Collecte de la taxe foncière par l’électricité ENEO: Une embrouille du regime Biya

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La présidence de la République du Cameroun supprime la collecte de la taxe foncière par l’entreprise de distribution de l’électricité ENEO qui était contenue dans le projet de loi de finances pour l’exercice 2018.
Quel serait le fondement légal d’une telle décision ?

Ces dernières années, l’amélioration des modalités de recouvrement de la taxe foncière constitue un véritable serpent de mer au sein de l’Administration fiscale camerounaise. Nonobstant les efforts consentis, à travers les mesures de facilitation et d’incitation au paiement de la taxe foncière, les résultats escomptés n’ont pas été atteints. C’est la recherche de la panacée véritable qui a surement incité l’Administration fiscale à recourir aux services d’une entreprise de distribution de l’électricité, notamment ENEO, dans le recouvrement de la taxe foncière. Cette mesure a été prévue dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018, lequel propose la révision des articles 579 à 584 du Code Général des Impôts. Mais là encore, ce projet risquerait d’avorter, en raison d’une récente prescription du Chef de l’Etat, enjoignant aux parlementaires, la suppression de cette mesure dans le Projet de loi de finances. Quels pourraient être les fondements de cette prescription de la Présidence de la République ? Deux hypothèses sont envisageables : l’originalité de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale (1) et les manquements dans les modalités de collecte de la taxe foncière par l’entreprise de distribution de l’électricité (2).

1. L’originalité de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale sur la question du recouvrement de la taxe foncière

Dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018, l’Administration fiscale confie le recouvrement de taxe foncière à une personne morale de droit privé, en l’occurrence ENEO. Une question s’y dégage, quelle est la nature de ce partenariat entre ces deux entités ? Il faudrait revenir sur le criterium des contrats de partenariat (1.1), lequel nous permettra de dégager le caractère sui generis de cette collaboration (1.2).

1.1. Bref retour sur le criterium des contrats de partenariat

Théoriquement, tel qu’il ressort de la loi n° 2006/012 du 29 décembre 2006 fixant le régime général des contrats de partenariat et ses aménagements ultérieurs, un contrat de partenariat s’entend d’une convention par laquelle l’Etat ou l’un de ses démembrements confie à un tiers (personne publique ou privée), pour une période déterminée, en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, la responsabilité de tout ou partie des phases suivantes d’un projet d’investissement : la conception des ouvrages ou équipements nécessaires au service public ; le financement ; la transformation des ouvrages ou des équipements; l’entretien ou la maintenance ; l’exploitation ou la gestion. Le cas échéant, d’autres prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée, peuvent également être confiées à un tiers dans le cadre d’un contrat de partenariat. Ainsi, le contrat de partenariat a pour objet de confier une mission de service public ou tout ou partie du projet d’investissement y relatif à un tiers.

En général, le recours à un contrat de partenariat se justifie par la complexité ou l’urgence du projet. Lorsqu’il est démontré que la personne publique n’est pas en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins, ou doit rattraper un retard dans la réalisation d’équipements collectifs, accélérer la croissance, dans un secteur ou une zone géographique déterminée.

Le cas ENEO-Administration fiscale correspond-t-il à ce critérium ? Ou s’agit-il d’un partenariat sui generis ?

1.2. Le caractère sui generis du partenariat entre ENEO et l’Administration fiscale

ENEO, concessionnaire de l’activité du service public de distribution de l’électricité, a accepté la mission du recouvrement de la taxe foncière, mission régalienne qui est classiquement assignée aux agents des impôts. Il s’agit d’une relation bilatérale entre une personne morale de droit public et une personne morale de droit privé. Dans l’apparence, on est en présence d’un partenariat public privé (PPP) original dans sa substance. Cette originalité se traduit également dans la dimension formelle de ce partenariat.

Formellement, l’Administration fiscale a voulu bétonner son partenariat avec ENEO dans le Projet de loi de finances 2018, non seulement pour lui donner une Onction législative, mais surtout le faire entrer dans l’ordonnancement juridique, au cas où il serait adopté. Un partenariat entre deux personnes morales, l’une de droit public et l’autre de droit privé, qui s’incorpore dans le Code Général des impôts. Haro !On quitterait de la théorie du contrat-loi des parties pour la théorie du « contrat-loi de l’Etat ». Quelle originalité !

Dans la substance de ce partenariat, l’obligation de recouvrement de la taxe foncière par ENEO, dont la Présidence de la République prescrit la suppression dans le Projet de loi de finances, ne serait que la phase de maturation d’une collaboration dont les premiers jalons avaient été posés auparavant. Pour preuve, une note d’information de la Direction Générale des Impôts (DGI) précisait que : « Le rapprochement entre la DGI et la société ENEO a permis d’élargir le fichier TPF et de rendre plus efficace la campagne 2016 de distribution des DPR. … La collaboration désormais instituée avec la société ENEO a permis d’obtenir de cette entreprise un fichier de 1025 000 abonnés qui permettra après exploitation de faire passer le nombre de contribuables de 138 510 en 2015 à 1 163 510 en 2016…. ». A la suite de cette note, le Projet de loi de finances révèle que l’Administration fiscale a constitué son partenaire ENEO, agent de recouvrement de la taxe foncière. Subtilement, ce Projet de loi ne désigne pas expressément ENEO, mais indique plutôt les entreprises de distribution de l’électricité. Ce qui suppose que cette obligation de recouvrement s’imposerait à tout nouveau concessionnaire du service de distribution de l’électricité au Cameroun. A fortiori, si tant est que le recouvrement de la taxe foncière par ENEO aurait été rétribué en contrepartie, l’objet social de ENEO devrait être modifié en ce sens qu’elle exercerait, en dehors de son principal objet social, une autre activité, celle du recouvrement de la taxe foncière au nom et pour le compte de l’Etat. Une activité financière qui pourrait faire l’objet de spéculation.

