot et le professionnalisme du sacrifié aux vertus de la négociation, de l’arbitrage et de la quête de compromis même désespéré, parcourir les chancelleries, continuer de brandir le drapeau blanc et accepter encore de prendre les rênes de la reconstruction et des réparations après la guerre. C’est justement à propos ou dans le contexte de cette reconstruction, qu’un point sombre se sera glissé dans son bilan, pour les liaisons de son fils, avec une entreprise adjudicatrice d’un juteux marché.

UN PAPE NOIR
Quand j’étais tout petit, juste élève de l’école primaire, je rêvais des études internationales, de carrière de diplomate et de statut de citoyen du monde. Je me représentais aussi bien dans mon subconscient que dans la réalité d’un vécu quotidien, trois personnalités comme étant forcément des gens qui ne peuvent qu’être de race blanche : Le Pape ; le Président des Etats Unis, et le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies.

Lorsque Salim Ahmed Salim est recalé par le veto américain au conseil de sécurité et est donc élimé dans la course pour devenir Secrétaire général de l’ONU, j’aborde déjà le doctorat des études internationales, et ce raté renforce ma conviction d’enfance sur l’impossibilité pour un noir d’accéder aux trois postes sus-évoqués.

Mais voilà, en 1997, je suis un diplomate accompli et un spécialiste de la matière. Avec Kofi Anan qui accède au poste de Secrétaire général de l’ONU, le cercle vicieux s’est effrité, le bouchon a sauté grâce à lui, et ma conviction d’enfance a perdu de sa consistance et même de sa raison. C’est une conviction dorénavant contraire à la logique d’une évolution des espèces et du monde, d’une mutation des intelligences et de la réalité des brassages, des émancipations et des compromis du multilatéralisme.

Des trois tabous, deux sont donc tombés, puisqu’un noir, Barack Hussein Obama, a accédé à la présidence des Etats Unis d’Amérique. Dorénavant, ma conviction c’est que demain, après-demain, tôt ou tard, un Pape noir prendra les commandes du Vatican.
Voilà en quoi, Kofi Annan est véritablement l’Homme de toutes les révélations.

Mais j’aurais tellement aimé qu’il décède en Afrique, chez lui au Ghana, plutôt qu’en Suisse.

Pr. SHANDA TONME
Directeur Exécutif
Thèse de Doctorat sur L’ONU
Auteur de nombreux ouvrages de relations internationales
et de sciences politiques

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