Crise Anglophone : Lettre ouverte de Micheal Fogaing au Président Biya
Crise Anglophone : Lettre ouverte au Président de la République du Cameroun, son Excellence Paul BiyaCrise Anglophone : Lettre ouverte au Président de la République du Cameroun, son Excellence Paul Biya
a/s de Haut-Commissariat pour la République du Cameroun au Canada, High Commission, 170 Clemow Avenue Ottawa, Ontario, K1S 2B4 Tél.: 613-236-1522
Son Excellence Monsieur le Président de la République du Cameroun,
Par la présente, nous souhaitons attirer votre Haute attention sur la gravité de la menace grandissante d’éclatement qui plane sur notre pays chaque journée additionnelle que dure la Crise Anglophone. Aussi, nous vous suggérons des solutions concrètes de résolution de cette crise.
Quoi qu’on en dise et quoi qu’on fasse, le Problème Anglophone au Cameroun est une réalité historique bien documentée, fondée, légitime, connue et démontrable dont la résolution à la satisfaction des parties prenantes est une condition existentielle sine qua non de l’unité, de l’intégrité territoriale et de la cohésion de notre nation.
Votre stratégie actuelle de l’attentisme, du laisser-faire, du pourrissement, de la tromperie et plus récemment de va-t-en-guerre que vous et votre régime avez adoptée comme l’unique solution à cette crise aboutira inéluctablement à la sécession de la Zone Anglophone de notre pays, et ce, peut-être beaucoup plus tôt qu’on se l’imagine.
Cette stratégie bien connue est héritée de l’époque coloniale et consistait en la résolution de chaque révolte des indigènes (peuples colonisés) par la force brute, l’intimidation et la fourberie, sans toutefois aller au fond des revendications aborder la racine du problème, source de la contestation, et proposer la solution idoine qui s’impose. Cette stratégie est dorénavant non seulement inefficace, caduque, et insensée, mais singulièrement contre-productive et en déphasage avec la réalité de pays supposément indépendant qu’est le Cameroun d’aujourd’hui.
Comme l’illustre si bien l’évolution de la présente Crise Anglophone qui perdure et s’intensifie davantage chaque jour depuis bientôt une année, votre stratégie, telle que décrite plus haut, a eu pour seul effet de renforcer la légitimité, la détermination et la radicalisation de nos compatriotes Anglophones dans leur lutte civique fort justifiée et fondée, pour leur dignité humaine et citoyenne.
Face au laxisme et à l’incompétence spectaculaire de votre régime qui n’a rien trouvé de mieux que de se gonfler le buste, refuser de négocier, emprisonner arbitrairement les leaders Anglophones et intimider une population aux mains nues, on a vu en face de vous de très humbles leaders Anglophones compétents et ingénieux qui, partis de rien, se sont progressivement forgés les moyens et outils modernes, efficaces et crédibles pour un long combat politique: usage judicieux des moyens de communication modernes, lobbying international conséquent auprès des pays et des organisations internationales, création des symboles de l’émancipation et de la mobilisation de masse, création des radios ou de chaînes de télévision pour mener la guerre communicationnelle et possiblement la création imminente d’une armée si la crise traîne davantage.
Pourquoi aller aussi loin et en arriver jusqu’à tant d’extrême aujourd’hui, alors que la crise était initialement et reste encore si facilement réglable sur une simple table de négociation ? Fort est de constater qu’à chaque journée additionnelle que dure la crise, cette fenêtre de négociation se referme dangereusement et irréversiblement telle une peau de chagrin, au profit d’un radicalisme exacerbé et fatal pour l’unité nationale de notre pays.
Son Excellence Monsieur le Président de la République, pourquoi refusez-vous, votre régime et vous, de négocier la fin de cette crise avec les légitimes leaders Anglophones incarcérés si longtemps et sans raison fondée dans vos prisons ?
Son Excellence Monsieur le Président de la République, est-il normal que, d’une part, vous et votre régime négociez à répétition directement avec Boko Haram qui a pourtant tué des milliers de Camerounais pour la libération des ressortissants des pays étrangers et refusez, d’autre part, de vous asseoir sur une même table de négociation avec nos propres concitoyens leaders Anglophones qui n’ont commis aucun crime autre que de manifester pacifiquement dans un cadre légitime de protestation citoyenne, et ce, dans le seul but de l’amélioration du vivre-ensemble des Camerounais ?
