Henri Njomgang, président de l’AED:«Certains ont toujours pensé qu’ils étaient indispensables, irremplaçables, incontournables, qu’en leur absence tout irait mal»
Germinal : Vous semblez très occupés depuis un certain temps si nous en tenons aux difficultés de vous rencontrer
Henri Njomgang : Pour l’instant nous avions de grandes préoccupations liées à la rentrée académique. Nous sommes en train de transférer progressivement l’essentiel des activités pédagogiques sur notre campus définitif de Banekané. Et cela nous prend beaucoup de temps de travail dans la mesure où nous avons des bâtiments à achever dans le cadre du projet d’extension que nous avons avec l’AFD. Nous sommes donc en train de terminer les bâtiments pédagogiques qui doivent être opérationnels cette rentrée. Ceux-ci doivent être terminés d’ici deux mois. Comme vous pouvez le constater, nous traversons une période critique en termes de déploiement des infrastructures et de transfert des activités sur le site définitif. Comme vous le savez les périodes de fin de chantier sont celles qui sont les plus difficiles. Je dois avouer à cet égard que l’entrepreneur ne nous a pas facilité la tâche. Il nous a presque laissé sur le carreau.
Pourquoi et comment cela ? A-t-il accusé des défaillances ?
Il a accusé beaucoup de retard.
Ces défaillances n’impacteront-elles pas sur l’évaluation que fera l’Afd ?
Les crédits Afd sont différents des autres crédits que les banques et autres accordent à leurs partenaires ou clients. Quand l’AFD vous accorde un crédit, il suit le travail effectué. Pour le cas d’espèce, c’est Egis qui contrôle le chantier et ce que nous faisons. C’est Egis qui approuve avant que l’AFD ne paye. De même, le contrôleur Egis a l’obligation d’avoir 4 ou 5 ingénieurs en permanence sur le terrain. À côté des contrôleurs d’Egis, nous avons aussi déployé nos contrôleurs sur le terrain. Vous comprenez que le travail fait sur le terrain est suivi et respecte certaines normes. De plus, pour le suivi-évaluation des travaux, nous nous réunissons tous les deux mois avec les responsables de l’Afd.
L ‘AFD et l’AED avait signé le 21 décembre 2012 une convention de crédit no CCM 1270 01 H d’un montant de 7,72 millions d’euros (5,06 milliards CFA) pour le financement de la construction et de l’équipement de bâtiments pédagogiques, de résidences estudiantines et de bâtiments à usage médical pour l’UdM et les CUM. L’AFD avait gratifié l’AED de quatre années de différé, la Date Limite de Versement des Fonds ayant été fixée au 30 avril 2017, date de clôture du concours. Comment expliquez-vous le non-respect de cette échéance ayant entraîné à cette date l’annulation de 450 234 euros restant sur le prêt ?
Cela s’explique par le fait que l’entreprise chargée des travaux a accusé beaucoup de retard. Cet argent aurait pu nous être versé si l’entreprise avait respecté les délais. Au lieu d’exécuter mensuellement 15% des travaux, elle n’arrivait pas à exécuter 5%
Cette situation ne vous porte-t-elle pas préjudice, même auprès de votre partenaire qu’est l’AFD ? Ne porte-t-elle pas atteinte à l’image de l’institution ? Et comment comptez-vous combler ce gap ?
Cet argent nous aurait permis de construire l’amphi ou d’effectuer certains aménagements au Campus. Nous sommes dans l’obligation de trouver d’autres financements pour combler ce gap.
Est-ce que cette situation n’apporte pas de l’eau au moulin de vos détracteurs qui formulent des critiques sévères contre votre management ? Êtes-vous au courant de ces critiques ?