Cet autre pan, et pas des moindres, de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale brille de par son originalité et sa complexité, ce qui ne rassure pas quant à consécration législative. Davantage, la distanciation contre cette mesure se fonderait sur les manquements que révèleraient les modalités de collecte de la taxe foncière par ENEO en pratique.

2. Les manquements dans les modalités de collecte de la taxe foncière par ENEO

La collecte de la taxe foncière par ENEO connaitrait plusieurs manquements dans sa mise œuvre, notamment la confusion au niveau des redevables réels (2.1), la réduction des délais de paiement et du pourcentage du produit de la taxe foncière destiné aux collectivités territoriales décentralisées (2.2).

2.1.La confusion au niveau des redevables réels

Afin de facilité la collecte de la taxe foncière, ENEO est tenue de mettre à la disposition de l’Administration fiscale l’ensemble du fichier de ses abonnés et toutes les informations nécessaires à l’établissement de leur taxe foncière. Contrairement au principe en matière de recouvrement de la taxe foncière, cette mesure créerait une confusion entre les abonnés.

Relativement à la confusion sus évoquée, le Projet de loi de finances ne discrimine pas les locataires (non redevables de la taxe foncière), les abonnés bailleurs (redevables de la taxe foncière) et d’autres personnes exonérées par le Code général des impôts, en l’occurrence : les établissements et personnes morales qui n’exercent pas une activité industrielle et commerciale, et les propriétaires d’immeubles qui ne sont situés ni dans les agglomérations bénéficiant d’infrastructures et services urbains, ni dans les chefs-lieux d’unité administrative. Le Projet de loi de finances a donc opté pour un fichier « fourre tour », contenant les personnes assujetties et non assujetties à la taxe foncière.

En principe, dans le Projet de loi de finances, il y devrait être clairement défini, que c’est uniquement les bailleurs ou propriétaires qui règlent la taxe foncière, au lieu d’assujettir automatiquement les locataires au paiement de la taxe foncière. A titre d’illustration, à ce jour, plusieurs locataires ont reçu, avec leur facture d’électricité, les déclarations préremplies mentionnant le montant de la taxe foncière à régler. En amont, pour éviter cette taxation d’office, le Projet de loi de finances exige que le locataire prouve que son bail est dûment enregistré. Au cas échéant, il bénéficie d’un dégrèvement d’office de la taxe foncière indûment établie en son nom et incluse dans la facture de consommation d’électricité. S’il avait déjà acquitté la taxe foncière de son bailleur, ledit montant est déduit de ses factures à venir. Toutefois, ces modalités de déduction sont vagues et source de contentieux, tel qu’on peut le lire à l’article 582 (3) visé dans le Projet de loi de finances 2018, qui dispose que : « Des régularisations sont effectuées en tant que de besoin entre les entreprises de distribution de l’électricité et l’administration fiscale. ». Cette formulation ne sécuriserait pas les locataires qui ont indument payé les taxes foncières de leurs bailleurs. A défaut de paiement de la taxe foncière, on assistera à des coupures d’électricité, lesquelles déboucheraient à des contentieux, crises sociales, doublés d’un manque à gagner pour l’entreprise de distribution de l’électricité.

La confusion sus évoquée n’est cependant pas la seule épine, les collectivités territoriales décentralisées et les délais de paiement n’ont pas été « révérés ».

2.2.La réduction des délais de paiement de la taxe foncière et du pourcentage affecté aux collectivités territoriales décentralisées

Le Projet de loi de finances a souhaité abroger les délais de paiement de la taxe foncière et modifier le pourcentage affecté aux collectivités territoriales décentralisées.

Depuis la loi de finances de 2006, la taxe foncière est exigible le 1er janvier de l’année d’imposition. Elle est acquittée spontanément au plus tard le 15 mars. Les contribuables avaient donc trois mois et 15 jours pour s’acquitter de leur taxe foncière. Exceptionnellement, avec l’amnistie fiscale de l’année 2016, le Fisc a levé le délai de paiement ci-dessus. En cas d’acquittement de la taxe foncière pendant cette année 2016, les dettes fiscales antérieures à cet exercice n’étaient plus dues et par conséquent éteintes. Cette amnistie fiscale a expiré le 31 décembre 2016. Ensuite, dans le dessein de faire table rase avec le passé, le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018 a voulu un paiement mensuel de la taxe foncière au même titre que la facture d’électricité, notamment le 1/12 ème du montant annuel de la taxe foncière. Sur quinzaine, le produit qui en découle est reversé au Trésor Public.

Après encaissement, le Trésor public, à son tour, affecte 50% du produit de la taxe foncière à la commune dans le ressort duquel est situé l’immeuble, et conserve 50% pour l’Etat. Cette mesure modifierait la répartition du produit de la taxe foncière, d’antan affecté en totalité aux collectivités territoriales décentralisées, étant entendu qu’il s’agit d’un impôt local. Ce saucissonnage du produit de la taxe foncière aurait réduit les prévisions financières des collectivités territoriales décentralisées. Par conséquent, il aurait nourri l’idée selon laquelle, le produit de la taxe foncière n’est plus destiné au développement local, mais répond à d’autres conjonctures.

Fort de ce qui précède, la collecte de la taxe foncière par ENEO n’a pas des beaux jours devant elles. A fortiori, le 20 novembre 2017, la Présidence de la République a prescrit la suppression du recouvrement de la taxe foncière par les entreprises de distribution de l’électricité dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018. Sur cette question, l’Administration fiscale n’est donc pas sortie de l’auberge.Dr. TCHOTCHOU PETCHE K. Camille, Ph D en droit, Consultant et enseignant
Du Cabinet d’Avocats DJEMENI Yannick & Partners .

