Je n’ai pas non plus le secret des lumineux et meurtriers endormissements littéraires et juridico-politistes de Fame Ndongo et d’Owona Nguini, pour conjurer la dynamite de leurs assurances létales. Sachez que l’universitaire, par principe, s’oppose au tribalisme, à la méchanceté, à l’obscurantisme, au crétinisme et à toutes les déviances comportementales que vous chérissez tant dans vos tours d’Ivoire administrative du MINESUP et de l’Université de Yaoundé I.
SUR ACHILLE MBEMBE, JACQUES FAME NDONGO
ET MATHIAS ÉRIC OWONA NGUINI
ou
LE RENÉGAT, L’ÉCOLIER ET L’ILLUMINÉ
Nos hommes politiques ont dessiné la figure du « bon » intellectuel. Ils se le représentent sous certains traits canoniques : ce serait le type instruit qui défend les logiques, les antivaleurs et les pratiques de domination indigène, la souveraineté nationale et la stabilité, bref, l’agent cérébral de la sécurité du pouvoir en place. Pour eux, se serait trahir la cause nationale que de défendre des intérêts autres que ceux du régime dominant. Refuser de se constituer en le mercenaire des puissants, aspirer à rendre compte des dérives gouvernementales et de la paupérisation des citoyens, c’est déclarer la guerre aux patriotes autoproclamés, qui reçurent pourtant gracieusement le pouvoir des mains infectes du néocolonialisme le plus abrutissant. Il ne leur vient pas à l’esprit que le mandarinat servile soit en soi une trahison, une infidélité irrémissible des hommes et des femmes de la République des lettres, des arts et des sciences par rapport aux exigences d’objectivité, de réfutabilité et d’innovation qui les constituent originellement. En langage simple, lorsqu’on acquiert de la densité critique qui constitue l’authentique savant, on trahit toutes les attaches qui empêchent d’aspirer à l’universalité, qui est, désormais, l’enjeu de la vie citoyenne du penseur, car l’on est le riverain de toutes les frontières, le citoyen de tous les mondes.
De ce fait, l’intellectuel intervient nécessairement dans toutes les batailles. Il participe non seulement à toutes les luttes contre les injustices et la déshumanisation de l’homme, mais aussi à tous les exploits, à toutes les prouesses du génie humain qui galvanisent ses efforts sains pour semer des faces sans pleurs et des cœurs sans haine. Ces semailles se font parfois au prix de la trahison des siens : Diogène, Voltaire, Nietzsche, Marx, Nizan, Sartre, pour ne citer qu’eux, sont passés par là. Par exemple, lors de la guerre d’Algérie, Jean-Paul Sartre, l’intellectuel français le plus en vue de cette époque, Prix Nobel de littérature, avec quelques activistes de gauche, avaient organisé des collectes de clandestines de fonds, en France ; il avait acheté des armes et les avaient acheminés au FLN, en Algérie, pour combattre les troupes coloniales françaises. Ceci montre, à suffisance, que le « bon » intellectuel n’est jamais bon : c’est un renégat, comme Sartre, comme Achille Mbembe. Aussi vais-je d’abord montrer, dans les lignes qui suivent, que le verbe de Mbembe pue, comme un putois, et en quoi c’est cette traumatisante pestilence critique qui tue la peste qu’est la malgouvernance (I). Je tâcherai, ensuite, de rentrer dans l’âme meurtrie d’un illuminé du clan, MEON, pour montrer que l’ « intelligentsia camerounaise », celle qu’il incarne, avec Fame Ndongo, est dominée par l’instinct de survie et le tribalisme institutionnel le plus répugnant (II). Enfin, je ferai le prêche d’un renégat (Mbembe) à un écolier malfaisant (Fame Ndongo) et à l’illuminé du clan, Owona Nguini (III).
I/ Achille Mbembe, le Renégat, le putois camerounais
Le problème qui apparaît en filigrane dans les textes de Mbembe est cette interrogation lancinante : les colons, les néocolonialistes et leurs valets locaux ont-ils neutralisé notre fierté, notre identité et notre dignité ? Leurs abrutissants manèges ont-ils pénétré si profondément nos consciences, au point d’y régner désormais en maîtres ? Sommes-nous devenus des sujets oniriques ? Dans cette posture théorique et politique, normalement, les figures de miroir, comme Fame Ndongo ou Owona Nguini n’y ont pas droit de cité, car il est question des enjeux supérieurs de l’auto-détermination, de la fierté, de la respectabilité d’une race, de plus d’un quart de l’humanité qui est tenu en laisse par des criminels économiques et leurs reflets figuratifs locaux, aussi comiques que malfaisants, qui les administrent cyniquement.
