APRÈS OWONA NGUINI ET JOEL MEYOLO, FRIDOLIN NKE DONNE UN KNOCK-OUT A NKOLO FOÉ, PHILOSOPHE OU ÉCRASEUR DES P… ?

Le 17 octobre dernier, alors que je me préparais à poursuivre mes discussions politico-philosophiques avec Mathias Éric Owona Nguni, un obscur idéologue, ventriloque sans doute, a fait irruption sur la scène de notre Olympe critique et s’est répandu en grossières insultes. J’ai, malgré cette distraction, attendu, en vain, la réplique de MÉON. Dois-je comprendre, qu’actuellement, cet oiseau de mauvais augure, qui croyait voler haut, comme l’albatros hurleur, tout en pansant les blessures infligées à ses ailes sans envergure, a renoncé à l’écriture ? Puisqu’il s’est tu, dois-je en conclure qu’il est battu ? Knock-out ! Le roi des oiseaux volants est déchu de son titre, destitué de son trône usurpé, déplumé, nu, naked ! Par prudence, au cas où il survivrait à ses spasmes, j’ai, néanmoins, réservé une ogive nucléaire, pour éteindre ses menues prétentions à une vie indigne, au cœur des malheurs qu’il déverse dans la cité, avec sa rhétorique empuantie.

En attendant, je m’occupe provisoirement de Nkolo Foé, davantage par désœuvrement que par nécessité. Car, sauf quelques rares exceptions, comme c’est le cas, les prédateurs aguerris crachent sur les oisillons…

Nkolo Foé, le « philosophe » qui ne sait pas philosopher .

Le 17 octobre donc, après avoir lu ma réponse à Mathias Éric Owona Nguni, Nkolo Foé a pensé qu’il avait l’étoffe de Zoro. Sûr de sa vanité caractéristique, il a publié un premier texte, sur son mur Facebook, à 9h42 m :

« C’est quoi, cette immonde bave de roquet galeux? Hein, Virilis, MÉON, Joël ? Qu’éructe-t-il, ce petit merdeux? Ah, porte-flingue de lâches plastronneurs! Je vois. Dommage, le pauvre cuistre, c’est, comme dit l’adage, Trois pelés et un tondu. » Et comme ses instincts bestiaux n’étaient pas suffisamment épanouis après cette salve chancie (pourrie), à 10h07, il a ajouté : « Qui est-il, ce freluquet bavard ? Manifestement fier de sa tachyphémie doublée de tachypsychie qui l’agitent tant, la fripouille veut apparemment péter plus haut que son cul. Oh, ce pauvre avorton ! Au milieu de la meute de groupies ébahis, le zombi se croit le premier moutardier du pape. Pouah, misérable tirailleur! Beurk, hideux nervi. Poussé par des hip hip hip et des hourrah hourrah complices, le roquet fantoche se plaît à mordiller les mollets édifiants de Virilis, MÉON, JOËL, etc. On est où là ? ».

Voilà le haut niveau de la « philosophie », d’un type qui se présente comme un Maître à penser, un philosophe ! Au vu de ce spectacle affligeant, on se rend compte que Nkolo Foé est un pseudo-penseur : c’est un écraseur. Car, pour la barbe séculaire qui débite ces sottises, ce ne sont pas des insultes ; ce sont des révérences diplomatiques. Mais si je lui réponds, en langue, comme on feint dans les églises de réveil, on m’accusera d’irrespect et de déviance comportementale, on m’indexera parmi les aigris et les envieux ; on m’accuse d’invectiver les nobles citoyens. Dans notre société pervertie, désormais, lorsqu’un adulte insulte copieusement un enfant, de la plus humiliante manière possible, devant tout le monde, les partisans de la stagnation et du politiquement correct sortent, de leur tiroirs des privilèges maudits, le bréviaire des bonnes mœurs ancestrales, le prétexte de la correction que doit subir les jeunes pour « les mettre à leur place », c’est-à-dire au rond-point de toutes les privations et de toutes les tortures.