Lire aussi:   Libération de Patrice Nganang: Le coup de pied de Paul Biya à ses proches collaborateurs

Ces dernières années, l’amélioration des modalités de recouvrement de la taxe foncière constitue un véritable serpent de mer au sein de l’Administration fiscale camerounaise. Nonobstant les efforts consentis, à travers les mesures de facilitation et d’incitation au paiement de la taxe foncière, les résultats escomptés n’ont pas été atteints. C’est la recherche de la panacée véritable qui a surement incité l’Administration fiscale à recourir aux services d’une entreprise de distribution de l’électricité, notamment ENEO, dans le recouvrement de la taxe foncière. Cette mesure a été prévue dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018, lequel propose la révision des articles 579 à 584 du Code Général des Impôts. Mais là encore, ce projet risquerait d’avorter, en raison d’une récente prescription du Chef de l’Etat, enjoignant aux parlementaires, la suppression de cette mesure dans le Projet de loi de finances. Quels pourraient être les fondements de cette prescription de la Présidence de la République ? Deux hypothèses sont envisageables : l’originalité de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale (1) et les manquements dans les modalités de collecte de la taxe foncière par l’entreprise de distribution de l’électricité (2).

1. L’originalité de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale sur la question du recouvrement de la taxe foncière

Dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018, l’Administration fiscale confie le recouvrement de taxe foncière à une personne morale de droit privé, en l’occurrence ENEO. Une question s’y dégage, quelle est la nature de ce partenariat entre ces deux entités ? Il faudrait revenir sur le criterium des contrats de partenariat (1.1), lequel nous permettra de dégager le caractère sui generis de cette collaboration (1.2).

1.1. Bref retour sur le criterium des contrats de partenariat

Théoriquement, tel qu’il ressort de la loi n° 2006/012 du 29 décembre 2006 fixant le régime général des contrats de partenariat et ses aménagements ultérieurs, un contrat de partenariat s’entend d’une convention par laquelle l’Etat ou l’un de ses démembrements confie à un tiers (personne publique ou privée), pour une période déterminée, en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, la responsabilité de tout ou partie des phases suivantes d’un projet d’investissement : la conception des ouvrages ou équipements nécessaires au service public ; le financement ; la transformation des ouvrages ou des équipements; l’entretien ou la maintenance ; l’exploitation ou la gestion. Le cas échéant, d’autres prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée, peuvent également être confiées à un tiers dans le cadre d’un contrat de partenariat. Ainsi, le contrat de partenariat a pour objet de confier une mission de service public ou tout ou partie du projet d’investissement y relatif à un tiers.

En général, le recours à un contrat de partenariat se justifie par la complexité ou l’urgence du projet. Lorsqu’il est démontré que la personne publique n’est pas en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins, ou doit rattraper un retard dans la réalisation d’équipements collectifs, accélérer la croissance, dans un secteur ou une zone géographique déterminée.

Le cas ENEO-Administration fiscale correspond-t-il à ce critérium ? Ou s’agit-il d’un partenariat sui generis ?

1.2. Le caractère sui generis du partenariat entre ENEO et l’Administration fiscale

ENEO, concessionnaire de l’activité du service public de distribution de l’électricité, a accepté la mission du recouvrement de la taxe foncière, mission régalienne qui est classiquement assignée aux agents des impôts. Il s’agit d’une relation bilatérale entre une personne morale de droit public et une personne morale de droit privé. Dans l’apparence, on est en présence d’un partenariat public privé (PPP) original dans sa substance. Cette originalité se traduit également dans la dimension formelle de ce partenariat.

Formellement, l’Administration fiscale a voulu bétonner son partenariat avec ENEO dans le Projet de loi de finances 2018, non seulement pour lui donner une Onction législative, mais surtout le faire entrer dans l’ordonnancement juridique, au cas où il serait adopté. Un partenariat entre deux personnes morales, l’une de droit public et l’autre de droit privé, qui s’incorpore dans le Code Général des impôts. Haro !On quitterait de la théorie du contrat-loi des parties pour la théorie du « contrat-loi de l’Etat ». Quelle originalité !

Dans la substance de ce partenariat, l’obligation de recouvrement de la taxe foncière par ENEO, dont la Présidence de la République prescrit la suppression dans le Projet de loi de finances, ne serait que la phase de maturation d’une collaboration dont les premiers jalons avaient été posés auparavant. Pour preuve, une note d’information de la Direction Générale des Impôts (DGI) précisait que : « Le rapprochement entre la DGI et la société ENEO a permis d’élargir le fichier TPF et de rendre plus efficace la campagne 2016 de distribution des DPR. … La collaboration désormais instituée avec la société ENEO a permis d’obtenir de cette entreprise un fichier de 1025 000 abonnés qui permettra après exploitation de faire passer le nombre de contribuables de 138 510 en 2015 à 1 163 510 en 2016…. ». A la suite de cette note, le Projet de loi de finances révèle que l’Administration fiscale a constitué son partenaire ENEO, agent de recouvrement de la taxe foncière. Subtilement, ce Projet de loi ne désigne pas expressément ENEO, mais indique plutôt les entreprises de distribution de l’électricité. Ce qui suppose que cette obligation de recouvrement s’imposerait à tout nouveau concessionnaire du service de distribution de l’électricité au Cameroun. A fortiori, si tant est que le recouvrement de la taxe foncière par ENEO aurait été rétribué en contrepartie, l’objet social de ENEO devrait être modifié en ce sens qu’elle exercerait, en dehors de son principal objet social, une autre activité, celle du recouvrement de la taxe foncière au nom et pour le compte de l’Etat. Une activité financière qui pourrait faire l’objet de spéculation.

