Politique ivoirienne: «Bientôt une plateforme de l’opposition avec Soro Gbagbo et Bédié pour chasser Outtara du pouvoir en 2020»

Une poignée de main et deux heures de discussion. Lundi 29 juillet, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ont échangé sur la situation politique et sociale de leur pays. C’était la première fois que les deux anciens chefs d’État se rencontraient depuis dix ans. Les deux poids lourds de la vie politique ivoirienne ont évoqué leur volonté de faire aboutir la réconciliation nationale. Pour cela, ils comptent inaugurer une plateforme de l’opposition, qui sera un cadre d’échanges concret entre eux, comme l’explique Henri Konan Bédié, le patron du PDCI-RDA. Il sera l’invité Afrique de RFI vendredi 2 août.

Dans un entretien accordé à RFI à Paris ce jeudi 1er août, Henri Konan Bédié s’explique sur la prochaine plateforme de l’opposition ivoirienne. « La plateforme est déjà entrée dans les faits. Nous travaillons ensemble, le PDCI comme le FPI et d’autres partis qui y adhèrent. Si [Laurent Gbagbo] rentre, il prend sa place dans tout cet ensemble. Nous menons ensemble le combat pour une réconciliation nationale complète, totale. »

La nouvelle organisation devrait inclure Guillaume Soro. « Nos relations sont bonnes, confirme Henri Konan Bédié. Bien entendu, nous travaillons ensemble dans le cadre de cette plateforme des partis de l’opposition. »

Officiellement, Guillaume Soro n’a pas encore dit qu’il faisait un pas vers cette plateforme de l’opposition. Mais l’ancien président de la Côte d’Ivoire affirme avoir son accord de principe « depuis longtemps » pour y participer.

L’accord sur la plateforme sera signé « cette semaine », promet le chef du PDCI-RCA. Découvrez ci-dessous, l’intégralité de cet entretien.▼


RFI : Vous rentrez de Bruxelles où vous avez pu rencontrer Laurent Gbagbo, dans quel état d’esprit l’avez-vous trouvé ?
Henri Konan Bédié :
 Je l’ai trouvé en bonne santé et toujours combatif.

Est-ce qu’il vous a parlé de ses projets ? 
Nous avons parlé de projets qui concernent la Côte d’Ivoire.

Est-ce que justement, il a évoqué son envie de retourner en Côte d’Ivoire prochainement ? 
Naturellement, la question ne se pose même pas pour un Ivoirien. Vous savez les Ivoiriens n’aiment pas vivre à l’étranger et encore moins en exil.

Il vous a dit qu’il estime être aujourd’hui en exil ?
Mais c’est pire que l’exil, tout le monde sait qu’il sort de prison. Il a été acquitté, il doit rentrer dans son pays, mais des contraintes le retiennent encore [en Belgique ; Ndlr]. Par conséquent, c’est contre sa volonté qu’il se trouve en exil.

Laurent Gbagbo et vous-même, vous partagez une inquiétude, celle de la réconciliation nationale. Avez-vous le sentiment, que 8 ans après les violences de 2010-2011, il y a toujours des ferments de la crise ?
Oui, certaines des violences des dernières élections locales et municipales demeurent toujours dans l’esprit des populations, ce qui fait craindre des situations difficiles après l’élection de 2020. Tout cela pose le problème de la réconciliation nationale qui, en réalité, n’a jamais été faite depuis le coup d’État de 1999. C’est la raison pour laquelle, en dehors du gouvernement, j’ai proposé une plateforme de l’opposition qui pourrait réaliser cette réconciliation nationale de tous les Ivoiriens.

La réconciliation nationale, c’était pourtant l’une des priorités du président Alassane Ouattara. Pourquoi n’a-t-elle pas fonctionné selon vous ?
On doit lui poser la question parce qu’effectivement c’était l’une de ses priorités, de ses promesses, mais jusqu’à ce jour, cette réconciliation n’a pas eu lieu.

Qu’est-ce qui peut être fait, selon vous, pour qu’on aille effectivement vers une réconciliation nationale ?
Il y a beaucoup de choses encore à faire. Il y a une loi d’amnistie qui concerne aussi bien les civils que les militaires, il y a le retour de tous les exilés qui sont encore à l’étranger. Il y a, au sein de ceux qui sont restés en Côte d’Ivoire, beaucoup de problèmes que je n’ai cessé d’évoquer.

Si Laurent Gbagbo rentre en Côte d’Ivoire, dans les mois ou les semaines qui arrivent, pensez-vous que la plateforme, que vous tentez de mettre en place depuis plusieurs mois, puisse toujours être possible ? 
La plateforme est déjà entrée dans les faits. Nous travaillons ensemble, le PDCI comme le FPI, et d’autres partis qui y adhèrent. Si Gbagbo rentre, il prend sa place dans tout cet ensemble et nous mènerons ensemble le combat pour une réconciliation nationale complète et totale.