Mbembe nourrit l’ambition de déparasiter la conscience des citoyens et de conscientiser les acteurs dominants des cercles de décision. Dans les sociétés modernes en effet, les pouvoirs établis s’inspirent des universitaires et des intellectuels, les citoyens de la République des cerveaux, dont les avis déterminent l’esprit et l’action du Chef de l’État et du gouvernement.
L’école n’est pas que connaissance et sagesse ; elle est complexe, avec plusieurs traditions qui la perpétuent. On ne peut pas la réduire à de petites citations, à des bribes de souvenirs livresques, à l’étude de la ponctuation, dont on se remplirait le ventre du savoir, alors qu’on ignore toute idée de mesure. On ne peut se revendiquer de l’intellectualisme, à des occasions idoines, pour dissimuler sa propension à la partisannerie. Le rôle d’un authentique intellectuel, dans ce cas, consiste à désinquieter, en faisant éprouver aux niais et aux esprits superficiels une terreur cathartique, par l’exemple d’une déraisonnable prise de risque. En somme, par son agir, par ses dires, il dit : voyez comment je n’ai pas peur : n’ayez pas peur ! Vous êtes Docteurs, donc les gardiens du Ciel de la vie.
Mbembe a décidé de travailler pour ensemencer le demain qui convient au mérite des sacrifices des martyrs et des pères fondateurs de ce pays majestueux. Il sème les graines de l’espoir et leur germination est inattaquable. À défaut de le soutenir dans notre cœur, ignorez ses fécondes transgressions ! Il est dédoublé : lorsqu’il est assis avec vous quelque part, comme lorsqu’il avait été reçu en audience par le Ministre d’État, il n’était pas complètement là, dans ce salon d’honneur : il s’était transporté, en esprit, dans l’examen critique des effluves des réseaux de prébendes et de prévarication dont toute cette hospitalité cérémonieuse était empreinte. C’est pourquoi, il ne peut être « compris » par Fame Ndongo et Owona Nguini.
II/ FAME NDONGO ET MEON : DES INTELLIGENCES MEURTRIES PAR L’INSTINCT DE SURVIE ET LE TRIBALISME INSTITUTIONNEL
N’ayant ni le prestige international de Mbembe ni la prééminence institutionnelle de Fame Ndongo et d’Owona Nguini, je ne peux que me résoudre à convoquer ce qui, en principe, les constitue à la base, à savoir le discernement besogneux de l’universitaire, dont je suis le spécialiste. Je remarque que les uns s’enfoncent dans les lettres pour échapper au verdict implacable de l’histoire, alors que l’autre, Mbembe, sous le prétexte de pervertir les assurances niaises des « consciences nationales », et en feignant de miner les repères historiques collectives, il entreprend de libérer les mots de l’empire du mensonge et du cynisme, pour faire briller la lucidité nécessaire à la régénérescence transgressive de nouvelles générations dans la poussière des crimes d’État et de la barbarie de la civilisation.
Je n’ai pas non plus le secret des lumineux et meurtriers endormissements littéraires et juridico-politistes de Fame Ndongo et d’Owona Nguini, pour conjurer la dynamite de leurs assurances létales. D’ailleurs, si je critiquais Owona Nguini, il ne manquerait pas de m’objecter que je ne comprends rien à son combat. Il ferait valoir que je suis naïf ; que je n’ai véritablement jamais traité avec les vendeurs de murènes (poissons à dents de serpent) et du Poisson-pierre, le Synanceia verrucosa notamment, le plus venimeux du monde. Ces commerçants, dont le mimétisme est inspiré des poissons qu’ils vendent au quotidien, ont une proximité mortelle difficilement repérable. Il dirait que je suis aveuglé par leur camouflage hors-pair ; que je prendrais la mesure de leur toxicité lorsque la peau, le sang et l’appareil cardio-vasculaire et tout le système neuro-musculaire de ma descendance seront irréversiblement contaminés par leur sournoise et criminelle sollicitude. Il me convaincrait que les épines nécrosantes du tribalisme gras ne m’ont pas encore piqué si durement, pour que je me décide de retourner ma veste, au point de brader ma dignité et ma respectabilité dans la bourse de la méchanceté et de l’incompétence.