Nos détracteurs sont dans leur rôle. Toutes œuvres humaines en a besoin pour avancer. Nous avons d’autres préoccupations plus importantes pour l’institution que nous sommes en train de bâtir pour l’avenir. Le projet de l’Université des Montagnes s’est toujours bâti dans l’adversité et les critiques de touts acabits. Mais toutes ces difficultés ne nous ont jamais empêchés d’avancer. Tout au contraire elles nous renforcent et aiguise notre créativité. C’est dire que nous ne faisons pas de fixation sur nos détracteurs. A un moment donné, ils ont dit que nous ne faisions rien sur le terrain. Vous êtes descendus sur le terrain, vous avez constaté que nous sommes en chantier, que des gros œuvres ont été réalisés et que certains bâtiments, trois (3) au moins, sont aujourd’hui achevés. Nous pensons que dans 2 mois, tous les bâtiments seront terminés et accueilleront tous les étudiants. Leurs critiques nous permettent de prendre connaissance de ce qu’on pense de nos actions. Pour nous, les critiques, quelles que soient leurs origine et provenance, constituent des sortes de mise en garde. Elles nous permettent d’améliorer les dispositifs et les mesures de contrôle. Peut-être ne le saviez-vous pas : c’est le cabinet Price water House coopers, l’un des meilleurs au monde, qui contrôle notre gestion, qui joue le rôle de commissaire aux comptes. Je tiens à préciser que nous sommes la plus petite unité que ce cabinet a accepté de suivre. Ils le font parce qu’ils ont trouvé que nous sommes une société civile moderne, modèle et sérieuse. Leur rôle ne se limite pas au contrôle, ils nous forment aussi dans la gestion, étant donné qu’ils apprécient positivement le travail que nous abattons.
Parlant justement de la société civile, quelle relation existe-t-il entre l’UdM et l’AED ?
L’AED est l’association fondatrice de l’UdM, c’est-à-dire qu’elle est propriétaire de l’UdM dont elle assure la promotion et le contrôle. Autrement dit, l’UdM est un projet de l’AED. La première est la fille aînée de la deuxième comme d’aucuns parmi les membres aiment à le dire affectueusement.
Il nous revient qu’au moment de la signature du contrat avec l’AFD, l’une des conditions était de faire le distinguo entre l’AED et l’UdM. Autrement dit que les responsables de l’AED ne pouvaient pas être juges et partie, c’est-à-dire cumuler les fonctions à l’AED et à l’UdM. Cette condition a-t-elle été respectée ?
Effectivement ! Nous sommes résolument engagés dans le processus de renforcement et professionnalisation de notre management. Depuis 2013, les instances de contrôles et les instances opérationnelles sont bel et bien séparées. C’est d’ailleurs cette opération de séparation des instances qui a été à l’origine des conflits de leadership qui ont secoué l’institution ces dernières années. Mais les choses sont en train d’être maîtrisée avec l’accompagnement d’un cabinet spécialisé.
Comment expliquer alors qu’aujoud’hui on indexe l’AED de régenter tout, jusqu’à signer des notes de service applicables à l’UdM ?
D’après les textes de notre association, il est prévu que l’AED assure le contrôle de ses projets. C’est le conseil d’orientation de l’AED qui tient lieu de conseil d’administration de l’UdM. En plus du conseil d’orientation, nous avons un bureau exécutif qui veille à la mise en œuvre des résolutions de l’AED. Le bureau exécutif tient, à cet effet, des réunions de concertation et de contrôle sur le campus. Mais il reste bien compris que l’AED joue essentiellement le rôle de Conseil d’administration et ce sont les dirigeants de l’UdM qui sont effectivement aux manettes de la gestion de l’institution. Il ne saurait y exister des interférences ou des confusions de rôles.
Cela signifie-t-il que l’UdM dispose d’une autonomie financière ? Si je vous pose cette question, c’est parce que lors de nos enquêtes sur le terrain, nous avons appris que l’AED s’immisce dans la gestion quotidienne de l’UdM.
Henri Njomgang; président de l’AED
Le budget de l’UdM est voté au sein du conseil d’administration. Ce budget est géré par les responsables de l’UdM. L’AED contrôle et ne s’immisce pas dans la gestion de l’UdM. S’il arrive qu’un membre de l’AED trop activiste tente de s’immiscer à tort dans la gestion quotidienne de l’UdM, il sera rappelé à l’ordre. Il faut reconnaitre que nous avons démarré le projet avec beaucoup de passion. En tant que projet collectif, beaucoup sont préoccupés par la bonne marche effective de l’institution après la crise du mangement que nous avons traversée. Mais, chaque fois, au cours de nos réunions, je n’ai de cesse de demander aux camarades de faire attention pour ne pas donner des instructions directes dans les établissements. Nous faisons des efforts constants pour rester conformes dans nos agissements aux statuts et règlements intérieurs. Ceux-ci stipulent clairement qu’il est interdit aux membres de l’AED de se rendre à l’UdM et aux cliniques universitaires sans le mandat du bureau exécutif de l’association.