J’aurais pu me taire, si je n’avais reconnu l’intrus. Naguère, dans un échange ferme, je lui avais parlé comme à un père, avec le souvenir plein de gratitude qu’il fut le bienfaiteur d’un jour, ce jour où, à la faveur de nos errances estudiantines, je fus trainé chez lui par son fils, Nkolo Ndzodo Léon, accompagné de feu Aliana Serge. Tous les trois, nous étions des camarades de première année, au Département de philosophie de l’Université de Yaoundé I et avions tous le matricule 97. Ce fils très réservé, dont j’appréciais la compagnie, est actuellement enseignant de philosophie, à l’Université de Maroua. Cette dette culinaire (j’ai sa nourriture et son vin dans mon ventre) et cette amitié avec son fils, qui a tari depuis, m’ont toujours dissuadé de lui répondre vertement.

Ce qui m’a déterminé à lui répondre, cette fois-ci, ce n’est pas la « qualité » des insultes qu’il a avancées contre moi ; c’est la haine revendiquée et la jalousie qu’il nourrit à mon endroit, à l’endroit de quelqu’un qui a exactement l’âge de son fils. J’ai réalisé que certains parents n’ont de sentiment humain qu’à l’égard de leur progéniture biologique. Ils condamnent l’adoption des enfants aux parents inconnus. Quoique Nkolo Foé fût un de mes enseignants, à de rares occasions, lorsqu’il daignait faire cours, je ne pouvais garder le silence, puisqu’étant orphelin, je ne pouvais compter que sur moi-même. Dois-je rappeler que, dans l’orthodoxie de la discipline philosophique, l’effort de systématisation du donné ne laisse pas de place pour des sentiments vils tels que la jalousie, l’envie, la convoitise, qui sont antinomiques avec le vécu d’un penseur rigoureux. S’imaginer un philosophe jaloux, c’est convoquer l’image, invraisemblable, d’un hibou, en divagation, en plein jour, parmi les cannetons.

Nkolo Foé alias l’écraseur

Nkolo Foé n’a pas réalisé que la philosophie, ce n’est pas d’abord les livres, les articles, les voyages pour dissiper la facticité débordante (l’ennui existentielle et le sentiment de vide qui menacent l’homme), la revendication forcenée des attaches sentimentales avec les grands esprits de son temps, comme Samir Amin. La philosophie, c’est dire ce que l’on pense de ce que l’on a appris, de ce dont on fait l’expérience, de tout ce qui nous échappe, au moyen de l’argumentation vivante, dialectique. Lorsqu’on est seulement fort pour rabaisser l’interlocuteur, pour éteindre la contradiction, pour insulter l’impertinent, même les livres qu’on écrirait, à la limite, porteraient cette estampille de vacuité qui nous constitue intrinsèquement. Ils ne survivraient pas à l’usure du temps.

Nkolo Foé est une pâle figure d’un passé philosophique avorté, passé qui, heureusement, n’eut pas lieu, parce qu’en son temps, il oublia de rencontrer le présent, d’intervenir, de manière remarquable et remarquée, dans l’actualité des débats politiques qui avaient cours, et de s’affirmer comme le moment paradigmatique qui indique l’avenir. Ayant oublié de philosopher à l’heure, il se ravise et veut le faire maintenant, en retard et à contretemps, à grand renfort d’insultes enflammées, pataugeant dans toutes les rivières de la décrédibilisation et de la souillure de l’âme. Il sait bien, aussi, que cette irruption réactionnaire est justifiée par le fait qu’il a cru, longtemps, à tort, que la philosophie était un cri de détresse pour solliciter l’aide des puissants, afin qu’ils le sortent de l’anonymat.

Nkolo Foé, le philosophe de l’indignité ?