Or, à sa place, je me serais convaincu qu’aussi longtemps que je serai aussi susceptible, je ne serai qu’une ébauche d’intellectuel sans aucune possibilité de faire éclore mon feuillage scientifique et éthique demeuré prisonnier de mon amertume affective et de mes rancœurs émotionnelles. Au vu de ses sorties épistolaires hasardeuses, qui sont incongrues et incompatibles avec sa stature académique et ses fonctions administratives, à l’université de Yaoundé I, je lui objecte que lorsque la horde d’invertébrés qui écument les réseaux sociaux, avec leur hargne villageoise, s’attaqueraient à moi, avec la détermination des crétins, je conserverais ma lucidité inébranlée. Je lui dirais encore qu’il fait preuve de beaucoup de faiblesse en laissant sa raison tanguer devant la bêtise ; qu’il a cédé au discours spécieux d’un géniteur imposant. En effet, j’imagine qu’affolé par la férocité des attaques tribale de l’autre meute, le Christ nègre auto-revendiqué du clan alla se blottir de tout son gros corps dans les bras extensibles de son Joseph. Le père prodigue soupira de satiété. Le fils, alangui et plein de miséricorde, se tenant devant le père perdu, reçut la difficile et initiatique bénédiction :
« Fils, nous nous sommes brouillés à cause de ton emportement primesautier. Je t’avais prévenu : ces gens de l’Ouest sont des épines vénéneuses ; ils veulent notre perte. Vois-tu, mon enfant, nous sommes des Ewondo, donc des Ekang. Au sommet de la hiérarchie sociale et politique de nos « origines » reconstituées par les opportunités de l’heure, règne le Bulu, indétrônable. Contente-toi, comme moi, de notre condition d’Assimilés. Il est désormais lointain le temps où j’admirais ta propension à t’irréaliser, puisque j’étais habitué à te voir te taire. Tu as grandi comme ça. Tout petit, nous te faisions assoir, ta mère et moi, et nous te commandions de ne point bouger. Les parents allaient au travail et au champ, et ils te retrouvaient à la même place, même posture. Ô, pauvres géniteurs ! Nous étions en extase ; nous pensions que nous avions été gratifiés par l’Éternel, que nous avions produit un génie. Regarde ce que tu es devenu : un marmot palabreur, qui s’enfonce dans une détestable inanition, pour avoir desservi longtemps les siens à l’avantage les « envahisseurs ». Mon fils, tu n’as pas assez de force pour leur résister seul ; allie-toi au pouvoir, pour échapper aux pièges qu’ils nous tendent à tous les coups. Je te parle d’expérience… Tu pensais que tu avais vraiment la force du loup, alors que tu n’as que l’énergie subversive d’un pou, eeehhh, mon fils ! »
Tels furent les arguments décisifs que Joseph mobilisa pour faire de son fils un assimilé, aussi conquérant que docile, un cas universitaire unique qui constitua le théoricien du « Conatus Prébendier Des Gouvernants Africains », c’est-à-dire l’écrivain des embrouilles publiques invraisemblables, en une légende scientifique, la figure tutélaire, indépassable, de l’Université de Yaoundé II-Soa. Plus qu’une bénédiction, ce fut, en réalité, une retentissante malédiction paternelle : MEON, désormais, c’était le tacticien des aveuglements de la « République » ! Par sa bave dominicale mordante, il croyait transformer, miraculeusement, les trémulations agoniques du régime moribond d’Étoudi en des indicateurs imparables du Renouveau du peuple camerounais. Il sera donc le penseur du bavardage, le théoricien de la déroute, le philosophe de l’immobilisme : le Parménide du clan. Les textes de Mbembe, heureusement, viennent le sauver du naufrage sentimental…
III/ Le prêche du Renégat à l’Écolier malfaisant et à l’Illuminé du clan
Mbembe, ce Renégat plein de génie, cet initiateur d’actions défendues, respire la dignité, à son corps défendant. Il répugne aux discours non-performatifs et engage le lecteur lucide à la réflexion. Si je l’ai bien compris, il dit, en somme :
« Jacques, MEON,
Apprenez à lire ma pensée et à discuter des idées ! Quittez l’arène des sophismes ; je ne suis pas un « impénitent acculturé » ! Osez penser de nouveau et renoncez à la satiété sacrilège que vous procurent les rythmes de méchanceté des borborythmes du vos ventres repus. Chacune de vos interventions, au plan national, est un bruit de flatuosités incommodantes qu’insonorise mon rayonnement mondial. Vous me lisez avec la prévention et les préjugés pleins la vue. Il ne faut pas prendre les textes au premier degré ; il faut lire ce qui est écrit à rebrousse-poil, pour comprendre, pour se comprendre soi-même. Ensuite, vous défiez votre propre compréhension pour construire, en toute liberté, de repères scientifiques et littéraires. Les réflexions de circonstance des grands esprits sont à prendre avec des pincettes. Lorsqu’ils parlent, il faut tenir compte de l’ensemble de leurs positions idéologiques, sociales et politiques ; il faut tenir compte de vous ! Ne tenez jamais un bout de texte pour la version achevée d’un itinéraire critique. Il faut toujours éprouver ce qu’on lit et, au besoin, le relativiser.