Cet autre pan, et pas des moindres, de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale brille de par son originalité et sa complexité, ce qui ne rassure pas quant à consécration législative. Davantage, la distanciation contre cette mesure se fonderait sur les manquements que révèleraient les modalités de collecte de la taxe foncière par ENEO en pratique.

2. Les manquements dans les modalités de collecte de la taxe foncière par ENEO

La collecte de la taxe foncière par ENEO connaitrait plusieurs manquements dans sa mise œuvre, notamment la confusion au niveau des redevables réels (2.1), la réduction des délais de paiement et du pourcentage du produit de la taxe foncière destiné aux collectivités territoriales décentralisées (2.2).

2.1.La confusion au niveau des redevables réels

Afin de facilité la collecte de la taxe foncière, ENEO est tenue de mettre à la disposition de l’Administration fiscale l’ensemble du fichier de ses abonnés et toutes les informations nécessaires à l’établissement de leur taxe foncière. Contrairement au principe en matière de recouvrement de la taxe foncière, cette mesure créerait une confusion entre les abonnés.

Relativement à la confusion sus évoquée, le Projet de loi de finances ne discrimine pas les locataires (non redevables de la taxe foncière), les abonnés bailleurs (redevables de la taxe foncière) et d’autres personnes exonérées par le Code général des impôts, en l’occurrence : les établissements et personnes morales qui n’exercent pas une activité industrielle et commerciale, et les propriétaires d’immeubles qui ne sont situés ni dans les agglomérations bénéficiant d’infrastructures et services urbains, ni dans les chefs-lieux d’unité administrative. Le Projet de loi de finances a donc opté pour un fichier « fourre tour », contenant les personnes assujetties et non assujetties à la taxe foncière.

En principe, dans le Projet de loi de finances, il y devrait être clairement défini, que c’est uniquement les bailleurs ou propriétaires qui règlent la taxe foncière, au lieu d’assujettir automatiquement les locataires au paiement de la taxe foncière. A titre d’illustration, à ce jour, plusieurs locataires ont reçu, avec leur facture d’électricité, les déclarations préremplies mentionnant le montant de la taxe foncière à régler. En amont, pour éviter cette taxation d’office, le Projet de loi de finances exige que le locataire prouve que son bail est dûment enregistré. Au cas échéant, il bénéficie d’un dégrèvement d’office de la taxe foncière indûment établie en son nom et incluse dans la facture de consommation d’électricité. S’il avait déjà acquitté la taxe foncière de son bailleur, ledit montant est déduit de ses factures à venir. Toutefois, ces modalités de déduction sont vagues et source de contentieux, tel qu’on peut le lire à l’article 582 (3) visé dans le Projet de loi de finances 2018, qui dispose que : « Des régularisations sont effectuées en tant que de besoin entre les entreprises de distribution de l’électricité et l’administration fiscale. ». Cette formulation ne sécuriserait pas les locataires qui ont indument payé les taxes foncières de leurs bailleurs. A défaut de paiement de la taxe foncière, on assistera à des coupures d’électricité, lesquelles déboucheraient à des contentieux, crises sociales, doublés d’un manque à gagner pour l’entreprise de distribution de l’électricité.

La confusion sus évoquée n’est cependant pas la seule épine, les collectivités territoriales décentralisées et les délais de paiement n’ont pas été « révérés ».

2.2.La réduction des délais de paiement de la taxe foncière et du pourcentage affecté aux collectivités territoriales décentralisées

Le Projet de loi de finances a souhaité abroger les délais de paiement de la taxe foncière et modifier le pourcentage affecté aux collectivités territoriales décentralisées.

Depuis la loi de finances de 2006, la taxe foncière est exigible le 1er janvier de l’année d’imposition. Elle est acquittée spontanément au plus tard le 15 mars. Les contribuables avaient donc trois mois et 15 jours pour s’acquitter de leur taxe foncière. Exceptionnellement, avec l’amnistie fiscale de l’année 2016, le Fisc a levé le délai de paiement ci-dessus. En cas d’acquittement de la taxe foncière pendant cette année 2016, les dettes fiscales antérieures à cet exercice n’étaient plus dues et par conséquent éteintes. Cette amnistie fiscale a expiré le 31 décembre 2016. Ensuite, dans le dessein de faire table rase avec le passé, le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018 a voulu un paiement mensuel de la taxe foncière au même titre que la facture d’électricité, notamment le 1/12 ème du montant annuel de la taxe foncière. Sur quinzaine, le produit qui en découle est reversé au Trésor Public.

Après encaissement, le Trésor public, à son tour, affecte 50% du produit de la taxe foncière à la commune dans le ressort duquel est situé l’immeuble, et conserve 50% pour l’Etat. Cette mesure modifierait la répartition du produit de la taxe foncière, d’antan affecté en totalité aux collectivités territoriales décentralisées, étant entendu qu’il s’agit d’un impôt local. Ce saucissonnage du produit de la taxe foncière aurait réduit les prévisions financières des collectivités territoriales décentralisées. Par conséquent, il aurait nourri l’idée selon laquelle, le produit de la taxe foncière n’est plus destiné au développement local, mais répond à d’autres conjonctures.

Fort de ce qui précède, la collecte de la taxe foncière par ENEO n’a pas des beaux jours devant elles. A fortiori, le 20 novembre 2017, la Présidence de la République a prescrit la suppression du recouvrement de la taxe foncière par les entreprises de distribution de l’électricité dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018. Sur cette question, l’Administration fiscale n’est donc pas sortie de l’auberge.La présidence de la République du Cameroun supprime la collecte de la taxe foncière par l’entreprise de distribution de l’électricité ENEO qui était contenue dans le projet de loi de finances pour l’exercice 2018.
Quel serait le fondement légal d’une telle décision ?
Dr. TCHOTCHOU PETCHE K. Camille, Ph D en droit, Consultant et enseignant
Du Cabinet d’Avocats DJEMENI Yannick & Partners .

