Christopher Fomunyoh (chercheur): «George Weah doit sa victoire à la jeunesse»
La victoire de George Weah au Liberia est-elle incontestable ? A quoi tient-elle ? Depuis le premier tour du mois d’octobre dernier, le chercheur américano-camerounais Christopher Fomunyoh est sur place. Il est même, aux côtés de l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, l’un des chefs de la mission des observateurs du National Democratic Institute de Washington. En ligne de Monrovia, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
Christopher Fomunyoh, apparemment, c’est une large victoire de George Weah, est-ce qu’elle vous parait incontestable ?
Oui, effectivement, pour avoir observé tout le processus électoral y compris pendant le premier tour au mois d’octobre et toute cette semaine, je crois que cette victoire se mérite et les conditions d’organisation des élections ont été meilleures par rapport au mois d’octobre, donc ce serait difficile de contester une si large victoire.
Quelle est la principale raison de la victoire de George Weah ?
D’abord le fait que l’électorat de base de George Weah, c’est vraiment la jeunesse, et le Liberia est un pays qui est jeune et où la démographie joue en faveur de George Weah qui a beaucoup mobilisé les jeunes. Il a pu aussi négocier de très bonnes alliances avec les autres partis politiques et les autres candidats qui ont été recalés au premier tour. Et troisièmement, il avait une bonne organisation, il a pu battre campagne au moment où le vice-président Joseph Boakai, qui était en face, a passé beaucoup plus de temps au niveau de la Cour suprême. Donc effectivement, le résultat obtenu par George Weah est le reflet d’un investissement dans cette élection présidentielle.
Est-ce que c’est un échec aussi pour Ellen Johnson Sirleaf dont Joseph Boakai était le vice-président. Est-ce que c’est un échec pour les 12 années pendant lesquelles Ellen Johnson Sirleaf a gouverné ?
Je ne crois pas que ce soit un échec, parce que, même pendant la période de campagne, elle a gardé ses distances par rapport à tous les candidats qui étaient en compétition. Et on a ressenti aussi à l’intérieur de son parti politique certaines dissonances par rapport aux différents camps. Certains soutenaient le vice-président Joseph Boakai et d’autre moins. Ce qui fait qu’aujourd’hui, certains estiment que le vice-président n’a pas reçu tout le soutien de la présidente en exercice qui est restée assez neutre par rapport à la compétition électorale.
Oui mais tout de même, est-ce que les électeurs ne voulaient pas changer de majorité ?
Oui, effectivement, le slogan du changement, surtout au premier tour, a été adopté par presque tous les candidats, qui ont estimé qu’au sein de la population, il y avait un désir pour le changement. Il faut aussi remarquer que George Weah, c’est la troisième fois qu’il est candidat à la présidentielle, ce qui fait qu’il avait déjà une certaine sympathie auprès de l’opinion internationale, ce qui, cette fois-ci, a joué en sa faveur.
« C’est un message fort que la jeunesse africaine doit adopter »
Il a fait beaucoup campagne contre la corruption, est-ce que c’est un slogan qui a marché ?
Ca a dû marcher aussi, parce que, compte tenu du fait qu’il n’a jamais eu à gérer les fonds publics, il a les mains propres par rapport à la gestion des fonds publics, donc c’est un slogan qui cadrait aussi avec sa personne et sa personnalité. Donc je crois que, pour beaucoup de jeunes qui cherchent des opportunités, soit dans le secteur public soit dans le secteur privé, pour beaucoup d’investisseurs qui souhaiteraient investir dans un climat économique beaucoup plus propice, il faut mener une lutte efficace contre la corruption. Maintenant qu’il est en passe de devenir le prochain président du Liberia, les Libériens s’attendent donc à ce que ses promesses soient tenues.
Il a fait campagne au côté de l’épouse de Charles Taylor et au côté du chef de guerre sanguinaire Prince Johnson, est-ce ça veut dire que les criminels de la guerre civile des années 90 vont bénéficier grâce à lui d’une totale impunité ?
Ça reste à voir, il est vrai qu’on ne peut pas mettre madame Taylor dans le même panier que le Prince Johnson, parce que son affiliation, c’était par mariage. Aujourd’hui, elle n’est plus l’épouse de l’ancien chef d’Etat, et elle a été ces derniers temps sénatrice. Elle s’est fait connaître par son travail en faveur des couches démunies, notamment les femmes et les jeunes, donc il y a de quoi s’attendre à ce que madame Taylor puisse jouer un rôle constructif et positif. Comme il a été recalé au premier tour, Prince Johnson a soutenu le candidat Weah pour le deuxième tour. Est-ce qu’il aura une influence auprès du président élu George Weah ? Il va falloir attendre de voir comment le prochain gouvernement sera constitué.
Qu’est-ce qui va changer demain en Afrique de l’Ouest avec George Weah ?
Je pense que ces élections sont crédibles, d’après l’observation qui a été faite par notre délégation, ainsi que par les autres délégations internationales et nationales. Et si ces élections crédibles se confirment et si l’issue est acceptée par l’ensemble des Libériens, cela ira dans le sens de renforcer davantage la démocratie dans cette partie du continent africain. Cela apportera un espoir, surtout à la jeunesse africaine qui va s’identifier à travers George Weah. Elle verra qu’effectivement on peut sortir de rien et devenir chef de l’Etat de son pays grâce au travail et à la persévérance. C’est un message fort que la jeunesse ouest-africaine et la jeunesse africaine tout court doit adopter avec beaucoup de confiance par rapport à son avenir.
Entrevue réalisée par Christophe Boisbouvier
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