Lorsqu’on est complexé, lorsqu’on a compromis son goût sur la table de la forfaiture et du crime, on se rabat sur la syntaxe et la sémantique ; on est fort dans des pitreries verbales propres à tenir en éveil les possédés. On parle d’opposants, d’aigris, d’insurrection, et de toute l’armada rhétorique propre à contenter les coquins. Croyez-vous que tout le monde aspire à vivre par le ventre, comme tous les parasites qui grouillent en votre âme maudite ? Je reconnais, toutefois, qu’en de rares moments de lucidité, vous retrouvez votre sens du discernement, par exemple lorsque Fame Ndongo écrit : « La seule bataille qui vaille, à présent, est celle du développement économique, social et culturel, avec tous, par tous et pour tous ». Mais quel développement peut-on atteindre, lorsqu’on laisse une partie du peuple se faire égorger au quotidien et survivre en brousse dans des conditions inhumaines, sous le prétexte cynique qu’il n’y aurait pas d’interlocuteurs avec qui discuter du sort du NOSO ? Quel type de solidarité peut-on construire lorsque tous les recrutements sont réservés aux progénitures de quelques familles privilégiés. Quelle unité et quelle efficacité peut-on garantir, lorsque le souverain réserve la direction des grandes entreprises d’État et de l’enseignement supérieur universitaire à quelques neveux et cousins sans autre référence identifiable que leur penchant pour la clownerie et leur talent de l’imposture ?
L’enjeu de mes traumatisantes allusions au renversement du régime du Renouveau, poursuit-il, est d’allumer le feu dans la demeure de l’ivresse du conformisme et la docte ignorance qu’il s’est construite. Lorsque les universités se meurent, quand la recherche est enterrée et que les gens meurent et souffrent à travers le pays, vous faites les écrivains inspirés ! Cette littérature insipide donne la nausée. Quelle légèreté ! Quel aveuglément ! Quelle petitesse d’esprit ! Quel larbinisme ! Quelle inconséquence ! Quel malheur !
Vos sorties épistolaires intempestives sont des réactions de suivistes devenus inaptes au jugement fécond, incapables d’observer une distance critique d’avec la réalité et cramponnés aux lois implacables de leurs intestins. Vos écrits ne portent pas sur des points de vues objectifs, des pensées percutantes, des arguments bien élaborés, mais plutôt sur une rhétorique logomachique, un verbalisme superficiel de survie, une ritournelle de l’affalement ritualisé, des sonorités retentissantes d’un vide d’esprit, la convocation orgueilleuse de la suffisance, au moyen d’arguments timides, caractéristiques du paresseux qui se refuse à forcer son destin à muer en une opportunité d’or.
Mes admirateurs,
On connaît vos petits stratagèmes de parvenus. Vous faites des propositions aux gens. S’ils sont faibles d’esprit, ils acceptent. Quand ils refusent, vous dites que leurs demandes ne sont pas passées ; qu’ils dénoncent le système « par cupidité envieuse et frustrée de ne pas faire partie des couches de privilégiées, par rage infondée, etc. ». Je vous répète donc que j’ai dit niet à toutes vos propositions insensées. Lisez-moi pour vous instruire. Le savoir savant, le verbe thérapeutique, l’écriture cathartique, telle est ma vie : c’est ma nomination, mes immeubles, mes hôtels particuliers, bref la version éthique, humaine, que devraient prendre tous vos trésors démentiels, vos fantasmes morbides, votre étourdissante et désespérante boulimie du pouvoir. Ce sont les petites gens sans assurance, sans personnalité, comme vous, qui croient qu’il faut être initié pour traverser le mur du temps, pour impacter l’avenir. Nous, les penseurs authentiques, les dépositaires des secrets du bon sens, n’avons pas besoin de vos petites initiations dans des cercles sataniques, où l’on apprend à tuer le goût et à liquider l’État pour percer les mystères de la vie ! Ma sorcellerie critique avale tous vos charlatanismes de parvenus.