Lorsque j’ai lu ses insultes, qu’il assimile à une pensée raffinée, j’ai compris pour quoi la philosophie a déserté l’espace public depuis la disparition des grands maîtres, les Towa, les Eboussi. En tant que disciple revendiqué de Marcien Towa, il s’est pris pour le légataire testamentaire des plus fertiles semences philosophiques du Grand Maître. À l’arrivée, il montre son vrai visage pâle : il s’impose comme un farfelu, le palabreur-en-chef d’une écurie malmenée par la cupidité. Towa était là, majestueux ; il s’imaginait qu’il avait des disciples. Il les chérissait et les couvait avec sa légendaire générosité philosophique. En réalité, il était seul, un singleton prestigieux.

Les hommes les plus grands sont souvent les plus naïfs !

Entre-temps, de petits charognards impatients attendaient, dans la pénombre, la fin des obsèques du Maître pour s’acharner sur sa dépouille, profitant cyniquement de son rayonnement. Avec Ayissi Lucien et Charles-Romain Mbele, Nkolo Foé a constitué une mini mafia pour décapiter la philosophie au Cameroun. Les trois mousquetaires infernaux se sont assis devant la marmite philosophique, pour manger la philosophie (à travers la direction juteuse et sans partage des mémoires de Maîtrise et des thèses, sans organiser le moindre colloque de philosophie pendant de décennies, encore moins prendre position devant les drames que vivent les citoyens), en jetant dans la société des os rongés et des tendons laminés, des faux docteurs en philosophie, qui encombrent désormais les avenues délabrées de la pensée dans notre pays. On le leur pardonnerait difficilement.

Nkolo Foé, cette référence factice de la grandeur philosophique, n’en est cependant pas à son premier forfait. Il y a quelques mois, il s’était attaqué à son jeune collègue, Armand Leka Essomba, presque dans les mêmes termes dégradants. Ce dernier, par son tempérament conciliant, par sa grandeur d’esprit et, portant fièrement, comme un mâle dominant, les cornes sacrées de son Professorat bien mérité, avait dédaigné lui répondre. À travers son silence, ce dernier a su montrer que l’’intelligence d’un Professeur titulaire des universités, un authentique Maître donc, est vraiment au firmament de ses plus percutantes élaborations, qui, elles-mêmes, sont nourries à la finesse et la nuance, dont il incarne les intarissables réverbérations.

Du haut, très moyen, de ma charge académique (je ne suis que Chargé de cours, donc rémissible d’avoir péché, en parole, contre les faux dieux de la Faculté, en d’autres termes, je suis « autorisé » à dévier la trajectoire des normes, car j’ai l’excuse de l’immaturité, donc, je peux pécher sciemment…), je n’ai pas résisté à la tentation d’interroger l’identité de mon insulteur.

Je suis épargné du reproche de travestir la représentation du pédagogue modèle, du philosophe sage, puisque la philosophie n’est pas que sagesse. En fait, ceux qui engagent le changement, qui vont au ring avec les acteurs de la stagnation et de la mort, ne visent pas à être qualifiés de modèles. Ils montrent la voie ; ils s’agrippent à leur volonté et à leur pensée, avec toute la hargne du sacrifice. En philosophie, il n’est point de modèles d’hommes parfaits à faire valoir.

L’idée de modèle, ce concept, n’est pas à plaquer comme ça, comme n’importe quel citoyen l’appréhende. On peut parler d’exemplarité, mais aucunement de modèle. Du point de vue de la rigueur réflexive, ce sont des vulgarités à proscrire… Dire, d’un homme, qu’il est un modèle, c’est transposer un idéalisme, voire une crédulité, à peine dissimulée….

Lorsqu’une société dérive, comme c’est le cas avec la nôtre (bien sûr, lorsqu’on en profite du « système », on ne voit rien dévier de sa trajectoire), quelles constructions pouvez-vous espérer réaliser si vous n’aménagez pas vos fondations? Et lorsque, par malheur, il arrive que les fondations d’une maison soient ébranlées par l’usure d’un temps ingrat et meurtrier, n’est-on pas en droit (obligé) de faire tomber l’édifice pour sa reconstruction ? Pour revenir aux fantasmes des modèles, disons qu’on entend parler de ces figures inamovibles chez les simples d’esprit et les couturiers qui s’initient aux sophismes persuasifs. Pour un penseur exigeant, ces pâles figures de la crédulité béate sont intouchables. Il exige davantage…

