Message du Président du MCPSD à la jeunesse du Cameroun le 10 février 2018.
Mes chers compatriotes jeunes, c’est une grande joie pour moi de m’adresser à vous ce 10 février
2018, dans une volonté de dialogue face to face comme disent nos concitoyens d’expression
anglaise. Ma joie de m’adresser à vous une fois de plus, c’est à dire 13 ans après mon premier discours à la
jeunesse de mon pays, est nuancée d’un peu de mélancolie, car lorsqu’on revient à de longs
intervalles, on mesure soudain ce que l’insensible fuite des jours a ôté de nous pour le donner au
passé. J’ai des cheveux gris aujourd’hui, j’ai la même détermination, je nourris le même rêve que je
souhaite partager avec vous, l’espoir aussi de passer le flambeau. Oui le temps nous a dérobés,
parcelle après parcelle, notre vigueur d’il y a 13 ans et en prenant la parole aujourd’hui, c’est un gros
bloc de notre vie que nous voyons loin de nous. La longue fourmilière des minutes emportant
chacune un grain chemine silencieusement, et un beau soir le grenier est vide.
Mais qu’importe que le temps nous retire notre force peu à peu, s’il l’utilise obscurément pour des
œuvres vastes en qui survit quelque chose de nous ? Il y a treize ans, j’ai pris la parole pour la
première fois, c’était un jeudi, en 2005, j’avais choisi de vous parler des valeurs humaines et de la
force qui est en vous et qui doit vous amener à transcender toutes les épreuves de la vie mais surtout
à vous faire vivre et réaliser vos rêves. J’étais moi-même jeune. J’avais 33 ans.
Beaucoup d’entre-vous ont fini leurs études, se sont installés dans la vie, ont fondé des familles. A
ceux là je dis, poursuivez votre rêve. Ceux-là sont malheureusement moins nombreux au regard de
l’état de pauvreté de notre jeunesse, mais la pauvreté n’est rien face au désespoir, au manque de
débouchés, à l’horizon fermé. Je le découvre dans votre agir, dans nos échanges, dans les
correspondances que nous échangeons. Et qui se terminent toujours avec cette formule lapidaire :
On va faire comment ? C’est pour moi l’occasion de me tourner vers une autre génération peut-être
deux, voire trois générations, celle de vos grands parents encore aux affaires, celle de vos parents et
la mienne. Oui, nous sommes gouvernés par la génération de 90 ans, de 60 ans et les 40 ans n’ont
jamais travaillé, n’ont jamais fondé de famille et ont des enfants devenus eux-mêmes adultes sinon
parents aussi.
A ceux qui nous gouvernent, je voudrais dire que chaque fois que vous m’avez fermé une porte, vous
l’avez fermé à une voire deux générations, chaque fois que vous m’avez ouvert une porte, vous avez
montré la voie à des gosses comme moi, vous leur avez fait savoir qu’ils pouvaient le faire, qu’ils
pouvaient valablement vous remplacer. Vous l’avez hélas très peu fait depuis 1982 date à laquelle
vous avez pris les rennes du pays alors que vous étiez déjà hier de haut-fonctionnaire au moment de
l’indépendance en 1960.
Je ne suis pas pessimiste de nature, je crois en la force des idées, ce sont elles qui créent les
richesses, donnent valeur à l’économie et propulsent l’homme de l’avant. C’est pourquoi je vous
invite, alors que vous êtes au soir de votre vie de faire un large crédit à la nature humaine afin que
cette jeunesse à laquelle je m’adresse aujourd’hui vous réhabilite au crépuscule de votre séjour sur
terre. Si elle ne le faisait pas alors, elle se condamnerait elle-même à ne pas comprendre l’humanité,
elle montrerait qu’elle n’a pas le sens de sa grandeur et le pressentiment de ses destinées
incomparables.