Et si, on apprend que dans quelques mois la Cour pénale internationale confirme l’appel qui peut être demandé par le Procureur, si on va vers un appel et donc vers une deuxième phase du procès de M. Laurent Gbagbo devant la CPI et que donc il ne peut pas rentrer en Côte d’Ivoire, dans ce cas, vers qui est-ce que vous vous tournerez pour consolider cette plateforme ? Par exemple, est-ce que vous avez envisagé de vous tourner vers Guillaume Soro ? 
Ce serait d’abord extraordinaire qu’après l’avoir acquitté on parle de condamnation. Il est plutôt question, parce qu’il a été acquitté, qu’il soit libre et qu’il rentre dans son pays. Donc ce serait extraordinaire que l’hypothèse que vous avancez devienne une réalité, mais dans tous les cas, avec Guillaume Soro, nos relations sont bonnes. Je parle du PDCI, de moi-même qui suis le président du PDCI et de Guillaume Soro et de ses amis politiques. Nos relations sont bonnes et bien entendu nous travaillons ensemble dans le cadre de cette plateforme des partis de l’opposition.

Il n’a pas encore officiellement dit qu’il faisait un pas vers cette plateforme de l’opposition, mais concrètement, il vous l’a déjà confirmé ? 
En réalité la plateforme sera signée cette semaine.

Mais il vous a donné un accord de principe ? 
Absolument oui, depuis longtemps.

La loi électorale a été adoptée mardi à l’Assemblée nationale, mais elle suscite énormément de critiques. Qu’est-ce qui ne va pas selon vous dans cette loi ? 
La loi a été précipitamment, prématurément, introduite à l’Assemblée nationale alors même que les discussions n’étaient pas terminées. Les partis de l’opposition ont fait des propositions pertinentes qui n’ont pas été examinées. De plus, le gouvernement a préféré ne discuter qu’avec des partis qui lui sont alliés ou même dont il a suscité la création. Par conséquent, cela s’est fait dans l’exclusion. On a parlé du boycott des discussions par le PDCI, ce n’est pas vrai. Le PDCI et d’autres partis ont tout simplement été exclus des discussions.

Sur le fond, la loi électorale telle qu’elle a été adoptée cette semaine par l’Assemblée nationale, en quoi est-ce qu’elle vous pose problème ?
Elle pose problème dans la mesure où elle ne rencontre aucun consensus dans la classe politique. Par conséquent, je dirai comme d’autres que c’est un non-événement. C’est nul et non avenu. Il faut reprendre les discussions. Cette loi ne respecte aucunement les décisions de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples qui demandait une commission électorale, non seulement indépendante, mais surtout impartiale et équilibrée, garantissant aux Ivoiriens leur droit de vote dans la sécurité et dans la paix. Toutes ces conditions n’ont pas été examinées. Le régime de Monsieur Ouattara s’est contenté tout simplement de réformer la composition, mais non pas les autres formes souhaitées pour cette commission électorale telle que, son autonomie financière, telle que l’indépendance des membres qui composent cette commission, etc.

Pourquoi ne pas avoir manifesté ces doutes, ces suspicions, lorsque vous faisiez déjà partie de la coalition du RHDP et que vous étiez allié à Alassane Ouattara ?
A l’époque, la question ne se posait pas parce que nous n’avions pas encore l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’Homme.

A ce stade-là, quels sont les recours qu’il vous reste encore pour essayer de rectifier le tir concernant la loi électorale qui a été adoptée par l’Assemblée nationale ? 
Nous avons saisi la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples. Le gouvernement croit avoir effectué une réforme et il faut que le gouvernement retourne devant la Cour pour lui rendre sa copie. En même temps, nous saisissons aussi cette Cour africaine pour dire que nous ne sommes pas satisfaits parce que nous estimons que le gouvernement n’a pas respecté les conditions de l’arrêt.

Si la réforme est appliquée, telle qu’adoptée cette semaine, est-ce que vous irez quand même -votre parti le PDCI- à la présidentielle de l’année prochaine 
On avisera. La procédure engagée n’est pas encore terminée. Alors nous aviserons.

Concernant le climat délétère en Côte d’Ivoire, vous avez exprimé votre inquiétude en début de semaine, mais dans le même temps on vous accuse d’avoir vous-même relancé les débats sur l’identité qui serait à l’origine selon vos mots « de tous les problèmes ». Vous qui appelez à une véritable réconciliation nationale pourquoi lancer ce débat maintenant ? 
Je ne vois pas pourquoi on m’accuserait de relancer un problème d’identité. Je n’ai parlé nulle part d’identité ni d’«ivoirité».

Le président Ouattara m’a rejoint tout récemment, lors d’une réunion à Ouagadougou: il a dit que le système d’orpaillage clandestin était une menace pour le pays. Tout le monde m’a rejoint sur la question et on n’a plus parlé d’ «ivoirité».

Un mot sur l’élection de l’année prochaine. Quand le PDCI va-t-il désigner son candidat ? D’ici la fin de l’année ? 
Je pense que ça sera après le milieu du second semestre de 2020 soit 6 mois, 3 mois avant la campagne électorale.

Est-ce que vous serez candidat à la candidature du PDCI pour la présidentielle ? C’est le parti, la convention du parti qui décide. Ce n’est pas moi qui décide.

Est-ce que vous comptez, comme vous l’avez déjà répété, souligné, à plusieurs reprises, passer la main et donner sa chance à la jeune génération 
Nous n’avons pas de problème de génération. Le PDCI, en réalité, est actuellement dirigé par des jeunes à plus de 60 %, des jeunes de moins de 45 à 50 ans.

Par Bineta DiagneBoris VICHITH

RFI.fr

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