Cela dit, il est évident que cet enseignant des théories et des méthodes philosophiques invraisemblables construit, en permanence, les distilleries de la peur, pour solliciter l’intérêt des pouvoirs publics. Il ne s’aperçoit pas que, lorsqu’on arrive à un certain niveau de maturité théorique, il faut s’inquiéter de soi-même, de ce que l’on va dire et de ce que l’on va faire. Il faut se mettre, soi-même, à l’épreuve. L’argument de la défense des institutions de Nkolo Foé n’est qu’un paravent. Il est mobilisé pour concentrer entre ses mains, des prébendes inespérées, fruits de la malgouvernance qu’il défend vigoureusement, désespérément. Vous n’observerez, dans ces élans rassembleur, que la codification de la domination des privilégiés.

Le bonhomme débite toujours de petites sagesses puériles, distillées pour anéantir l’esprit, pour neutraliser la volonté d’oser. Il redoute que les gloires de ce monde soient éphémères. Aussi veut-il les collecter toutes. Lui seul, croit-il, est capable de nous sauver des hordes post-modernes. C’est pourquoi, il s’oppose à ce que l’on enjoigne le Gouvernement d’auréoler le Cameroun de monuments majestueux, d’édifices et d’infrastructures futuristes, du prestige qui nous échoit, de toutes ces gloires prétendument éphémères dont raffolent les esprits bien incarnés, ceux qui pensent qu’elles vont, nécessairement, nous suivre dans la tombe, comme un parfum de régénérescence, qu’elles vont nous survivre et seront entretenues par les générations à venir.

Nkolo, avec ses semblables, se demandent si combattre contre la malgouvernance du satrape, avec sa cohorte d’affolés, de sacrifiés et de morts, est la bienvenue. Détrompons-nous : nous ne sommes mêmes pas des intellectuels, si nous nous situons encore à ce niveau de questionnement. Nous sommes de petites marionnettes repues qui dédaignent au raisonnement analytique et logique, qui manquent de tonus pour lutter.

Un intellectuel, c’est la lutte, c’est le combat féroce et meurtrier pour imposer des idéaux et protéger la vie. Nous, pour sécuriser nos galettes et notre indignité non assumée, nous jouons aux civilisés, aux donneurs de leçons énervantes, aux catéchistes et moralistes du village, avec des affabilités de cimetière. En somme, nous entretenons sournoisement l’espoir, sacrilège, que le système ne tombe pas trop vite, avant que nous ne soyons bien positionnés, avant que nous ayons positionné les nôtres. Avec nos dérisoires ressources critiques, nous assénons l’imaginaire des citoyens, ces pauvres bougres malléables, et imposons le statu quo, pour fermer les yeux et les bouches…

Ce que Nkolo Foé me reproche
Nkolo Foé me tient comptable de deux griefs. D’abord, il m’accuse de n’être pas suffisamment Africain, panafricaniste, égyptologisant, comme lui, et de ne pas porter la négrité dans mon ADN philosophique. En d’autres termes, il estime que mon cœur, mon intelligence et mes rêves ne sont pas suffisamment noirs, teintés de désespoir mirobolant, à son goût. Nkolo pense que tous les universitaires africains devraient défendre les pouvoirs en place, sans exception ; que, ce faisant, ils manifesteraient leur authenticité, la souveraineté des États africains et la dignité de notre race.

Ce Kémite (par Kémites, l’on désigne ceux qui revendiquent une identité, des valeurs, des origines et un destin communs, négro-africains, parce qu’ils sont noirs de peau), ce Fils Aîné de la Terre, qui, pourtant, devrait être réfractaire aux discriminations et aux exclusions basées sur la tribu ou la race, s’égare dans l’univers glacial de la raison pour combattre le raisonnement. Il dédaigne l’Occident, avec ses hordes de capitalistes, de néocolonialistes, de croisées, de postmodernistes, etc., mais il affectionne, plus que tout, l’attention de ces mêmes Blancs, dont il tient la parcimonieuse considération (la supposée renommée mondiale) que notre domaine lui a réservée. C’est pourquoi, il ne ressent cette illusion de consistance qu’il impose à tous, que lorsqu’il réussit à arranger un rendez-vous diasporique, pour une excursion occidentale bien rémunérée.