A la génération des 60 ans, plus pernicieuse et plus flambeuse que la précédente, mon devoir
patriotique est de vous rappeler, chevillé au corps, que le Cameroun va au-delà d’une ambition
personnelle, que le Cameroun comme État et comme Nation est appelé à vous survivre et avec lui
vos enfants, vos petits enfants et que la meilleure façon de marquer votre présence dans ce pays
n’est pas dans la beuverie, la félonie permanente, les égoïsmes de tous ordres. La confiance qui a été
placée en vous n’était ni sotte, ni aveugle, ni frivole.
Mes chers compatriotes jeunes, ces travers que je viens d’énumérer de génération en génération ne
doivent pas vous faire percevoir le cours du fleuve comme un tourbillon trouble et sanglant. En vous
résident des forces bonnes, des force de sagesse, de lumière, de justice. Sachez que le temps est le
maître de tout, que rien ne peut se passer de lui, et que la nuit de la servitude et de l’ignorance n’est
pas dissipée par une illumination soudaine et totale, mais atténuée seulement par une lente série
d’aurores incertaines. Sachons créer les opportunités d’aurore, suivons la piste du puits de lumière et
transmettons-nous le flambeau de la vie et de l’espoir.
Chers jeunes compatriotes, oui, les hommes qui ont confiance en l’homme savent cela. Ils sont
résignés d’avance à ne voir qu’une réalisation incomplète de leur vaste idéal, qui lui-même sera
dépassé, ou plutôt ils se félicitent que toutes les possibilités humaines ne se manifestent point dans
les limites étroites de leur vie. Ils sont pleins d’une sympathie déférente, et douloureuse pour ceux
qui ayant été brutalisés par l’expérience immédiate ont conçu des pensées amères, pour ceux dont la
vie a coïncidé avec des époques de servitude, d’abaissement et de réaction, et qui, sous le noir nuage
immobile, ont pu croire que le jour ne se lèverait plus. Mais eux-mêmes se gardent bien d’inscrire
définitivement au passif de l’humanité qui dure les mécomptes des générations qui passent. Et ils
affirment avec une certitude qui ne fléchit pas, qu’il vaut la peine de penser et d’agir, que l’effort
humain vers la clarté et le droit n’est jamais perdu. L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des
grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir.
Chers jeunes, c’est à vous et à vous seuls, c’est à nous et à nous seuls de semer l’espoir dans ce pays
déchiré de toutes parts par l’égoïsme des générations d’hommes et de femmes qui n’ont pas su
apprécier la valeur du joyau qu’ils avaient entre les mains. Aujourd’hui, il s’est transformé en grenade
capable non seulement de les tuer eux, mais aussi d’exterminer votre génération et celle de vos
enfants. C’est à vous de désamorcer cette grenade afin qu’elle ne nous saute point à la figure.
Le Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie est pour le dialogue inclusif avec toutes les
forces vives de notre pays, nous l’appelons de tous nos vœux depuis deux ans déjà. Nous
condamnons de toutes nos forces le discours ethno-fasciste qui s’est emparé de notre espace public,
la République moderne n’est pas un concours de rhétoriques fascistes, mais une volonté permanente
et commune de proclamer que des millions d’hommes de femmes, d’enfants doivent tracer euxmêmes
la règle commune de leur action, qu’ils peuvent concilier la liberté et la loi, le mouvement et
l’ordre et que l’idéal de notre devise librement choisie, Paix – Travail – Patrie est réalisable pour tous
et par tous.
Le Mouvement Camerounais Pour la Social-Démocratie a choisi de manière républicaine de ne pas
prendre part aux élections sénatoriales du 25 mars prochain. Elles sont un déni de démocratie, elles
sont une mascarade référendaire où les pères et mères invitent les enfants et petits enfants à venir
les voir danser et se livrer à toutes sortes de beuveries. Ce n’est pas cela une élection, ce n’est pas
cela une République, ce n’est pas l’idée universellement admise d’une démocratie. Comment voulez
vous que ce soit une élection, quand les conseillers municipaux issus d’un camp, celui du RDPC et de
ses alliés, ayant reçu 50 000 francs en ces temps de vaches maigres, ayant reçu des directives du
comité central de leur parti des flammes puissent choisir des hommes et des femmes éclairés pour
siéger au Sénat ? Nous refusons de participer au couronnement d’une République monarchique.
