La mort du Professeur Kaptue est une perte énorme pour la communauté scientifique, et pour moi particulièrement.
Je n’en reviens toujours pas de la disparition du Professeur Lazare Kaptue. Bien que beaucoup le connaissent comme un éminent professeur de médecin qu’il était, moi, son ancien étudiant de thèse, le perçois plus comme un chercheur infatigable, véritable pionnier de la recherche sur le VIH/SIDA au Cameroun.
Chercheur de renommée internationale, le professeur Kaptue était un monsieur respecté dans le domaine de la science, surtout du VIH/SIDA. Son laboratoire était le tout premier en 1990 à découvrir, en collaboration avec une équipe allemande, le fameux VIH type O (HIV group O) dont l’écho faisait la une des journaux à travers le monde. Fasciné par cette grande découverte et grâce aux ravages que le VIH faisait déjà au Cameroun, j’ai décidé en 1992 d’abandonner la recherche sur les plantes médicinales, domaine dans lequel je venais pourtant de soutenir ma thèse de Maîtrise, pour rejoindre le laboratoire du Professeur Kaptue pour une nouvelle aventure: la recherche en virologie.
Quoique le début fut très difficile financièrement pour moi, avec un pléthore d’étudiants en thèse (environ 12 à l’époque) que Professeur Kaptue encadrait dans son laboratoire, j’avais la firme conviction que la notoriété de l’homme et ses multiples relations sur le plan international me permettra un jour de décrocher une bourse et aller continuer ma thèse de doctorat à l’extérieur du pays. Et mon espoir n’était pas sans fondement. Deux ans après dans son labo, et grâce à ses relations personnelles, j’obtiens en 1994 une bourse de 6 mois pour un stage de recherche en Biomédicale à l’IRI, Nairobie. De retour du Kenya cette année-là, et juste quelques mois après, une autre bonne nouvelle, comme une manne tombant du ciel, croise mon chemin. Une collègue du labo me surprend un matin avec mon nom dans Cameroon Tribune ou l’ambassade du Japon à Yaoundé m’informait que le gouvernement Japonais venait de sélectionner ma candidature pour l’unique et prestigieuse bourse (MONBUSHO) pour une thèse de doctorat au Japon. Voilà comment je quitte le Cameroun en 1995 pour 4 ans de recherche à l’Université de Kyoto, au Japon. Pendant mon séjour au Japon, et avec mon nouveau directeur de thèse (Professeur Masanori Hayami) les liens de recherches et collaborations avec le laboratoire du Professeur Kaptue s’intensifient.
Après l’obtention de mon PhD, et de mon retour au Cameroun en 1999, le Professeur Kaptue et moi planifions déjà comment relancer la recherche du VIH. C’est ainsi qu’il me confie le poste de Coordinateur de recherche sur le VIH dans son laboratoire. Malheureusement, à cause de la corruption et d’une manœuvre sordide pour un poste d’enseignant en Biologie qui était supposé me revenir en faculté de Science à l’Université de Yaoundé I, j’ai décidé de ne pas rester au pays, mais d’immigrer au USA ou je venais d’obtenir un poste de recherche sur le vaccin VIH.
Depuis lors, j’ai gardé de très bonnes relations avec le Professeur Kaptue. Je ne manquais jamais de lui rendre visite chaque fois que j’étais au Cameroun. Lors d’une de nos conversations il me demandait si la situation de mon épouse (paralysée depuis 2007 par un AVC) ne me permettait pas de rentrer m’installer au Cameroun et dispenser les cours de virologie à l’UdM, l’université médicale qu’il dirigeait jusqu’à sa mort. Humble et accessible, le professeur Kaptue était pour moi plus qu’un directeur de thèse—il était devenu un père.
Face à sa disparition, mon épouse et moi adressons nos sincères condoléances à la famille du défunt, surtout à sa chère épouse ainsi qu’à leur fils, Dr. Bruno Kaptue.
Grand prof, vas et repose en paix. Que le seigneur tout puissant t’ouvre la porte de son royaume.
Innocent Mboudjeka, PhD
(Ancien étudiant du Professeur Lazare Kaptue)