Je vous ai pesés sur ma balance critique. Vous n’avez pas de répondant ! Acquérez des connaissances, la littérature, la philosophie, les savoirs qui vous mettent à l’épreuve et vous font douter de vous, bref, le niveau de discernement exigible pour espérer un jour me rivaliser dans l’argumentation. À défaut de ces préalables, vous allez continuer de radoter, dans le vide. Vous vous résoudrez, finalement, à produire des soliloques ennuyeux, comme ce que vous débitez là. L’image que vous donnerez alors, c’est celle du combat entre deux régiments portant deux visions de notre présent et de notre avenir commun : d’un côté, les défendeurs de l’idéologie de l’inertie et sa cohorte de cadavres, vous ; de l’autre, les réparateurs des systèmes sclérosés, avec ses meurtriers débordements, comme le nôtre.
Chers compatriotes,
Auriez-vous oublié ces pages de L’homme révolté, d’Albert Camus : « Puisque chaque moi est, en lui-même, foncièrement criminel envers l’État et le peuple, sachons reconnaître que vivre, c’est transgresser. À moins d’accepter de mourir, il faut accepter de tuer, pour être unique ». Le peuple camerounais est au cœur de ce choix cornélien ! La rédemption se fera au prix de sacrifices inouïs et de sanguinolents renoncements…
Sachez que la proximité avec les centres de décision, avec le pouvoir d’État, n’augmentera pas votre QI et ne permettra pas de vous renflouer de lucidité. Ce sont les chiens errants, ayant perdu le sens de la propriété et des contraintes hiérarchiques de la reddition des comptes, qui s’agrippent à l’ombre du passant bien intentionné, pour profiter de ses largesses. Mais, ils ne loupent pas l’occasion de le mordre au coin des maisons, dans l’obscurité.
Vous écrivez des odes enflammées à l’instinct de survie du peuple et à votre résistance héroïque imaginaire. Vous feignez de lutter contre mon « paternalisme colonial » et « la rotation libérale ». Mais c’est le néocolonialisme qui vous a donné le pouvoir dont vous jouissez et abusez ; c’est le néolibéralisme, les forces capitalistes et ce que vous appelez le « Système-monde », que vous servez docilement, qui maintiennent votre régime en place.
Mes chers collègues,
La pensée, quelle qu’elle soit, scientifique, littéraire, artistique, philosophique, juridique ou autre, prescrit que l’on donne les leçons de vie et que l’on exige d’autrui le respect des aspirations nobles de ses concitoyens. Pour ce faire, le penseur prend ses distances d’avec l’arbitraire, le faux, l’aigreur, les injustices et il dénonce toutes les formes d’abus. Il faut, par conséquent, qu’il soit digne du respect d’autrui pour gagner le droit de parler en son nom. Si, au contraire, il encense l’imposture et l’arnaque sentimentale, s’il a pris l’option publique de défendre les méchants, les prétentieux, les illuminés, les sectaires, les insensibles, les énergumènes de mauvaise foi, les tortionnaires du peuple, en un mot, les saccageurs de vie sur terre, alors, il se discrédite et perd la légitimité nécessaire pour parler au nom du peuple, pour expliquer les ressorts de la volonté générale.
Souvenez-vous de ces mots de Hegel : « Nous sommes situés dans une époque importante, dans une fermentation, où l’Esprit a fait un bond en avant, a dépassé sa forme concrète antérieure et en acquiert une nouvelle. […] La raison ne peut penser et agir dans le monde que parce que le monde n’est pas un pur chaos. » Je remarque que des étourdis parlent du chaos, sans y comprendre grand-chose de bon. Lorsque des individus prennent possession des instruments de l’État, de l’appareil du pouvoir, et entreprennent de substituer leurs intérêts et leurs fantasmes morbides aux principes républicains qui gouvernent la vie en société, c’est qu’ils manquent de culture politique et de patriotisme, ou bien ils sont aveuglés par leur minorité anthropologique et éthique, en l’occurrence leur insensibilité entretenue et leur cupidité remarquable, ou encore par les blessures infligées à leur dignité. J’invoque le sort des condamnés qui croupissent dans nos prisons, parce que la fonction de la justice est de redresser les distorsions sociales, de réparer ces dysfonctionnements ; la philosophie et la littérature, elles, sont en même temps la systématisation de ces égarements et l’élaboration critique des ordonnancements normatives.