L’heure est grave Monsieur le Président, et même très grave. L’unité nationale et l’intégrité territoriale de notre pays ne tiennent plus qu’à un petit fil. L’éclatement du Cameroun par la partition de son territoire devient une possibilité réaliste à court terme, à cause du laxisme, de l’insolente arrogance apparente de votre régime et de son mépris des citoyens.
Son Excellence Monsieur le Président de la République, vous qui avez pourtant eu la chance de passer quasiment toute votre vie d’adulte sur le dos du Cameroun devez sortir de votre léthargie et de votre attentisme pour sauver de l’amputation cette main, le Cameroun, qui vous a si généreusement nourri durant les 60 dernières années de votre vie, pour le bien des générations futures.
Veuillez réaliser que l’escalade de la militarisation vers toujours davantage de répression dans la Zone Anglophone est une futile fuite en avant qui nourrit la radicalisation galopante des indépendantistes Anglophones qui, jusqu’à tout récemment, n’était pourtant qu’une minorité marginale.
Monsieur le Président de la République, ça ne sert à rien de poursuivre cette stratégie de la répression qui a si clairement montré ses limites et son effet pervers en radicalisant plutôt la population visée. Seuls les fous ne changent pas d’idée. Vous n’êtes pas fou, donc pouvez changer d’idée, car mieux vaut tard que jamais. Une stratégie qui ne produit pas le résultat escompté se doit d’être changée.
Nous souhaitons vous réitérer, une fois de plus, la solution évidente suivante pour sauver notre unité nationale et sauver nos enfants de la Région Anglophone d’une nouvelle année scolaire blanche annoncée :
1. Libérer immédiatement toutes les personnes injustement incarcérées dans le cadre de cette crise, les indemniser et leur exprimer les excuses conséquentes de l’État pour la détention arbitraire dont elles ont été victimes;
2. Démilitariser la Zone Anglophone du Cameroun pour laisser la population vaquer normalement et sans contrainte à ses occupations quotidiennes;
3. Ordonner l’annulation de la fermeture forcée des boutiques arbitrairement scellées par les autorités de l’État dans la région Anglophone du pays;
4. Engager de bonne foi la négociation de sortie de crise avec les leaders légitimes Anglophones libérés des prisons;
5. Rétablir un système fédéral actualisé à autant d’États fédérés que nécessaires pour régler du même coup toutes les autres marginalisations à travers le Cameroun (Voir notre précédente proposition de solutions de la Crise Anglophone du mois de mars 2017, à cet effet). En effet, l’État centralisé et jacobin présentement en vigueur dans notre pays depuis plus de 45 ans a visiblement échoué, comme le témoigne l’état désastreux et trouble de la nation.
Quoi qu’il s’en dise, parce que vous avez eu tout le temps nécessaire et avez encore une fenêtre d’opportunité pour régler cette crise, vous et votre régime serez les seuls à porter l’odieux de l’éclatement de notre pays si jamais cette catastrophe annoncée finit par se réaliser.
Toutefois, si vous parvenez à régler honnêtement cette crise à la satisfaction de toutes les parties prenantes, nous serons parmi les plus enthousiastes à vous en féliciter et vous remercier du fond du cœur.
Pendant que nous sombrons dans la mal gouvernance, instrumentalisons le système judiciaire et nous querellons en famille, nos voisins à l’instar du Ghana, du Botswana, du Kenya et de la Zambie avancent vers la modernité sans nous.
Que vive le Cameroun uni, juste, inclusif, apaisé et maître de son destin.Très hautes considérations,
Michael Fogaing, Porte-parole de Diaspora pour la Modernité-Diaspora for Modernity
N.B.: Diaspora pour la Modernité est une organisation de la société civile de la Diaspora camerounaise, pour qui l’indépendance des institutions démocratiques les unes des autres est la pierre angulaire de son activisme politique au Cameroun. Elle est basée au Canada.