Son patriotisme nombriliste ne peut donc tromper personne. Comme les autres imposteurs qui passent pour les visages les plus rayonnants de nos universités, il s’est branché au pouvoir, désespérément, pour repositionner le corbillard de ses espérances contre-nature et diluer la pestilence des restes des avenirs juvéniles qu’il a fauchés au cours de son chaotique parcours professionnel, à cause de ses innombrables compromissions contre le bon sens. Il guette, au quotidien, les respirations saccadées de Fame Ndongo ou de Paul Biya, comme lorsqu’une une femme infidèle vérifie son soutien-gorge, avant de franchir la demeure conjugale, toute hésitante. Si l’un de ces deux, Fame ou Biya, part, il est perdu…

Ensuite, Nkolo me reproche, paradoxalement, d’échapper aux serres infectes des empoisonneurs, des emprisonneurs et des tueurs à gage. « Il faut s’interroger sur le rôle de pareil énergumène. Comme fantoche, qui le manipule ? Pourquoi jouit-il d’une telle impunité, malgré le caractère malfaisant du personnage ? », écrit-il dans un post Facebook, le 13 octobre dernier. Au village, un soulaud dirait : « Paul Biya est venu gâter le pays ! Pourquoi celui-ci est encore en vie ? » Et on parlerait de moi au passé … Il s’étonne qu’on ne m’ait pas encore arrêté ou exécuté, comme si leur mort allait changer quelque chose dans ma vie. Autrefois, ce sont les agents de renseignement qui avertissaient Marcien Towa de l’imminence d’une arrestation ; aujourd’hui, ce sont les philosophes (imposteurs) qui jouent aux indics !

Le Prof. Nkolo Foé ou l’étudiant qui est toujours hors-sujet
J’ai longtemps apprécié Nkolo Foé, non pour la pertinence de ses idées (je ne le trouve pas particulièrement fameux), mais pour la constance de ses interventions, surtout depuis sa lointaine retraite. À force d’assister au spectacle dégradant de son automutilation médiatique, au nom de ses convoitises politiques inavouables, aussi loin que je m’enfonce, en pensée, pour cerner les raisons et les mobiles de cet affalement, je suis arrivé à la conclusion que Nkolo Foé a commencé à être hors-sujet dès le départ, lorsqu’il s’était aventuré dans les recherches doctorales.

Il n’avait pas compris la spécificité de la philosophie ; il n’avait pas réalisé que philosopher, c’est démêler le vrai du faux, briser la glace de l’infaillibilité, défier les idées et les postures quarantenaires les plus triomphantes, exorciser les consciences impénitentes, forcer la vérité à se faire une place privilégiée au soleil ; il ne s’était pas rendu compte que le philosophe, pour justifier son utilité sociale, n’indique pas les étages où sont entreposés ses gros livres, ni les amitiés et localités blanches où il a copulé idéalement avec le bon sens (faire l’amour en pensée … N.B. ce n’est pas possible ; ce n’est qu’une image…). Il était hors de ses capacités d’analyse de se rendre compte que tout ce qu’un philosophe dit ou fait, tout ce qu’il s’imagine, est empreint de l’esprit critique. Le philosophe ne récite pas la philosophie ; il l’incarne et l’éprouve au quotidien, dans ses prises de position publiques, dans son comportement.

Nkolo Foé, en revanche, s’était convaincu que l’activité de réflexion consistait en le recensement, sans tri, des états d’âme ; que, penser, philosophiquement, c’est comprendre et valoriser ses origines paysannes et jongler un peu avec les discours propres à l’anthropologie ou à l’ethnologie ; que la philosophie est la culture saupoudrée aux sciences humaines. D’où le titre de sa thèse de doctorat : « La fonction technique et la naissance de la philosophie : introduction historique au système Akom, d’après la doctrine cosmologique d’Oyono Ada gono ».

