Paul Biya va aller à Bamenda. Va-t’il s’exprimer en anglais si non quelle moquerie
Alors qu’il vient de rendre hommage aux quatre soldats tués par de présumés éléments des milices indépendantistes, en coulisses le chef de l’Etat prépare un voyage dans la capitale du Nord-ouest.
Le président de la République a salué, vendredi 17 novembre 2017, la mémoire de quatre militaires camerounais tués au cours de récentes attaques armées des militants sécessionnistes présumés dans les régions anglophones du Cameroun. Dans un message lu à Bamenda, la capitale du Nord-Ouest lors d’une cérémonie d’hommage à ces autres victimes de la crise dite anglophone qui secoue le pays depuis octobre 2016, Paul Biya a présenté les victimes comme des «gendarmes et (un) militaire courageux, dynamiques et dévoués à leurs missions».
Surtout que pour le chef de l’Etat ils «demeureront un exemple (…) dans la lutte pour la préservation de la paix et de l’intégrité territoriale». Le président de la République a surtout fait part de sa tristesse profitant de l’occasion pour dénoncer le «meurtre barbare» de ces militaires. Parallèlement, comme retombées de la dernière mission du Premier ministre, Philemon Yang, dans les deux régions concernées par cette
crise, un voyage du président de la République se prépare. Pour le moment, des indiscrétions font état d’un déplacement qui devrait intervenir courant décembre 2017.
En tout cas les services de sécurité de la présidence de la République y travaillent depuis des semaines. Dans le coup, la garde présidentielle, la division de la sécurité présidentielle (DSP) dont des détachements effectuent des missions avancées, le bataillon d’intervention rapide (BIR) et bien sûr la gendarmerie. Pour des raisons évidentes, les forces de défense et de sécurité fortement renforcées dans les deux régions ces dernières semaines sont également mises à contribution.
Paul Biya entend apporter un message d’apaisement aux populations dont différents courants séparatistes, tendent à amplifier l’insécurité. A l’occasion, le chef de l’exécutif camerounais devrait aussi, au cours des audiences, écouter les forces vives dans la perspective d’un dialogue plus large. Il y a un an en effet, différentes voix s’étaient élevées pour appeler le président de la République à aller à la rencontre des compatriotes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en vain. S’il n’y était pas personnellement opposé, précise une source dans son entourage, certains lui avaient conseillé de ne pas s’y rendre. La raison, ils ne trouvaient pas d’interlocuteur.
Bien plus, ils disaient vouloir éviter une humiliation au chef de l’Etat. Arguant qu’il pourrait être hué et essuyer le vent de protestation ayant émaillé le séjour de Philemon Yang et sa suite en décembre 2016. Plus d’un an après, les lignes n’ont véritablement pas bougé.
LUTTE ARMÉE
Certes, le pouvoir a apporté des solutions à certaines préoccupations. Certes aussi des cadres de concertation ont été mis en place pour examiner des revendications formulées. Des leaders de la contestation ont même été libérés de prison. Mais l’école n’a pas totalement repris. Les villes mortes ont encore droit de cité, du moins certains jours. Le mouvement sécessionniste semble s’être intensifié au point de s’enrichir d’une autre phase: la lutte armée. Une dimension inadmissible pour les Camerounais et le pouvoir de Yaoundé. Le 1er octobre 2017, par exemple, c’est sur le pied de guerre que les militants indépendantistes ont hissé le drapeau d’un Etat virtuel dans différentes localités du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Les 06, 07 et 10 novembre 2017, trois gendarmes ont été abattus et un militaire égorgé dans le Nord-ouest et le Sud-ouest respectivement. Si l’on d’accord comme le souligne le président Biya lui-même qu’ils ont sacrifié leurs vies face aux attaques sécessionnistes, ces pertes inutiles comme d’autres auraient pu être évitées si les efforts avaient été conjugués pour un dialogue franc. C’est dans ce sens que le chef de l’opposition, Ni John Fru Ndi, président du Social Democratic Front (SDF), présent à la cérémonie, interpelle Paul Biya.
«Je condamne les tueries perpétrées par les deux camps et j’appelle le gouvernement de mettre un terme à ces massacres», a déclaré John Fru Ndi après la cérémonie. «M. Biya est totalement responsable de tout ce qui se passe. Il n’a rien fait depuis le déclenchement de la crise et c’est pour cela que les problèmes se sont aggravés », s’est-il voulu accusateur. D’ailleurs les parlementaires issus de cette formation politique ont refusé de prendre part à la séance d’ouverture de la session parlementaire en cours. Ils disent adresser un message au chef de l’Etat pour s’impliquer davantage dans la résolution de la crise dans le Nord-ouest et l’e Sud-ouest.
A Yaoundé, le discours en privé au sein du gouvernement est de plus en plus à un déplacement du président dans les régions concernées. «Le président doit descendre dans les régions anglophones pour s’enquérir lui-même de la situation réelle sur le terrain», se laisse aller un membre du gouvernement qui constatait l’échec des différentes missions Yang dans son Nord-Ouest natal. Une prise de risque qui laisse croire que notre ministre lit ainsi, la dynamique et les stratégies qui évoluent dans le camp du pouvoir. En tout cas jeudi 12 octobre «sur très hautes instructions du chef de l’Etat, chef des armées», le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense a présidé à Buea «une importante réunion d’évaluation de la situation sécuritaire des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, en proie à des actes terroristes et autres menaces sécuritaires depuis un certain temps».
Toujours est-il qu’à la suite de l’audience que le secrétaire général des Nations unies a eue avec Paul Biya au début du mois, cette institution a dit sa préoccupation particulièrement vendredi dernier, face à la recrudescence des violences dans l’Ouest anglophone du Cameroun. Dans son communiqué, le bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale (Unoca) réitère son «attachement à l’intégrité territoriale et à l’unité du Cameroun». Lui qui suit «avec une grande attention la situation dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun». L’ONU invite «les différentes parties à résoudre leurs différends par des moyens pacifiques”, encourage à la tenue “d’un dialogue inclusif» et «réitère la disponibilité des Nations unies à apporter tout appui que les parties camerounaises jugeraient approprié» pour résoudre la crise.
Des prises de position et appels qui font une fois de plus tourner les yeux vers Etoudi où comme d’habitude on excipe que «le président a son temps. Le président prend son temps».
Arthur L. Mbye
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