La construction de l’oubli comme volonté politique et comme inculture de la jeunesse camerounaise

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La construction de l’oubli comme volonté politique et comme inculture de la jeunesse camerounaise.Quand on parle du Père Engelberg Mveng seuls les initiés s’y aventurent, les plus jeunes osent, qu’à-t-il fait pour nous ? C’est une photo défraîchie qui vous accueille et aucun manuel exceptés ceux écrits par lui-même pour les autres vous accueille. Rien ne lui est consacré, pas un colloque, pas un séminaire, pas de mélange pas d’ouvrage, aucune rue ne porte son nom. Dans la ville de Yaoundé, deux établissements secondaires lui rendent hommage. Au Cameroun, l’oubli s’élabore dans une tension entre effacement et conservation.

Tout comme la mémoire, l’oubli résulte d’une construction sociale, il est le produit d’une relation spécifique au passé, participe des multiples réécritures de l’histoire, se plie à des usages politiques et à des modes de légitimation du pouvoir, devient, dans certains cas, une stratégie de survie et une valeur fondant l’identité collective d’un groupe. Assassinée depuis le 23 avril 1995, la mémoire du père Engelberg Mveng fait l’objet d’un braconnage institutionnel dans son pays et son continent ne lui accorde aucune importance.

Le Cameroun affirme dans ses institutions universitaires et ses centres de recherches son refus du « vedettariat » pour ne pas entrer en sciences sociales dans les vagues mémorielles qui façonnent un peuple et une nation.
Il nous semble indispensable de nous interroger sur la manière dont les grands événements collectifs sont gommés dans l’espace familial ou public au Cameroun depuis une trentaine d’année ; par exemple ces souvenirs bien discrets de la privatisation des grandes sociétés camerounaises dans les années 90, la catastrophe du Lac Nyos qui le jeudi 21 août 1986 a tué plus de 2 000 personnes, les différents assassinats dont les enquêtes n’ont pas été ouvertes et par conséquent des familles attendent encore des réponse, la fermeture des établissements financiers dans les années 2000, les grands détournements financiers : les récits de famille, les albums de photographies, les autobiographies, les manuels scolaires, la production littéraire et artistique, les musées comment tout ceci a disparu dans notre pays en l’espace de 20 ans.

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De la même manière, les commémorations manquées, les silences sur des événements ou des personnages historiques, les pannes de transmission dans les relations intergénérationnelles, les mythes négatifs forgés par le pouvoir public.

Comme me le confiait mon collègue L. Passerini à qui je me confiais il y a quelques jours sur le sujet, l’oubli peut constituer une « amnésie imposée », mais aussi une forme de thésaurisation du passé fonctionnel à la fondation d’une dialectique démocratique (ex. l’effacement partiel des guerres civile et contre les forces colonialiste d’indépendance dans les années 58 – 60 voire jusqu’en 74 au Cameroun). Les figures du mensonge, de l’amnésie, du silence, de l’éphémère, de la désinformation, du refoulement, de la mystification doivent être explorées dans notre pays y compris dans les pays échanges dans les réseaux sociaux au regard de la difficulté de lecture et d’accès au livre que nous connaissons au Cameroun.

Je voudrais particulièrement inviter les internautes à accorder une importance particulière à la manière dont se constitue, entre la mémoire et l’oubli, une « zone grise » fonctionnelle à la récupération de certains souvenirs selon les contextes et les moments historiques. Nous avons au sein de l’institution universitaire camerounaise des « professeurs » dont la particularité est de ne jamais « citer personne dans leur langage public comme dans leurs écrits. » Afin d’éviter de froisser les uns et les autres. Cette manière de faire participe à l’effacement de la mémoire puisqu’on ne saurait les soupçonner d’inculture.

Il y a véritablement un travail à faire, car comment construire si l’on ne sait même pas que l’on est dehors sans case, exposé à toutes les intempéries ? Il nous faut aller à la quête de la mémoire et livrer une guerre sans relâche contre l’oubli, cette lutte me semble plus importante que la lutte politique, sociale, économique. Eloi Messi Metogo à qui je rendis visite quelques jours avant sa mort m’a confié le regard dans le vide, qu’il craignait lui en revanche que l’interprétation culturelle ne représente une nouvelle fois une évasion par rapport aux nécessités de l’heure : « l’Afrique ne sera pas restaurée dans son être et sa dignité sans édifier une puissance matérielle capable de résister à la colonisation sous toutes ses formes » (Messi Metogo 1990, 165-166). Pour moi, les régimes actuels car, ils se superposent incarnent le dépouillement, la dépersonnalisation du Camerounais et les réseaux sociaux mal utilisés ne sont pas pour arranger cette décrépitude de la mémoire et donc de la culture de l’oubli.
Le travail que je lance est un long chantier qui devrait intéresser tout le monde, toutes les formes de médias, les médias nouveaux comme ceux en ligne et les réseaux sociaux qui atteignent une masse de jeunes qui tarde à être critique donc constructrice d’aujourd’hui et de demain en connaissant hier. Il faut absolument réappropriation mémorielle indispensable à la re(naissance) des valeurs de ces peuples, de ce peuple, de ces citoyens, pour beaucoup ce chantier apparaît comme un euphémisme par rapport à l’exigence généralisée de justice rétroactive.

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Vincent-Sosthène FOUDA

College of Liberal Arts and social Sciences

Houston’university – Houston Texas USA

 

Publications d´Engelbert MVENG
Livres :
Mveng, Engelbert : Les Sources grecques de l´histoire négroafricaine, Paris, Présence Africaine.
Mveng, Engelbert & B.L. Lipawing. Théologie, libération et cultures africaines : dialogue sur l´anthropologie négro-africaine. C.L.E. ; Présence africaine, 1996.
Mveng, Engelbert & B.L. Lipawing. Théologie, libération et cultures africaines : dialogue sur l´anthropologie négro-africaine. C.L.E. ; Présence africaine, c1996.
Mveng, Engelbert. 1963. Histoire du Cameroun. Paris, France: Présence Africaine.
Livre biographique sur Engelbert MVENG
Engelbert Mveng – La plume et le pinceau un message pour l´Afrique du III ième millénaire (1930 – 1995) Jean-Paul Messina (Préface de Fabien Eboussi Boulaga postface de Jean – Roger Ndombi

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