Vous me direz que c’est originale ; que c’est ce qui lui a valu la mention « Excellent ». Je vous réponds que c’est cet exotisme, cette théorisation de notre exception humaine, que les Blancs aiment consacrer, pour mieux démontrer que le Nègre est incapable de pensée dialectique. Avec cela, Nkolo a fait pire que les ethno-philosophes : il ne s’est pas contenté de dire que les Africains ont une philosophique spécifique, qui est différente de la philosophie occidentale et qu’il faut étudier les mythes, les fables, les coutumes, etc. pour la dévoiler ; il a prétendu, qu’avec notre culture, nous n’avons même plus besoin de philosopher ; que toute les philosophies sont déjà résumées dans l’ordre du monde négro-africain. Qu’il faut juste obéir et se mettre docilement à l’école des aînés, des anciens et des ancêtres. L’âme philosophique vous habitera ad vitam æternam (jusqu’à la fin de votre vie et même dans la tombe), sans effort, sans que vous ayez besoin de rien critiquer.

Son dada, c’est le post-modernisme et l’égyptologie, au-delà, c’est le néant de la pensée et de la science ! Or, il faut interroger ce qu’il entend par ces notions éclatées. Pour lui, au fond, dans son imaginaire, le post-modernisme représente le rejet de toute traçabilité, les atteintes à l’autorité de la raison, l’indiscipline à l’égard des normes établies (qu’elles soient moralement justifiées ou non), le refus de se soumettre (il assume, de ce fait, sans honte, le statut d’obstacle à la liberté et à l’émancipation). Le post-modernisme, ce système complexe de pensée, qu’il prétend combattre, n’est, en réalité, que la restitution des défis nouveaux que l’entendement affronte suite aux développements tous azimuts du capitalisme de marché et de l’intelligence artificielle. Ce courant philosophique hétéroclite met en scène l’éclatement des circuits de la raison en bute aux réquisitions du nouveau vécu qu’impose l’ère de la Grande désillusion. En un mot, le post-modernisme, c’est la prise en charge critique du renversement de l’ordre séculier établi par les raisons triomphantes du 19e et du 20e siècle, la raison d’État, le principe de domination raciale, la figure de l’homo œconomicus, entre autres. Prétendre qu’on combat le post-modernisme, et y bâtir sa carrière philosophique, participe d’une hérésie !

Quant à son autre fantasme, il est loisible de reconnaître que, chez lui, l’égyptologie, dont il se dit l’éminent spécialiste, n’est pas le produit d’un engagement scientifique entretenu ; c’est une mode, un tremplin. Le pèlerinage fictionnel dans ces lieux sacrés de l’Égypte ancienne ne repose pas sur des convictions établies ; il est déterminé par la tentation de rayonner, l’effort têtu déployé pour brouiller les pistes qui mènent à ses carences rédhibitoires, pour endiguer une inéluctable déchéance dans l’oubli.

Nkolo Foé, l’intellectuel terroriste
La réalité est qu’il ne veut pas que les autres s’avisent de penser : il le fera en leur nom, en empochant les avantages émotionnels, spirituels et pécuniaires qui en découlent, se dit-il. Nkolo Foé, le gardien autoproclamé du temple de la philosophie immuable, se fait méchant pour exister philosophiquement. Il n’est pas seulement suffoquant ; on le trouvera pathétique, pénible, souffrant, atteint de cette pathologie incurable, si caractéristique des dominateurs-écraseurs, à savoir, la cécité de l’esprit, l’engourdissement du cerveau, l’entêtement débile en faveur de ses propres égarements. Au final, avec ça, il finit par se constituer en le producteur de quasi concepts ronflants destinés à dissimuler ses propres limites : c’est le triomphe du dogmatisme !