Cela veut-il dire que les cahiers de charge de tous les responsables sont clairement définis ?
Il faut dire que le projet de l’UdM a démarré dans un contexte institutionnel et légal difficile. Les premières années de fonctionnement ont été surtout marquées par les différents combats pour l’existence et la reconnaissance de l’institution. Cela ne nous a pas laissé le temps de travailler sérieusement et méthodiquement aux différentes procédures et autres textes de régulation de la gouvernance institutionnelle. Mais, force est de souligner que depuis 2013, nous avons engagé, avec l’accompagnement de l’AFD et les autres cabinets un travail de fond sur la professionnalisation de l’environnement managérial qui commence à porter ses fruits en terme d’organisation du travail et du management. Les instances organisationnelles sont désormais en place et joue leur rôle pour une meilleure régulation du fonctionnement général de l’université. Les cahiers de charge de tous les responsables sont clairement définis. Il existe des manuels de procédure pour tout le monde.
Nous avons appris que les membres de l’AED sont rémunérés. Les membres de l’AED touchent-ils un salaire ?
Il convient ici de rappeler que l’AED est une association à but non lucratif. C’est-à-dire que les membres ne tirent pas de dividende ou profit de ses projets. C’est la raison pour laquelle nous mettons un point d’honneur sur l’esprit du bénévolat comme condition d’adhésion. Seul le personnel professionnel des projets ont un salaire. Les membres de l’AED quant à eux n’ont pas de salaire. Ils travaillent bénévolement pour la promotion et le contrôle des projets de l’association. Mais, ceux qui sont soit responsables des commissions, soit membres du conseil d’orientation siégeant comme conseil d’administration peuvent percevoir des indemnités de session, ou des indemnités liées à des missions particulières à eux confiées et effectuées.
Sur quel budget ces indemnités sont-elles payées ?
Le budget est celui de l’AED. L’UdM n’a pas encore de personnalité juridique au niveau fiscal. Les recettes sont celles de l’AED. C’est l’AED qui vote un budget et le met à la disposition de l’UdM. Les gens qui dénoncent notre gestion ne cherchent pas à comprendre notre fonctionnement ; ou alors font simplement étalage de leur mauvaise foi. C’est comme si vous décidiez aujourd’hui de créer un établissement scolaire ou une fondation. Vous encaissez des recettes. Ensuite, vous mettez à la direction de l’établissement un budget de fonctionnement. C’est vous qui déterminez le budget qu’ils auront à gérer. Vous qui êtes propriétaire de l’établissement avez aussi des charges à assumer. Par conséquent, vous aurez besoin de l’argent pour assumer lesdites charges. Nous comprenons par ailleurs que le modèle associatif de l’UdM est original et nouveau dans le contexte camerounais habitué à des modèles relevant soit du privé commercial, soit de l’Etat. Notre modèle économique associatif à but non lucratif est assez difficile à appréhender dans un contexte socioéconomique marqué par le modèle entrepreneurial tourné essentiellement vers la quête du profit de ses initiateurs.
Le projet UdM était devenu la fierté d’une région, d’un groupe d’intellectuels camerounais et peut-on le dire du pays. En suivant les péripéties de la crise qui a secoué cette institution, l’opinion s’est demandé pourquoi n’êtes-vous pas parvenus à laver le linge sale en famille ?
Si vous avez suivi notre évolution, vous aurez constaté qu’au départ, le Pr Kaptué était cumulativement président de l’AED et de l’UdM ; Le Pr Kom cumulait les fonctions de vice-président de l’AED et de l’UdM. Cela veut dire que l’approche de gestion ne favorisait pas le contrôle de l’AED étant donné qu’ils étaient juges et parties.