Ces dernières années, l’amélioration des modalités de recouvrement de la taxe foncière constitue un véritable serpent de mer au sein de l’Administration fiscale camerounaise. Nonobstant les efforts consentis, à travers les mesures de facilitation et d’incitation au paiement de la taxe foncière, les résultats escomptés n’ont pas été atteints. C’est la recherche de la panacée véritable qui a surement incité l’Administration fiscale à recourir aux services d’une entreprise de distribution de l’électricité, notamment ENEO, dans le recouvrement de la taxe foncière. Cette mesure a été prévue dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018, lequel propose la révision des articles 579 à 584 du Code Général des Impôts. Mais là encore, ce projet risquerait d’avorter, en raison d’une récente prescription du Chef de l’Etat, enjoignant aux parlementaires, la suppression de cette mesure dans le Projet de loi de finances. Quels pourraient être les fondements de cette prescription de la Présidence de la République ? Deux hypothèses sont envisageables : l’originalité de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale (1) et les manquements dans les modalités de collecte de la taxe foncière par l’entreprise de distribution de l’électricité (2).

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1. L’originalité de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale sur la question du recouvrement de la taxe foncière

Dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018, l’Administration fiscale confie le recouvrement de taxe foncière à une personne morale de droit privé, en l’occurrence ENEO. Une question s’y dégage, quelle est la nature de ce partenariat entre ces deux entités ? Il faudrait revenir sur le criterium des contrats de partenariat (1.1), lequel nous permettra de dégager le caractère sui generis de cette collaboration (1.2).

1.1. Bref retour sur le criterium des contrats de partenariat

Théoriquement, tel qu’il ressort de la loi n° 2006/012 du 29 décembre 2006 fixant le régime général des contrats de partenariat et ses aménagements ultérieurs, un contrat de partenariat s’entend d’une convention par laquelle l’Etat ou l’un de ses démembrements confie à un tiers (personne publique ou privée), pour une période déterminée, en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, la responsabilité de tout ou partie des phases suivantes d’un projet d’investissement : la conception des ouvrages ou équipements nécessaires au service public ; le financement ; la transformation des ouvrages ou des équipements; l’entretien ou la maintenance ; l’exploitation ou la gestion. Le cas échéant, d’autres prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée, peuvent également être confiées à un tiers dans le cadre d’un contrat de partenariat. Ainsi, le contrat de partenariat a pour objet de confier une mission de service public ou tout ou partie du projet d’investissement y relatif à un tiers.

En général, le recours à un contrat de partenariat se justifie par la complexité ou l’urgence du projet. Lorsqu’il est démontré que la personne publique n’est pas en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins, ou doit rattraper un retard dans la réalisation d’équipements collectifs, accélérer la croissance, dans un secteur ou une zone géographique déterminée.

Le cas ENEO-Administration fiscale correspond-t-il à ce critérium ? Ou s’agit-il d’un partenariat sui generis ?

1.2. Le caractère sui generis du partenariat entre ENEO et l’Administration fiscale

ENEO, concessionnaire de l’activité du service public de distribution de l’électricité, a accepté la mission du recouvrement de la taxe foncière, mission régalienne qui est classiquement assignée aux agents des impôts. Il s’agit d’une relation bilatérale entre une personne morale de droit public et une personne morale de droit privé. Dans l’apparence, on est en présence d’un partenariat public privé (PPP) original dans sa substance. Cette originalité se traduit également dans la dimension formelle de ce partenariat.

Formellement, l’Administration fiscale a voulu bétonner son partenariat avec ENEO dans le Projet de loi de finances 2018, non seulement pour lui donner une Onction législative, mais surtout le faire entrer dans l’ordonnancement juridique, au cas où il serait adopté. Un partenariat entre deux personnes morales, l’une de droit public et l’autre de droit privé, qui s’incorpore dans le Code Général des impôts. Haro !On quitterait de la théorie du contrat-loi des parties pour la théorie du « contrat-loi de l’Etat ». Quelle originalité !

Dans la substance de ce partenariat, l’obligation de recouvrement de la taxe foncière par ENEO, dont la Présidence de la République prescrit la suppression dans le Projet de loi de finances, ne serait que la phase de maturation d’une collaboration dont les premiers jalons avaient été posés auparavant. Pour preuve, une note d’information de la Direction Générale des Impôts (DGI) précisait que : « Le rapprochement entre la DGI et la société ENEO a permis d’élargir le fichier TPF et de rendre plus efficace la campagne 2016 de distribution des DPR. … La collaboration désormais instituée avec la société ENEO a permis d’obtenir de cette entreprise un fichier de 1025 000 abonnés qui permettra après exploitation de faire passer le nombre de contribuables de 138 510 en 2015 à 1 163 510 en 2016…. ». A la suite de cette note, le Projet de loi de finances révèle que l’Administration fiscale a constitué son partenaire ENEO, agent de recouvrement de la taxe foncière. Subtilement, ce Projet de loi ne désigne pas expressément ENEO, mais indique plutôt les entreprises de distribution de l’électricité. Ce qui suppose que cette obligation de recouvrement s’imposerait à tout nouveau concessionnaire du service de distribution de l’électricité au Cameroun. A fortiori, si tant est que le recouvrement de la taxe foncière par ENEO aurait été rétribué en contrepartie, l’objet social de ENEO devrait être modifié en ce sens qu’elle exercerait, en dehors de son principal objet social, une autre activité, celle du recouvrement de la taxe foncière au nom et pour le compte de l’Etat. Une activité financière qui pourrait faire l’objet de spéculation.

