Empruntant ce titre au patriarche Béchir Ben Yamed, je souhaite partager avec mes compatriotes ma première expérience de l’élection présidentielle vécue en tant que candidat.
- C’est un lieu commun de reconnaitre que des élections mal organisées et frauduleuses sont la porte ouverte à la guerre civile. En effet, si nous empruntons un schéma traditionnel des successions dans une famille polygamique à plusieurs lits, il est aisé de constater que le successeur ou l’héritier principal comme on le désigne dans nos juridictions, s’il ne s’occupe que des enfants du lit dont il est lui-même issu, les autres enfants des autres lits vont nécessairement revendiquer leur droit à la succession. Ce qui peut aboutir à l’exigence de sortie de l’indivision (Sécession) ou au partage de fait de la succession (démembrement de la société, règne de l’anarchie, chacun occupant par la force une parcelle de terrain) ou dans la pire des hypothèses à l’attentat contre le successeur (coup d’état ou guerre civile).
- Actuellement le régime RDPC ne fonctionne qu’avec ses membres ou avec ses alliés. Ici lorsqu’on parle d’alliés, ils le disent par opposition non pas aux adversaires idéologiques ou politiques, mais par rapport aux ennemis car les autres, en dehors des alliés, tous les autres camerounais sont des apprentis sorciers, des bonimenteurs du chaos, des étrangers ou allogènes etc. On parle d’allié ici comme pendant la deuxième guerre mondiale la France, l’Angleterre, les USA, l’URSS se sont alliés pour combattre l’Allemagne. Ainsi donc le régime RDPC et ses alliés se sont mis ensemble contre le reste du Cameroun. De fait ce régime ne gouverne, depuis 50 ans, qu’avec et pour eux. Les apprentis sorciers ne sont pas invités à la table de la gouvernance et sont considérés comme des ennemis, de sorte que si vous voulez participer à la gouvernance de votre pays, il vous faut nécessairement rejoindre le RDPC ou le camp des alliés. Et dans ce régime-là, pour être nommé à un poste, il faut montrer que l’on a bien servi le RDPC. Ceci entraine pour conséquence que des fonctionnaires de haut rang sont mis en mission comme personnes ressources du RDPC pour aller battre campagne dans leur ville. Ils se sentent liés par une obligation de résultat plutôt que de moyen. Ainsi ne vont-ils pas hésiter le jour du vote à bourrer les urnes pour aller vendre leur supposé popularité à Paul Biya contre un poste. Le clientélisme obligeant, Biya ne nomme que ces clients là, c’est-à-dire ceux avec qui il fait commerce de nos votes.
- La plupart des observateurs prennent un dangereux raccourci en demandant une union de l’opposition. Ils font un mauvais diagnostic de la situation. Ce qui est en cause ce n’est pas l’absence de la coalition des partis de l’opposition contre Biya mais davantage le mauvais système électoral pour lequel nous devons nous battre jusqu’à complet changement. Et si pour cela nous devons faire face à la guerre civile, eh bien qu’on laisse la guerre venir. Il n’y a pas d’autres moyens de parvenir à l’alternance politique démocratiquement et pacifiquement si nous ne changeons pas de système électoral et le code électoral actuel. La coalition de l’opposition ne garantit pas une alternance politique pacifique dans le système actuel à un tour. On s’en rend compte en additionnant les résultats des 22 candidats contre Paul Biya, tous nos votes réunit n’atteignent pas 20% des suffrages exprimés. Et s’il y avait eu d’emblée une union de l’opposition dès l’entame de la campagne électorale, le Cameroun aurait manqué à la naissance de la nouvelle force politique de l’avenir que constitue le PADDEC. Nous serions morts nés car nous ne devons notre existence effective et imposante que grâce à cette élection à multiples candidats et ce malgré les fraudes innombrables à notre détriment. Nous n’aurions pas montré notre poids électoral autrement. Désormais nous avons pris place à la table politique comme dauphin présomptif à la succession au palais d’Etoudi. Par ailleurs, en 1992, on se souvient que la majorité de la population avait voté pour John Fru Ndi du SDF le peuple désabusé avait assisté à un hold-up électoral par la Cour Suprême interposée. Il faut remarquer que c’est dans le dessein de la pérennisation au pouvoir que le régime de Monsieur Biya ne met pas en place une COUR CONSTITUTIONNELLE, véritable juridiction indépendante relevant du pouvoir judiciaire. Il lui préfère un CONSEIL CONSTITUTIONNEL, organe proclamatoire des résultats des élections sans véritable pouvoir juridictionnel de jugement. Au total seul un nouveau système électoral couplé à un nouveau code électoral et à la mise en place d’une Cour Constitutionnelle est susceptible de conduire à des élections libres et transparentes.