Je ne veux pas entrer dans certains détails, mais sachez que les problèmes ont commencé à se poser à partir du moment où il avait été admis que l’on ne pouvait plus cumuler les fonctions de responsable à l’AED et à l’UdM. Comme je l’ai dit, ce cumul de fonction rendait le contrôle impossible. Nous avons mis un terme à cette situation de cumul. Pour être bref, je dois vous dire que ce que vous avez lu dans les médias n’était en réalité que le résultat d’un règlement de compte entre un groupe qui au départ uni, voulait contrôler l’UdM. Dans ce groupe, certains avaient été suspendus et pour se venger ils (les suspendus) ont dévoilé les casseroles de ceux qui avaient pris la décision de les suspendre, si je peux m’exprimer ainsi. Sur la base de ces révélations, toutes les personnes incriminées ont été suspendues. Ce que les gens n’ont pas dit, c’est qu’avant la suspension, un avertissement avait été donné à tous les membres de l’ancien bureau de l’AED.
Pour revenir à votre question, je dois dire qu’il y a eu des tentatives de médiation pour résoudre le problème. Ce qui a bloqué la médiation est que les gens sont allés trop loin, en portant l’affaire en justice. Des tentatives pour qu’ils retirent les plaintes sont restées vaines. Ensuite, leur volonté manifeste de ternir, dans les médias, les réseaux sociaux, partout dans le monde, l’image de certains responsables, de l’UdM et même de compromettre durablement le projet UdM n’était plus de nature à faciliter la médiation. Une solution aurait été trouvée s’ils avaient accepté de revenir sur certaines de leurs déclarations, surtout celles concernant le Pr Kaptué qui avait été suffisamment pris à partie et trainé dans la boue, pour dire le moins.
Où en est la médiation à ce jour ?
Je vous donne mon point de vue sur la question. La médiation est aujourd’hui rendue difficile parce que certains acteurs, comme je vous le dis, sont allés trop loin dans leurs démarches de déstabilisation de l’UdM. La tendance qui se dégage actuellement va plus dans le sens de tourner vraiment la page et de se tourner vers l’avenir et les générations futures. Voyez-vous, l’âge des plus jeunes parmi les initiateurs du projet tourne autour 70 ans. Nous sommes tous des vieillards. À mon sens, la question qui devrait nous préoccuper tous est celle du renouvellement de la classe dirigeante aussi bien à l’AED qu’à l’UdM. Si on renouvelle toute la classe dirigeante, en nous maintenant uniquement comme des conseillers, nous finirons par nous entendre. La nouvelle génération qui arrivera aura les mains libres et sera libérée de nos casseroles et de nos querelles. Elle saura trouver les voies et moyens pour gérer notre passif.
Ensuite, je ne désespère pas. Nous avons su tirer les leçons des obstacles auxquels nous avons fait ou faisons face, ce qui nous a permis de réaliser des progrès fantastiques. Dans les mois à venir, nous travaillerons à capitaliser les enseignements que nous tirons des crises pour qu’elles constituent pour l’UdM, une sorte de rampe de lancement pour son essor et son progrès. Nous avons appris de nos erreurs et des obstacles rencontrés sur notre parcours. Et comme je le dis, il faudrait des forces nouvelles pour capitaliser tout ce que nous avons fait et aurons encore à faire pendant le laps de temps qui nous reste. Ce qui fera la fierté de tout le monde. Vous ne pouvez pas vous imaginez jusqu’à quel point le Ministre de l’Enseignement Supérieur, Jacques Fame Ndongo qui considère que le projet est aussi son œuvre, est fier du travail que nous avons abattu. Je ne citerai pas tous les noms des personnalités qui, lors des réunions, soutiennent ; défendent le projet UdM et apprécient positivement le travail qui est abattu à l’UdM. Quand nous sommes en réunion avec des professeurs allemands, français, ils nous disent que le projet UdM est unique dans le monde.
Vous apportez là un démenti à ceux qui soutiennent que l’UdM va mal, très mal même, et que la qualité des enseignements et de la formation s’est dégradée, que la gouvernance est calamiteuse, etc.