Sachez que l’universitaire, par principe, s’oppose au tribalisme, à la méchanceté, à l’obscurantisme, au crétinisme et à toutes les déviances comportementales que vous chérissez tant dans vos tours d’Ivoire administrative du MINESUP et de l’Université de Yaoundé I. Par mes écrits, je vocalise symboliquement le dégoût que m’inspirent les résonnances parasitaires de la gouvernance anachronique et criminelle que vous défendez. La tuméfaction de ma révolte littéraire et philosophique doit faire place à une turgescence imprescriptible des lendemains qui chantent : il faut renaître pour accueillir cette grâce régénérative. Le devoir de chaque universitaire, de chaque lettré dans ce monde chancelant, désormais, c’est de défaire les nœuds des particularismes, de contraindre l’obstacle de la singularité, de dynamiter toutes les écumes, de se disposer à toujours essayer… Dès qu’un intellectuel cède devant l’immensité de la tâche à accomplir, il démissionne de son rôle d’éclaireur, il finit.
Élevez-vous donc au-dessus de votre confort de pacotille pour réfléchir à ce qui nous arrive ou menace de nous arriver, à ce qui met en péril notre aspiration à la prospérité, notre respectabilité en tant que peuple. Laissez votre petite tenue institutionnelle revendiquée, qui, de fait, traduit votre peur de perdre pied à terre, votre incapacité à raisonner, sinon en convoquant maladroitement des béquilles littéraires et juridiques mal venues.
MEON, faire œuvre d’universitaire, de scientifique, c’est tuer les “susceptibilités”. Car se sentir susceptible, c’est se limiter à douter de soi ; c’est hypostasier un confort émotionnel surfait. L’universitaire est la lumière, et la lampe n’éclaire pas sans éclairer elle-même sa propre clarté. Je t’invite donc à tuer l’encombrante susceptibilité qui entrave ta liberté de pensée et l’épanouissement du jugement personnel. Par rapport au pouvoir en place, reconnaissons, ensemble, que l’assurance du devoir accompli et l’éthique éprouvée sont les meilleurs paravents contre la frilosité politique.
À cet égard, je suis comme toi, comme Jacques. Faites comme moi : j’ai un cœur d’ange dans une carapace de lion, avec une tête de chacal. Je vis d’entretenir la bienséance, le bien commun et l’espérance en tout humain, la paix et la prospérité de toutes les nations de la terre. Je suis un Homme sans frontières. Mes yeux et mon cœur doivent, en permanence, se disposer sur ma peau, car nos ennemis ne dorment pas ; ils inventent chaque jour des tours sophistiqués de malchance et de terreur, pour anéantir les niais et les bons de cœur. Jouer au pardonneur pourrait me perdre. Je dois avoir une mémoire intellectuelle et affective proéminente. Un intellectuel se méfie des sagesses constituées, des appartenances politiques compromettantes ; son indépendance d’esprit et son éthique le poussent à concevoir ses propres repères, sa table de valeurs, ses priorités et l’horizon de son bonheur.
Mon rôle, c’est de pénétrer l’âme amorphe des damnés, les personnalités empaquetées, comme les vôtres, pour leur donner un peu de tonus ; j’ai le devoir moral d’entrer dans la forteresse de la partisannerie pour faire éclater ses conciliabules infâmes ; je dois siéger occasionnellement avec la pègre pour la sauver du gouffre. Vous tous, sans exception, vous qui vous attaquez à moi injustement, n’êtes rien de consistant, juste de minables profiteurs, jouisseurs, arrivistes, prébendiers sans envergure, qui pillent et tuent un peuple qui se refuse à mourir par vos mains maudites, et qui, un jour, un jour proche, vous le fera payer cher, soit à vous-mêmes, soit à vos proches, la facture de leur dénuement actuel. Continuez de tuer, de commanditer et d’orchestrer le trépas de dignes et valables citoyens. Votre mort sera moins enviable !
Je prophétise, enfin : une flamboyante et imputrescible aurore universitaire et économique pointe à l’horizon, dont les lointains rayons s’instituent progressivement, dissipant les nuages malfaisants de la crépusculaire ère socio-politique que vous avez constituée depuis un demi-siècle »/
Fridolin NKE
Expert en discernement