Mes chers compatriotes jeunes, oui, la République est un grand acte de confiance et un grand acte
d’audace. L’audace est l’hymne de la jeunesse et les pères fondateurs à qui nous devons beaucoup
ont fait de vous les fers de lance de la jeune République du Cameroun dont l’histoire de la création
est plus vieille que la découverte du Char des Dieux en 450 avant Jésus Christ par le Carthaginois
Hannon. C’est par notre travail, celui des chercheurs, des journalistes, des sportifs, des petites gens
comme vous et moi que nous avons réussi à faire connaître encore plus ce Mont Fako. Ne suivez pas
comme des aveugles ceux qui vous présentent des ombres et vous font croire que ce sont des
hommes comme vous et moi. Oui, à force de vouloir attraper toutes les mouches, disaient nos
ancêtres, on finit par attraper une guêpe !
Je vous invite à bâtir cette République d’un grand peuple où il n’y a que des citoyens et où tous les
citoyens sont égaux. C’est-à-dire une République qui donne une chance à tous ses enfants par l’école,
les routes, les hôpitaux, les services publics, une République qui préserve l’environnement, qui donne
de l’eau à boire, à se laver et à cuire les aliments à tous et à chacun. Soyez les artisans de cette
République, sachons ensemble négocier le virage qui arrive à nous à grande vitesse.
Vous connaissez l’importance que nous attachons à la lutte contre le chômage, nous avons de
manière permanente travaillé à l’école de demain, ce collège unique dont nous appelons
l’instauration de tous nos vœux afin de former non à la précarité, mais à l’emploi permanent pour la
construction de notre pays et l’épanouissement de chacun de nos concitoyens.
Ce n’est pas un rêve
mais une réalité et c’est à nous tous de la rendre possible. Notre pays a besoin autant de menuisiers
que de magistrats, d’ouvriers agricoles que de fonctionnaires de bureau, de conducteurs d’engin que
d’infirmiers. Notre pays doit être fier de tous et de chacun d’entre nous sur le mérite et la chance
donnée à chacun.
Mes chers compatriotes jeunes et moins jeunes, sachez dès à présent vous protéger de l’avant, aux
jeunes filles, je voudrais dire que j’espère que vous aussi, vous ferez ce que vous voulez avec votre
génie, car ce pays est aussi le vôtre depuis les campagnes jusqu’aux villes. Je vous invite à vous armer
de courage, il est en vous, il vous invite à accepter les conditions nouvelles, je veux dire à y entrer
dans les circonstances nouvelles que la vie fait à la science et à l’art. Je vous invite à savoir dominer
vos propres fautes, d’en souffrir oui, mais pas à être accablées, je vous invite à savoir continuer votre
chemin.
Jeunesse du Cameroun, vous êtes jeunes et ces mots de Césaire sont à vous, ils sont fous il vous
éloignent cependant du discours de haine de l’autre, ils sont fous parce qu’ils vous délivrent de votre
propre folie; ils datent de 1935, ils sont un pont pour 2018, très peu les ont prononcés, mais nous les
vivons tous parce que c’est de la folie si je ne me souvenais que le fou est toujours, en un certain
sens, « l’homme qui a foi en soi ». Mais le Nègre qui tue en lui le Nègre n’a point « foi en soi » et c’est
par là qu’il se sauve de la folie.
Alors, si l’assimilation n’est pas folie, c’est à coup sûr sottise car vouloir être assimilé, c’est oublier
que nul ne peut changer de faune ; c’est méconnaître « l’altérité » qui est loi de Nature. N’ayez
besoin que de votre bravoure mise en commun pour faire changer les choses dans notre pays, pour
vous, pour eux, ceux d’hier comme ceux de demain pour que vive la Paix dans le travail et la patrie
retrouvée.
Bonne fête de la jeunesse !
Vive le Cameroun
Vincent sosthene FOUDA