Les résultats des examens nationaux viennent d’être proclamés. En pharmacie, nous avons obtenu 100% ; en médecine 99%, en odontostomatologie 97%. Ces résultats reflètent-ils ceux d’une institution où la qualité des enseignements se dégrade ou ceux d’une structure comateuse ? À chacun d’en apprécier. D’ici peu, les concours nationaux pour le recrutement dans la fonction publique seront lancés. Vous verrez que les 30 ou les 50 premiers seront des étudiants de l’UdM, comme cela a souvent été le cas. Ensuite, nous recevons des félicitations de presque toutes les missions diplomatiques à partir des observations qu’elles font sur le terrain dans les formations médicales où exercent les médecins que nous avons formés. Certains de nos produits formés à l’UdM, des pharmaciens et des médecins, travaillent dans des grandes industries et des institutions de renommée internationale en Europe. Ils sont parmi les rares africains qui travaillent dans ces structures mais qui n’ont pas été formés en Europe. Nos détracteurs disent ce qui les arrange, mais la réalité sur le terrain est autre.
Comment comprenez-vous ces critiques ?
En fait le projet UdM a suscité beaucoup de passions de part et d’autre. Et certains ont toujours pensé qu’ils étaient indispensables, irremplaçables, incontournables ; qu’en leur absence tout irait mal. Ce qui n’est pas vrai. Le projet UdM est une œuvre commune, pour ne pas dire collective. Comme dans tout projet de cette envergure, il y a toujours des initiateurs. Et personne, même moi qui vous parle, ne peut s’attribuer la paternité. Chacun qui y a apporté et y apporte sa part de pierre, sa petite contribution, passe ou passera le témoin aux nouvelles générations le moment venu. Étant entendu que la vie humaine est limitée et qu’il y a un point optimal en toute chose. Aujourd’hui, je suis président de l’AED. Ce n’est pas moi qui forme. Ce n’est pas moi qui enseigne. Ce n’est pas moi qui assure la sécurité et la propreté du campus et des locaux, pour ne citer que ces exemples. D’autres personnes se chargent de ces volets de notre projet. Mon rôle est de contrôler à mon niveau. A tous les niveaux, des personnes travaillent pour la réussite du projet, le plus souvent de manière désintéressée. Toute la littérature haineuse de nos pourfendeurs, tout le fiel qu’ils ont craché sur certaines personnalités et sur l’UdM sont révélateurs de leurs rêves et désirs profonds : à savoir que nous échouons afin de leur donner raison à posteriori et qu’ils le clament sur tous les toits, en bombant le torse.
Comment alors comprendre la démission de certains enseignants dont on a parlé ces derniers temps ?
Il doit y avoir un ou deux enseignants qui ont quitté l’institution. C’est normal qu’ils quittent une institution pour aller ailleurs où ils pourraient par exemple être mieux payés. N’oubliez pas que nous sommes dans un contexte désormais mondialisé où la stabilité de l’emploi n’est plus un acquis. Les individus sont libres d’aller d’une entreprise à l’autre pour des raisons diverses très souvent indépendante des entreprises qui les emploient. C’est d’autant plus normal que nous recevons aussi des enseignants venus d’ailleurs. Je peux vous présenter des lettres des enseignants venant de la Côte d’Ivoire, de la France, de l’Allemagne, des Camerounais de la diaspora qui demandent à venir soit enseigner à l’UdM, soit apporter leur modeste contribution. La mobilité du personnel enseignant n’est pas spécifique à l’UdM. La provenance des enseignants de l’UdM est diverse.
La crise qui a secoué l’UdM a-t-elle impacté les rapports employés et employeurs ? Autrement dit, a-t-on assisté à une sorte de chasse aux sorcières à l’UdM ?
Une situation comme celle que nous avons vécue, crée toujours des malaises de part et d’autre. Puisque, dans une situation pareille, il existe des personnes acquises à la cause d’Untel ou d’Untel autre. Certains employés ont même posé des actes inadmissibles en détruisant des informations dans leurs ordinateurs. Certains trainaient les pieds pour venir au travail. D’autres n’étaient plus enthousiastes au travail. A un moment donné, nous avons discuté avec le personnel. Parmi eux, ceux qui ont trop trainé les pieds, et qui avaient manifesté le désir de ne plus être avec nous, ont été placés face à leur responsabilité, et des séparations à l’amiable leur ont été proposées. Mais ce qui est important de retenir c’est que nous sommes lancés depuis 2016 dans une démarche d’évaluation générale du personnel afin de repartir sur de nouvelles bases contractuelles.