Ce mot traduit l’attitude de celui qui pense, mordicus, qu’il ne se trompe jamais, comme Nkolo Foé. Pour lui, réfléchir, c’est choisir son camp, sinon l’on est taxé de traître, de laquait des hordes post-modernes, de vendu du néo-colonialisme, etc. On doit, pour réussir à produire une pensée approximative, s’agripper, stoïquement, à l’inconfort de ses propres difficultés de comprendre, en refusant surtout d’assumer les égratignures et les humiliations qui en découlent.

Or, refuser de se remettre en question, ce n’est pas philosopher ; c’est se constituer, toute honte bue, en l’intégriste des vérités restaurées ou révélées, c’est-à-dire, en le fondamentaliste de la crédulité. Mais on comprend cette déformation : Nkolo Foé s’est habitué à jouer à l’anthropologue-ethnologue ; il a cru, en fin de compte, que, comme dans ces disciplines émancipées, la vérité gît parmi les trésors du passé, qu’une main exercée exhume précautionneusement des tréfonds de l’oubli de la terre, à la satisfaction générale.

Quel traumatisme a-t-il dû ressentir lorsque, très tard, il s’est ravisé ! Quelle désillusion !

Comme Owona Nguini, Nkolo Foé et tous les illuminés qui écument les plateaux de télévisions et les réseaux sociaux, au nom de leurs références universitaires surannées, sont, en réalité, les adeptes de l’autoritarisme intellectuel, que Jean Sévilla a caractérisé dans Le terrorisme intellectuel. Il note : « C’est un système totalitaire. Mais d’un totalitarisme patelin, hypocrite, insidieux. Il vise à ôter la parole au contradicteur, devenu une bête à abattre. À abattre sans que coule le sang : uniquement en laissant fuser des mots. Les mots de la bonne conscience. Les mots des grandes consciences. Les mots qui tuent. » Pour ce faire, observe-t-il, ces idéologues réactionnaires, au travers d’un manichéisme de forcené, impriment dans l’imaginaire des peuples l’archétype du mal ; ils identifient les figures idéales de la déchéance qu’ils prétendent combattre. La logique est implacable : intimider, culpabiliser et disqualifier.

Dans le cas de Nkolo Foé, à défaut de convaincre l’ensemble des ethnies de combattre les adversaires tribaux qu’ils se sont constitués, lui et les illuminés du Renouveau mourant, les contours insondables de leur patriotisme de pacotille sont très vite arrêtés. Et, puisqu’ils singent les combattants antifascistes pour asseoir leur fascisme, ils proclament, e chœur : « La haine est un devoir national ».

Quels minables personnages !

Dans tous les cas, ils comprennent maintenant, à leur grand désarroi, que l’ère du totalitarisme de la pensée philosophique, qui a succédé à l’époque féconde de l’exercice libre du jugement, incarnée jadis par Marcien Towa et Éboussi Boulaga, est bel et bien révolue. Les bouches se sont déchaînées ; la contradiction a repris ses droits, et l’esprit des polémiques aussi. Ils apprendront, à leurs dépens, que la philosophie, c’est la discipline des passions. Ils se souviendront, à leur corps défendant, de la portée de ces mots, les conseils d’une mère avisée à un fils espiègle et prétentieux : « Ne te bats jamais avec un homme plus jeune ou plus faible que toi » ! (Amadou Hampâté Bâ, Amkoullel, L’enfant peul).

La régénérescence philosophique, aujourd’hui et de demain
La vieille philosophie, qu’on confondait avec la pratique de la réserve, est dépassée. La philosophie, aujourd’hui, plus que jamais, sera destruction, car il faut reconstruire sur un socle plus solide. Aussi longtemps que l’imposture va prospérer, le verbe dévastateur va perdurer. Des sujets malfaisants ont trop occupé la dignité qui nous revenait de droit, dans la société, pour qu’on s’accommode davantage de la mystification et de l’hypocrisie ambiante. Notre moral est à rude épreuve ; il est en feu, dévoré par des préjugés insensés, des convoitises saugrenues et des envies démesurées.
L’autre soir, un chrétien lisait la Bible, dans “Romains 1:29-31. Curieusement, j’ai pensé à la situation des philosophes dans notre cité :
« [29] étant remplis de toute espèce d’injustice, de méchanceté, de cupidité, de malice; pleins d’envie, de meurtre, de querelle, de ruse, de malignité;
[30] rapporteurs, médisants, impies, arrogants, hautains, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, dépourvus d’intelligence
[31] de loyauté, d’affection naturelle, de miséricorde ».