Cet autre pan, et pas des moindres, de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale brille de par son originalité et sa complexité, ce qui ne rassure pas quant à consécration législative. Davantage, la distanciation contre cette mesure se fonderait sur les manquements que révèleraient les modalités de collecte de la taxe foncière par ENEO en pratique.

2. Les manquements dans les modalités de collecte de la taxe foncière par ENEO

La collecte de la taxe foncière par ENEO connaitrait plusieurs manquements dans sa mise œuvre, notamment la confusion au niveau des redevables réels (2.1), la réduction des délais de paiement et du pourcentage du produit de la taxe foncière destiné aux collectivités territoriales décentralisées (2.2).

2.1.La confusion au niveau des redevables réels

Afin de facilité la collecte de la taxe foncière, ENEO est tenue de mettre à la disposition de l’Administration fiscale l’ensemble du fichier de ses abonnés et toutes les informations nécessaires à l’établissement de leur taxe foncière. Contrairement au principe en matière de recouvrement de la taxe foncière, cette mesure créerait une confusion entre les abonnés.

Relativement à la confusion sus évoquée, le Projet de loi de finances ne discrimine pas les locataires (non redevables de la taxe foncière), les abonnés bailleurs (redevables de la taxe foncière) et d’autres personnes exonérées par le Code général des impôts, en l’occurrence : les établissements et personnes morales qui n’exercent pas une activité industrielle et commerciale, et les propriétaires d’immeubles qui ne sont situés ni dans les agglomérations bénéficiant d’infrastructures et services urbains, ni dans les chefs-lieux d’unité administrative. Le Projet de loi de finances a donc opté pour un fichier « fourre tour », contenant les personnes assujetties et non assujetties à la taxe foncière.

En principe, dans le Projet de loi de finances, il y devrait être clairement défini, que c’est uniquement les bailleurs ou propriétaires qui règlent la taxe foncière, au lieu d’assujettir automatiquement les locataires au paiement de la taxe foncière. A titre d’illustration, à ce jour, plusieurs locataires ont reçu, avec leur facture d’électricité, les déclarations préremplies mentionnant le montant de la taxe foncière à régler. En amont, pour éviter cette taxation d’office, le Projet de loi de finances exige que le locataire prouve que son bail est dûment enregistré. Au cas échéant, il bénéficie d’un dégrèvement d’office de la taxe foncière indûment établie en son nom et incluse dans la facture de consommation d’électricité. S’il avait déjà acquitté la taxe foncière de son bailleur, ledit montant est déduit de ses factures à venir. Toutefois, ces modalités de déduction sont vagues et source de contentieux, tel qu’on peut le lire à l’article 582 (3) visé dans le Projet de loi de finances 2018, qui dispose que : « Des régularisations sont effectuées en tant que de besoin entre les entreprises de distribution de l’électricité et l’administration fiscale. ». Cette formulation ne sécuriserait pas les locataires qui ont indument payé les taxes foncières de leurs bailleurs. A défaut de paiement de la taxe foncière, on assistera à des coupures d’électricité, lesquelles déboucheraient à des contentieux, crises sociales, doublés d’un manque à gagner pour l’entreprise de distribution de l’électricité.

La confusion sus évoquée n’est cependant pas la seule épine, les collectivités territoriales décentralisées et les délais de paiement n’ont pas été « révérés ».

2.2.La réduction des délais de paiement de la taxe foncière et du pourcentage affecté aux collectivités territoriales décentralisées

Le Projet de loi de finances a souhaité abroger les délais de paiement de la taxe foncière et modifier le pourcentage affecté aux collectivités territoriales décentralisées.

Depuis la loi de finances de 2006, la taxe foncière est exigible le 1er janvier de l’année d’imposition. Elle est acquittée spontanément au plus tard le 15 mars. Les contribuables avaient donc trois mois et 15 jours pour s’acquitter de leur taxe foncière. Exceptionnellement, avec l’amnistie fiscale de l’année 2016, le Fisc a levé le délai de paiement ci-dessus. En cas d’acquittement de la taxe foncière pendant cette année 2016, les dettes fiscales antérieures à cet exercice n’étaient plus dues et par conséquent éteintes. Cette amnistie fiscale a expiré le 31 décembre 2016. Ensuite, dans le dessein de faire table rase avec le passé, le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018 a voulu un paiement mensuel de la taxe foncière au même titre que la facture d’électricité, notamment le 1/12 ème du montant annuel de la taxe foncière. Sur quinzaine, le produit qui en découle est reversé au Trésor Public.

Après encaissement, le Trésor public, à son tour, affecte 50% du produit de la taxe foncière à la commune dans le ressort duquel est situé l’immeuble, et conserve 50% pour l’Etat. Cette mesure modifierait la répartition du produit de la taxe foncière, d’antan affecté en totalité aux collectivités territoriales décentralisées, étant entendu qu’il s’agit d’un impôt local. Ce saucissonnage du produit de la taxe foncière aurait réduit les prévisions financières des collectivités territoriales décentralisées. Par conséquent, il aurait nourri l’idée selon laquelle, le produit de la taxe foncière n’est plus destiné au développement local, mais répond à d’autres conjonctures.

Fort de ce qui précède, la collecte de la taxe foncière par ENEO n’a pas des beaux jours devant elles. A fortiori, le 20 novembre 2017, la Présidence de la République a prescrit la suppression du recouvrement de la taxe foncière par les entreprises de distribution de l’électricité dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018. Sur cette question, l’Administration fiscale n’est donc pas sortie de l’auberge.Dr. TCHOTCHOU PETCHE K. Camille, Ph D en droit, Consultant et enseignant
Du Cabinet d’Avocats DJEMENI Yannick & Partners .