Quel est actuellement le climat social au sein de l’UdM, et de l’AED ?
Je ne peux pas dire que le climat social s’est assaini à 100%. À 95%, le climat social est rassénéré. Mais, de temps à autre, la suspicion persiste. Je dois vous le dire. J’avais beaucoup d’admiration pour le Pr Ambroise Kom, mais il s’est laissé entraîner dans un micro-tribalisme bamileké malsain. À un moment donné, il s’est laissé entrainer par un groupe qui soutenait qu’il y avait une lutte hégémonique engagée par les ressortissants de Bafang qui, d’après eux, voulaient à tout prix contrôler l’UdM. Pourtant, dans notre association, ce n’est pas l’appartenance tribale et ethnique qui est le critère sur lequel était fondée la cooptation ou le choix d’un membre. Notre seul souci était l’apport et la compétence de chacun indépendamment de sa race, de sa nationalité ou de son ethnie. Vous comprenez pourquoi, cela ne gênait personne qu’Ambroise Kom et Lazare Kaptué, qui sont tous ressortissants du Koung Khi, soient nos dirigeants à l’AED et à l’UdM. Il n’était jamais venu dans l’esprit de personne d’entre nous qu’ils occupaient ces postes de responsabilité en raison de leur origine ethnique.
J’ai été d’autant plus choqué que les idées de tribalisme et de micro-tribalisme n’ont jamais traversé mon esprit. Dois-je vous révéler que mes convictions profondes m’ont conduit en prison sous Ahmadou Ahidjo aux côtés d’Ernest Ouandié. D’ailleurs, Ouandié Ernest s’était arrêté devant notre cellule où nous y étions avec Wabo le courant, Djanseb Matthieu et autres, pour nous saluer avant son exécution.
Cette attitude d’Ambroise Kom est paradoxale et incohérente, surtout pour quelqu’un qui ne veut pas d’étiquette tribale (qu’on dise qu’il est bamileké), pour quelqu’un qui refuse de faire des choses qui se rapprochent de la culture bamileké telles que : aller dans des deuils, assister aux funérailles, participer aux réunions, etc. Il renie sa culture ethnique et en fait pourtant par ailleurs la substance de son approche managériale comme je l’ai relevé tantôt.
Dans la même veine, on nous parle aussi de tentative ou d’une stratégie visant la ndéisation de l’UdM, cette velléité des ressortissants du Ndé à vouloir contrôler l’UdM, alors qu’au départ ils ne s’y intéressaient pas. Qu’en est-il exactement ?
Depuis le début, c’est nous qui avions voulu que les ressortissants du Ndé s’intéressent au projet UdM qui est mis en œuvre à Bagangté. C’est nous qui allons vers les ressortissants du Ndé afin qu’ils s’intéressent et apportent leurs contributions au développant d’un projet qui est réalisé dans le Ndé. Vous connaissez le rôle primordial qu’a joué et que joue le chef Bagangté dans ce projet. Sans lui, nous ne serons pas installés là où nous sommes. Nous lui sommes très reconnaissants.
Certes, au départ certaines élites du Ndé étaient dubitatives, pour ne pas dire réticentes, ne croyant pas en notre capacité à mener un tel projet. Mais, avec le temps, au regard du travail que nous avons abattu, certaines parmi ces élites se sont ravisées et ont eu l’honnêteté de reconnaitre qu’elles s’étaient trompées. C’est dans ce contexte de prise de conscience de la pertinence du projet pour le développement socioéconomique du Ndé que nombre d’élites se mobilisent aujourd’hui, nous leur en sommes vivement reconnaissant et les remercions de tout notre cœur pour leur engagement. Mais, notre vision communautaire ne veut aucunement dire qu’on enferme le projet dans une quelconque logique ethnique. Il s’agit de comprendre la communauté dans une perspective nationale et internationale. L’AED est une association de la société civile ouverte à tous les citoyens du monde. C’est ainsi que nous avons des membres de nationalités diverses qui réclament très fortement l’identité du projet. L’AED est un projet qui s’est incubé chez les Bamilékés, mais qui a vocation à s’ouvrir sur le monde.
