Je refuse les laptops du Président Paul Biya: Des ordinateurs ? Non, Merci !

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Je refuse de prendre un seul des 500 mille ordinateurs portables promis par le Chef de l’Etat. Je refuse l’hypocrisie réciproque entre l’Etat via sa gouvernance et les jeunes (étudiants). Je refuse de sourire comme un niais lors de la cérémonie de remise des ordinateurs juste pour faire beau devant les caméras et appareils photos. A quoi bon prendre un ordinateur que je ne connais pas manipuler, autant le laisser dans les usines. Le prendre pour satisfaire des idées politiques non déclarées ? Non, merci ! J’aurais voulu bien prendre ce « cadeau » que vous m’offrez comme un papa dépanne son fils pour le flatter, mais j’ai trop de ressentiment pour le faire.
Un projet qui arrange le gouvernement dans sa logique
« Un étudiant un ordinateur » tel est le nom de ce projet. Le Ministre de l’enseignement supérieur dit que c’est à travers le programme « e-national higher education » que nous en sommes là. L’accord cadre de ce projet est signé depuis le 18 Juin 2015 à Beijing par le Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’aménagement du Territoire du Cameroun et le ministre chinois du Commerce. Pour la politique gouvernementale, tout roule bien. L’économie numérique comme évoquée dans le discours du chef de l’Etat le 10 Février 2016 est en marche. Je vous concède tout cela. Un « cadeau android de la part de Paul Biya aux jeunes » comme le titrait un journal récemment. Un système android un peu rempli de virus ? Si je tiens en compte que l’on entre dans les universités avec une moyenne d’âge oscillant entre 18~19 ans. Que l’on vote au Cameroun à partir de 21 ans. Que les prochaines élections présidentielles sont en 2018…Que la majeure partie des bénéficiaires aura l’âge légal pour aller s’exprimer dans les urnes en ce moment. Ok, je spécule un peu mais, je vois un petit virus politique dans cette offrande du locataire d’Etoudi. Pour tout cela, je dis Non, Merci !
 Fame Ndongo, ministre de l’enseignement supérieur
Des ordinateurs à l’Université
Mon problème quand je suis à Ngoa-Ekellé est-il vraiment celui des outils informatiques ? Ai-je même d’abord l’argent de taxi pour aller à Soa faire les simples cours magistraux ? Mes pensées sont-elles tournées vers un ordinateur quand mon bailleur me brandit le nouveau code pénal et que les ronronnements de mon ventre me rappellent que je n’ai pas posé de marmite au feu depuis 03 jours ? Vous nous offrez des laptops, ça sonne bien, mais Messieurs les décideurs sachez que je veux aussi une imprimante, des rallonges, des rames de format, du matériel de reliure et un groupe électrogène pendant que nous y sommes. Les étudiants en filières informatiques, les étudiants en mathématiques et le personnel du centre de calcul vont se réjouir de l’offre. Vous ne le savez peut-être pas, mais le matériel électrique à l’université de Yaoundé I est vétuste. Les prises encastrées dans les Amphi 1003 ; 300 ; 501…ne fonctionnent plus correctement et peuvent causer des dégâts à tout moment. Les ordinateurs gracieusement offerts seront chargés seulement dans nos domiciles ?
Nombre de nos lycées et collèges d’où proviennent les futurs étudiants-bénéficiaires, n’ont jamais eu de salle d’informatique et ceux qui en ont eu ne sont pas vraiment familiariser avec l’outil informatique. Il faut donc par exemple payer des sessions de formation à l’usage de cet outil. L’effet pervers de cet outil est aussi à tenir en compte. Pour faciliter l’accès à la recherche, il faut démocratiser l’internet au sein des universités. L’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé ouvre son wifi aux étudiants à partir de 10 heures chaque jour. Ceci pendant 2 à 3 heures de temps afin que chacun s’y connecte. La même expérience a été (est ?) dévastatrice à la ‘mère des universités’. La bibliothèque centrale a ouvert son wifi en accès libre et gratuit à tous. Je vous assure que ce n’est pas seulement sur les sites scientifiques que les cop’s* allaient. Les téléchargements de films érotiques, l’usage des réseaux sociaux, les téléchargements illégaux ont pris droit de cité en peu de temps. Je passe sur le fait que certains vont aller vendre leur machine au quartier. Pour tout cela, je dis Non, Merci !