- Beaucoup de personnes ont tiré sur Elections Cameroon l’accusant d’avoir mal organisé l’élection présidentielle du 9 Octobre 2011. Je crois qu’il serait prudent de distinguer les défaillances de l’institution de celles des hommes chargés de l’animer. A vrai dire je m’attendais à un échec cuisant d’ELECAM, je m’attendais à un report de l’élection présidentielle pour cause d’impréparation. J’ai été surpris de constater que malgré de nombreux disfonctionnements, l’élection a pu se tenir, quoique de nombreuses personnes aient été exclues du vote, n’étant pas entré en possession de leurs cartes électorales. Mais ce qui est le plus en cause, ce sont certaines personnes en charge d’ELECAM. Le sommet s’est battu avec des moyens de bord malgré une querelle interne de leadership. Notre rêve serait d’avoir un organisme indépendant qui organise les élections en toute transparence, sans que les partis politiques aient besoin d’affréter des scrutateurs dans chaque bureau de vote. Mais cet organisme sera forcément mené par des personnes qui appartiennent à l’un ou l’autre parti politique ou qui sont sympathisantes de tel courant idéologique ou politique. Si FONKAM AZU’U le président d’ELECAM est un membre notoire du RDPC, il ne m’est pas apparu jusqu’à présent qu’il ait sciemment et délibérément favorisé le RDPC. Mais peut-on en dire autant de certains des représentants régionaux d’ELECAM ? NON. Certains n’ont pas hésité à faire un faux en écriture pour faire gagner le RDPC. Par exemple dans le littoral, toutes les enveloppes contenant les procès-verbaux dressés par les commissions locales de vote ont été centralisées par les responsables des antennes communales d’ELECAM conformément à la loi. MAIS elles n’ont pas été directement transmises à la commission départementale de supervision comme l’exige la loi. Elles ont fait l’objet d’une seconde centralisation à l’Agence départementale d’ELECAM pour le Wouri et ont progressivement été transmises à la commission départementale de supervision à partir du 11 octobre 2011 à 20 heures pour Douala 1er situé à quelques encablures seulement du siège de la commission à Bonanjo, le 12 octobre 2011 à 0h30minutes pour Douala II, III, IV, VI et à 10h30 minutes pour Douala V. Les enveloppes ont été transmises OUVERTES et les procès-verbaux copieusement manipulés avant la transmission en violation de l’article 23al 2 qui dispose : « Dans les 48 heures qui suivent la clôture des opérations de vote, le responsable de l’antenne communale d’Elections Cameroon transmet un exemplaire des procès-verbaux des commissions locales de vote, assorti des pièces annexes, à la commission départementale de supervision ». Il manquait certains procès-verbaux. Des procès-verbaux ont été falsifiés par certains présidents des bureaux de vote au profit du candidat du RDPC et des urnes ont été abondamment bourrées. A Bonabéri seulement cette pratique a fait perdre au PADDEC plus de cinq mille voix volées au profit du RDPC. Dans l’arrondissement de l’île de Manoka par exemple, le candidat du RDPC enregistre 2500 voix alors que toute la population de cette île ne dépasse pas 1000 habitants. TOUS les procès-verbaux de cette île de Manoka sont signés par une seule personne, le Maire RDPC de Manoka ! Dans le quartier Nkongmondo de Douala, Paul Biya enregistre 4300 voix alors que toute la population réunie de ce quartier oscille entre 1000 et 1500 habitants.
- Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est plus les hommes qui sont en cause et qui entravent l’exercice de notre démocratie. Par exemple, un bureau de vote clandestin a été installé dans le domicile privé de Monsieur Foloh à Bafou par un haut fonctionnaire à la retraite, pour faire gagner le candidat du RDPC. Au bureau de vote du Parc le repiquet à Yaoundé 1er, le président de ce bureau, disant agir sur hautes instructions du Sous-préfet et du Maire de Yaoundé 1er, a utilisé des centaines de cartes de vote non réclamées par leurs titulaires pour voter à leur place dans les bureaux de vote numéroté de A à J. Ainsi dans un bureau où 60 personnes ont voté, Paul Biya obtient un score de 238 voix ! Au Bureau de vote de Baleng à Bafou, un haut fonctionnaire originaire de Bafou et exerçant à Yaoundé, dépêché dans son village pour les besoins du vote, n’a rien trouvé de mieux que de dissimuler les bulletins du PADDEC demandant aux électeurs de ne voter que les deux bulletins des partis ayant un représentant dans la salle, à savoir le RDPC et le SDF. « Je suis là pour vendre ma marchandise et non celle de ceux qui ne sont pas présents au marché » conseillait-il aux électeurs qui souhaitaient voter pour le PADDEC et qui demandaient à prendre son bulletin. Tous ces fonctionnaires qui ont été déployés sur le terrain pour servir le RDPC, sous la menace voilée d’une révocation, d’une rétrogradation ou la promesse tacite d’une récompense sous la forme d’une nomination, d’un avancement ou de tout autre avantage, compromettent dangereusement le jeu démocratique dans notre pays et allument inconsciemment le feu de la révolte qui va dévorer ce pays. Que dire de ces chefs traditionnels qui servent servilement l’administration depuis qu’ils ont appris qu’ils sont les auxiliaires de l’administration et qui ont pesé de tout le poids de leur majesté sur le scrutin du 9 Octobre 2011 en faveur du candidat de l’Administration ? Leur supplication pour avoir des voix en faveur du RDPC et leur crainte d’être battu par un petit parti d’opposition dans leur village a quelque chose d’inquiétant. Quelle est la nature de la menace qui pèse sur les chefs traditionnels ? La menace de la révocation comme chef ? Cela ne se peut pas pour une chefferie comme celle de Bafou quoi que l’on puisse comprendre les craintes légitimes des chefs Baleveng, Baleng et autre. Quoiqu’il en soit ce régime tient presque tout le monde par la terreur et c’est sans hésitation qu’il peut être qualifié de régime terroriste. Mais cette politique de la terreur ne peut pas produire le développement. C’est pourquoi ma suggestion et mon conseil seront qu’il faut changer rapidement de cap s’il ne veut pas être décapité.
*Maître Momo Jean de Dieu Avocat au Tribunal Pénal International des Nations Unies pour le Rwanda,
Président du Parti politique les Patriotes Démocrates pour le Développement du Cameroun Candidat du PADDEC à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011 au Cameroun Tel +237 99 96 35 03 Cameroun Tel +255 759 006 547 Tanzanie.
PS: Cet article est de Me Momo Jean de Dieu publié en 2011