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Ces dernières années, l’amélioration des modalités de recouvrement de la taxe foncière constitue un véritable serpent de mer au sein de l’Administration fiscale camerounaise. Nonobstant les efforts consentis, à travers les mesures de facilitation et d’incitation au paiement de la taxe foncière, les résultats escomptés n’ont pas été atteints. C’est la recherche de la panacée véritable qui a surement incité l’Administration fiscale à recourir aux services d’une entreprise de distribution de l’électricité, notamment ENEO, dans le recouvrement de la taxe foncière. Cette mesure a été prévue dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018, lequel propose la révision des articles 579 à 584 du Code Général des Impôts. Mais là encore, ce projet risquerait d’avorter, en raison d’une récente prescription du Chef de l’Etat, enjoignant aux parlementaires, la suppression de cette mesure dans le Projet de loi de finances. Quels pourraient être les fondements de cette prescription de la Présidence de la République ? Deux hypothèses sont envisageables : l’originalité de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale (1) et les manquements dans les modalités de collecte de la taxe foncière par l’entreprise de distribution de l’électricité (2).

1. L’originalité de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale sur la question du recouvrement de la taxe foncière

Dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018, l’Administration fiscale confie le recouvrement de taxe foncière à une personne morale de droit privé, en l’occurrence ENEO. Une question s’y dégage, quelle est la nature de ce partenariat entre ces deux entités ? Il faudrait revenir sur le criterium des contrats de partenariat (1.1), lequel nous permettra de dégager le caractère sui generis de cette collaboration (1.2).

1.1. Bref retour sur le criterium des contrats de partenariat

Théoriquement, tel qu’il ressort de la loi n° 2006/012 du 29 décembre 2006 fixant le régime général des contrats de partenariat et ses aménagements ultérieurs, un contrat de partenariat s’entend d’une convention par laquelle l’Etat ou l’un de ses démembrements confie à un tiers (personne publique ou privée), pour une période déterminée, en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, la responsabilité de tout ou partie des phases suivantes d’un projet d’investissement : la conception des ouvrages ou équipements nécessaires au service public ; le financement ; la transformation des ouvrages ou des équipements; l’entretien ou la maintenance ; l’exploitation ou la gestion. Le cas échéant, d’autres prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée, peuvent également être confiées à un tiers dans le cadre d’un contrat de partenariat. Ainsi, le contrat de partenariat a pour objet de confier une mission de service public ou tout ou partie du projet d’investissement y relatif à un tiers.

En général, le recours à un contrat de partenariat se justifie par la complexité ou l’urgence du projet. Lorsqu’il est démontré que la personne publique n’est pas en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins, ou doit rattraper un retard dans la réalisation d’équipements collectifs, accélérer la croissance, dans un secteur ou une zone géographique déterminée.

Le cas ENEO-Administration fiscale correspond-t-il à ce critérium ? Ou s’agit-il d’un partenariat sui generis ?

1.2. Le caractère sui generis du partenariat entre ENEO et l’Administration fiscale

ENEO, concessionnaire de l’activité du service public de distribution de l’électricité, a accepté la mission du recouvrement de la taxe foncière, mission régalienne qui est classiquement assignée aux agents des impôts. Il s’agit d’une relation bilatérale entre une personne morale de droit public et une personne morale de droit privé. Dans l’apparence, on est en présence d’un partenariat public privé (PPP) original dans sa substance. Cette originalité se traduit également dans la dimension formelle de ce partenariat.

Formellement, l’Administration fiscale a voulu bétonner son partenariat avec ENEO dans le Projet de loi de finances 2018, non seulement pour lui donner une Onction législative, mais surtout le faire entrer dans l’ordonnancement juridique, au cas où il serait adopté. Un partenariat entre deux personnes morales, l’une de droit public et l’autre de droit privé, qui s’incorpore dans le Code Général des impôts. Haro !On quitterait de la théorie du contrat-loi des parties pour la théorie du « contrat-loi de l’Etat ». Quelle originalité !

Dans la substance de ce partenariat, l’obligation de recouvrement de la taxe foncière par ENEO, dont la Présidence de la République prescrit la suppression dans le Projet de loi de finances, ne serait que la phase de maturation d’une collaboration dont les premiers jalons avaient été posés auparavant. Pour preuve, une note d’information de la Direction Générale des Impôts (DGI) précisait que : « Le rapprochement entre la DGI et la société ENEO a permis d’élargir le fichier TPF et de rendre plus efficace la campagne 2016 de distribution des DPR. … La collaboration désormais instituée avec la société ENEO a permis d’obtenir de cette entreprise un fichier de 1025 000 abonnés qui permettra après exploitation de faire passer le nombre de contribuables de 138 510 en 2015 à 1 163 510 en 2016…. ». A la suite de cette note, le Projet de loi de finances révèle que l’Administration fiscale a constitué son partenaire ENEO, agent de recouvrement de la taxe foncière. Subtilement, ce Projet de loi ne désigne pas expressément ENEO, mais indique plutôt les entreprises de distribution de l’électricité. Ce qui suppose que cette obligation de recouvrement s’imposerait à tout nouveau concessionnaire du service de distribution de l’électricité au Cameroun. A fortiori, si tant est que le recouvrement de la taxe foncière par ENEO aurait été rétribué en contrepartie, l’objet social de ENEO devrait être modifié en ce sens qu’elle exercerait, en dehors de son principal objet social, une autre activité, celle du recouvrement de la taxe foncière au nom et pour le compte de l’Etat. Une activité financière qui pourrait faire l’objet de spéculation.