Est-il vrai que l’actuelle vice-présidente de l’UdM constitue le poids mort de cette institution ?
Pour tenir compte de l’approche genre, certaines personnes avaient soutenu à raison que ce soit elle qui devienne la présidente de l’UdM. Comme nous l’avons souligné tantôt, c’est le climat social que nous sommes en train d’assainir qui a pu prêter à un moment donné de tels sentiments. Vous avez, dans un climat conflictuel, des personnels, suivant le bord qu’on défend peuvent nourrir des idées passionnées sur tel ou tel responsable de l’institution. Mais, en ce qui nous concerne, je puis vous rassurer que la vice-présidente se dévoue entièrement dans l’accomplissement de ses missions. Elle a été très engagée dès les premières heures, son humilité peut tromper certaines personnes, mais elle est très professionnelle et bien ferme sur ses positions.
Il nous revient aussi que l’académie qui est la raison d’être de l’UdM se meurt. Qu’en est-il exactement ? Que comptez-vous faire pour résoudre les problèmes qui entravent le bon fonctionnement de l’académie ?
L’AFD a produit un rapport sur ces questions. Ce rapport faisait ressortir toutes nos faiblesses. Après avoir pris connaissance dudit rapport, nous avons sollicité l’appui d’un cabinet qui nous accompagne et qui nous a aidés à élaborer le manuel de procédure, un organigramme et les cahiers de charge des différents responsables. Nous travaillons pour que tout revienne à la normale. Nous sommes en train de travailler précisément à l’amélioration du management académique. Le conseil d’université et les conseils d’établissements sont désormais mis en place. Ce sont là des instances qui faisaient défaut à l’administration des affaires académiques. Comme je l’ai mentionné, nous sommes également en train de revoir les modalités de fonctionnement avec nos différents partenaires académiques nationaux et internationaux.
Sur le plan de la recherche, il faut souligner que l’UdM est porteuse du projet OCHEA au Cameroun. Sous la houlette de la vice-présidente de l’UdM cet important projet international sur l’approche Une santé est en train de gagner les universités camerounaises. Par ailleurs, sous le parrainage du gouvernement suisse, nous sommes en train de développer le projet CEPHORA qui vise le développement d’un centre de formation en énergie renouvelable. Deux de nos enseignants sont en Suisse en ce moment pour une formation en vue du pilotage de cet établissement. C’est dire si ceux qui proclament la mort de l’UdM cherchent à transférer leurs frustrations et leur amertume dans la réalité.
Si nous vous avons bien compris au cours de cet entretien, vous réfutez la thèse selon laquelle l’UdM est un idéal abatardisé qui va droit dans le mur et dont les objectifs ont été dévoyés.
Ceux qui tiennent ces propos veulent dire qu’il suffit qu’ils reviennent aux affaires pour que l’avenir s’éclaircisse et que sans eux l’UdM ne peut avoir d’avenir. Ce qui n’est pas vrai. Comme je l’ai dis, personne n’est indispensable. L’avenir de l’UdM n’est lié à personne. Elle n’est ni rattachée à ma personne ni à celle de qui que ce soit. L’avenir de l’UdM transcende nos existences limitées. Nous laisserons l’UdM à la postérité. À cette postérité de savoir ce qu’elle en fera. L’UdM est un projet collectif et citoyen. Pour le moment, nous sommes en négociation avec des bailleurs de fonds pour la construction des logements d’étudiants afin que l’UdM devienne l’unique université qui loge tous ses étudiants. D’autres bailleurs de fond, au regard de la qualité de notre projet, veulent construire des stades. Ces différentes sollicitations apportent un cinglant démenti à la thèse de ceux qui pensent que nous allons droit dans le mur. Le premier cycle de développement est terminé, et maintenant s’ouvre la seconde phase. L’UdM est résolument tournée vers l’avenir.
Propos recueillis par
Jean-Bosco Talla
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