 Des étudiants lors d’un télé-évaluation à L’UYI
Des ordinateurs dans quelles salles ?
“ L’incidence financière” de l’ensemble du programme permettant l’accès aux dons du chef de l’Etat est de 75 milliards de Francs Cfa. Une enveloppe qui fera accroître la dette publique camerounaise, qui sera remboursé plus tard par qui ? Eh oui, ces mêmes jeunes qui reçoivent ‘gratuitement’ les ordinateurs aujourd’hui. A bien des égards, sans manquer de respect à certains conseillers du Nkukuma* je pense que l’on peut investir cette somme pour avoir de meilleures universités dans notre pays. J’ai fait des cours assis à même le sol des fois à cause du nombre pléthorique d’étudiants. Les bancs cassés, les micros baladeurs défectueux, les baffles de basse qualité, la faible luminosité des amphis, les toilettes (mieux je ne parle même pas de ça)…un ensemble de problèmes matériels non-exhaustifs auxquelles font face les universités publiques et privées. Cet argent aurait pu solder pas mal de soucis, mais non, il faut que les jeunes soient androïdes. Le plus grand amphi de UYI*, l’amphi 1500 est encore à l’étape des fondations depuis plus de 20 ans. On aura les ordinateurs quand même, ne fût-ce que pour s’asseoir à l’extérieur des salles de cours. Pour tout cela, je dis Non, Merci !
A la fin tous les hypocrites gagnent
Le travail est devenu une denrée rarissime de nos jours. Nombreux sont les étudiants, brillants diplômés des universités qui n’ont pas un travail décent, ou au pire des cas n’en ont même pas. Bac +1, 2, 3, 4, 5…toutes ces certifications et papiers perdent de la valeur sur le marché de l’emploi. Dans leurs chambres, contemplant leurs diplômes glanés au fil des années, beaucoup d’étudiants maudissent les gouvernants et le système éducatif qui n’offre pas la possibilité d’être compétitif sur le marché de l’emploi. Je ne parle pas des réseaux et autres. Les concours d’entrée dans l’administration et la fonction publique sont devenus des marchés de dupe. Le mot tchôko* est entré naturellement dans le vocabulaire de la population. Pourtant, quand le décret du chef de l’Etat a été lu au journal de 17h du poste national, les cops* ont jubilé. On va avoir des laptops yeeeessss !!!! Merci au grand-père !!!
500 mille laptops pour les étudiants camerounais. Les conditions de restitutions aux bénéficiaires seront bien plus drastiques que ce qui est prévu dans le décret du chef de l’Etat à savoir « chaque étudiant inscrit dans une institution universitaire publique ou privée du Cameroun ». Déjà que pour les 3 milliards de prime académique remise chaque année depuis bientôt six ans, des étudiants méritants ne perçoivent pas toujours leurs primes, pour des raisons diverses. Je doute fort que pour des laptops, tout soit clair. S’il y’ a moins de 500 mille étudiants dans notre pays, que fait-on des restes ? Les stratagèmes sont sans doute mis en place depuis le sommet pour que cette occasion donnée à la mangeoire ne passe pas.
Pour tout cela, je dis Non Merci aux ordinateurs du Gouvernement !
*Nkukuma = le chef
*tchôko = corruption
*cops = surnom donné aux étudiants.
*UYI = Université de Yaoundé I

 

Lire aussi:   Le Talk de Christian Penda Ekoka "LA POLITIQUE N'EST PAS UN THÉÂTRE 3ème partie
•  Christian-Williams Kakoua
 
• http://kakus.over-blog.com/2016/07/je-refuse-les-laptops-du-president-paul-biya.html

 

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