Cet autre pan, et pas des moindres, de la collaboration entre ENEO et l’Administration fiscale brille de par son originalité et sa complexité, ce qui ne rassure pas quant à consécration législative. Davantage, la distanciation contre cette mesure se fonderait sur les manquements que révèleraient les modalités de collecte de la taxe foncière par ENEO en pratique.

2. Les manquements dans les modalités de collecte de la taxe foncière par ENEO

La collecte de la taxe foncière par ENEO connaitrait plusieurs manquements dans sa mise œuvre, notamment la confusion au niveau des redevables réels (2.1), la réduction des délais de paiement et du pourcentage du produit de la taxe foncière destiné aux collectivités territoriales décentralisées (2.2).

2.1.La confusion au niveau des redevables réels

Afin de facilité la collecte de la taxe foncière, ENEO est tenue de mettre à la disposition de l’Administration fiscale l’ensemble du fichier de ses abonnés et toutes les informations nécessaires à l’établissement de leur taxe foncière. Contrairement au principe en matière de recouvrement de la taxe foncière, cette mesure créerait une confusion entre les abonnés.

Relativement à la confusion sus évoquée, le Projet de loi de finances ne discrimine pas les locataires (non redevables de la taxe foncière), les abonnés bailleurs (redevables de la taxe foncière) et d’autres personnes exonérées par le Code général des impôts, en l’occurrence : les établissements et personnes morales qui n’exercent pas une activité industrielle et commerciale, et les propriétaires d’immeubles qui ne sont situés ni dans les agglomérations bénéficiant d’infrastructures et services urbains, ni dans les chefs-lieux d’unité administrative. Le Projet de loi de finances a donc opté pour un fichier « fourre tour », contenant les personnes assujetties et non assujetties à la taxe foncière.

En principe, dans le Projet de loi de finances, il y devrait être clairement défini, que c’est uniquement les bailleurs ou propriétaires qui règlent la taxe foncière, au lieu d’assujettir automatiquement les locataires au paiement de la taxe foncière. A titre d’illustration, à ce jour, plusieurs locataires ont reçu, avec leur facture d’électricité, les déclarations préremplies mentionnant le montant de la taxe foncière à régler. En amont, pour éviter cette taxation d’office, le Projet de loi de finances exige que le locataire prouve que son bail est dûment enregistré. Au cas échéant, il bénéficie d’un dégrèvement d’office de la taxe foncière indûment établie en son nom et incluse dans la facture de consommation d’électricité. S’il avait déjà acquitté la taxe foncière de son bailleur, ledit montant est déduit de ses factures à venir. Toutefois, ces modalités de déduction sont vagues et source de contentieux, tel qu’on peut le lire à l’article 582 (3) visé dans le Projet de loi de finances 2018, qui dispose que : « Des régularisations sont effectuées en tant que de besoin entre les entreprises de distribution de l’électricité et l’administration fiscale. ». Cette formulation ne sécuriserait pas les locataires qui ont indument payé les taxes foncières de leurs bailleurs. A défaut de paiement de la taxe foncière, on assistera à des coupures d’électricité, lesquelles déboucheraient à des contentieux, crises sociales, doublés d’un manque à gagner pour l’entreprise de distribution de l’électricité.

La confusion sus évoquée n’est cependant pas la seule épine, les collectivités territoriales décentralisées et les délais de paiement n’ont pas été « révérés ».

2.2.La réduction des délais de paiement de la taxe foncière et du pourcentage affecté aux collectivités territoriales décentralisées

Le Projet de loi de finances a souhaité abroger les délais de paiement de la taxe foncière et modifier le pourcentage affecté aux collectivités territoriales décentralisées.

Depuis la loi de finances de 2006, la taxe foncière est exigible le 1er janvier de l’année d’imposition. Elle est acquittée spontanément au plus tard le 15 mars. Les contribuables avaient donc trois mois et 15 jours pour s’acquitter de leur taxe foncière. Exceptionnellement, avec l’amnistie fiscale de l’année 2016, le Fisc a levé le délai de paiement ci-dessus. En cas d’acquittement de la taxe foncière pendant cette année 2016, les dettes fiscales antérieures à cet exercice n’étaient plus dues et par conséquent éteintes. Cette amnistie fiscale a expiré le 31 décembre 2016. Ensuite, dans le dessein de faire table rase avec le passé, le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018 a voulu un paiement mensuel de la taxe foncière au même titre que la facture d’électricité, notamment le 1/12 ème du montant annuel de la taxe foncière. Sur quinzaine, le produit qui en découle est reversé au Trésor Public.

Après encaissement, le Trésor public, à son tour, affecte 50% du produit de la taxe foncière à la commune dans le ressort duquel est situé l’immeuble, et conserve 50% pour l’Etat. Cette mesure modifierait la répartition du produit de la taxe foncière, d’antan affecté en totalité aux collectivités territoriales décentralisées, étant entendu qu’il s’agit d’un impôt local. Ce saucissonnage du produit de la taxe foncière aurait réduit les prévisions financières des collectivités territoriales décentralisées. Par conséquent, il aurait nourri l’idée selon laquelle, le produit de la taxe foncière n’est plus destiné au développement local, mais répond à d’autres conjonctures.

Fort de ce qui précède, la collecte de la taxe foncière par ENEO n’a pas des beaux jours devant elles. A fortiori, le 20 novembre 2017, la Présidence de la République a prescrit la suppression du recouvrement de la taxe foncière par les entreprises de distribution de l’électricité dans le Projet de loi de finances pour l’exercice 2018. Sur cette question, l’Administration fiscale n’est donc pas sortie de l’auberge.

 

Dr. TCHOTCHOU PETCHE K. Camille, Ph D en droit, Consultant et enseignant
Du Cabinet d’Avocats DJEMENI Yannick & Partners .

 

Titre de Iciceamac.com

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