Avant d’être réparatrice, pour être génératrice, la philosophie doit démanteler le faux, le nauséeux, le purulent, le sanguinolent qui prospèrent impunément. Souvenons-nous de Diogène le Cynique, le contradicteur de Socrate, Lucien, Sade, Nietzsche, Marx, Nizan, Sartre, etc., tous de petites dynamites irrésistibles.

Par leur exemple, ils ont montré qu’en période de crise, devant les crimes à répétition, devant le mensonge et la barbarie d’État, il ne s’agit pas de prier le bon Dieu, qui n’est jamais au rendez-vous, mais de dénoncer, de dévoiler, de crucifier conceptuellement les imposteurs et les malgouvernants. La philosophie doit tuer le mal pour régénérer la société. Ce temps est arrivé : vous lirez l’heure…

La nouvelle génération de philosophes n’aura que du mépris envers tous ceux qui ont trahi la cause noble de la respectabilité et de la dignité des citoyens. Ils décriront, fidèlement, la physionomie des traîtres ? Quoique très jeunes, ils se feront vieux, plus vieux que cette petite vieillesse qui les écume cyniquement. « D’ailleurs, se diront-ils, ce n’est pas votre système qui nous paye : c’est le contribuable, ce sont les Camerounais. Vous n’avez aucun avantage à donner à personne. Vous êtes des fonctionnaires, comme nous, c’est-à-dire des parasites, des êtres surnuméraires greffés au sein de la nation généreuse. »

En fait, l’intention qui animera cette nouvelle cuvée de la raison, ce sera de réformer aussi bien le goût que l’entendement humain, qui sont foncièrement viciés par les inondations de votre vanité entretenue. Leurs débordements ne seront pas perçus comme des manquements ; ce seront les déterminants ultimes de l’affirmation de soi des penseurs intrépides, de l’exercice de la critique philosophique.

S’ils se présentaient tout mous, ils disparaîtraient dans cet océan d’abus et de crimes ; ils se feraient manger par la pègre. C’est pourquoi, ils se sont préparés mentalement à tuer symboliquement les tueurs, à manger littérairement les anthropophages, à neutraliser psychologiquement les esprits démoniaques, à combattre viscéralement les méchants.

Mais ils n’entrent pas dans la boue des insultes vulgaires et ne se laissent guère impressionner par les « références mondiales ». Ils font la philosophie, la vraie, qui est l’apostrophe du Vrai, du Bien, du Bon. Ils ont entrepris de débaptiser au discernement exigeant. Leurs mots torrides, comme des apostrophes sacrées, auront la saveur âcre des formules d’excommunication.

Voilà les fondamentaux, les fonctionnalités et l’horizon du discours philosophique qui prévaudra désormais. Plus jamais, les philosophes ne vous feront le plaisir d’accompagner vos déglutitions sacrilèges avec un discours tiède et convenable. Ils perturberont les appétits maudits avec un verbe affûté et meurtrier.

Au final, si nous conservons les souvenirs de la discipline laborieuse qui nous a donné la vie, et toutes les belles choses qui l’agrémentent, parce que nous sommes des philosophes-fonctionnaires, songeons, au moins, que nous avons le devoir républicain, la responsabilité éthique, dans le contexte qui est le nôtre, de mener le combat contre les souillures de l’âme et les crimes économiques qui retardent notre développement. Il faut, par conséquent, que nous soyons intraitables. Nous devons, pour ce faire, développer une âme guerrière qui répugne aux convenances sociales dépourvues de ressorts moraux/

Fridolin NKE
Expert en discernement

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