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LA NOTE DE LECTURE DE MEKULU MVONDO AKAME:« LOIS SUR LES ETABLISSEMENTS ET ENTREPRISES PUBLICS AU CAMEROUN, INNOVATIONS ET RECULADES » – Icicemac

LA NOTE DE LECTURE DE MEKULU MVONDO AKAME:« LOIS SUR LES ETABLISSEMENTS ET ENTREPRISES PUBLICS AU CAMEROUN, INNOVATIONS ET RECULADES »

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NOTE DE LECTURE DE « LOIS SUR LES ETABLISSEMENTS ET ENTREPRISES PUBLICS AU CAMEROUN, INNOVATIONS ET RECULADES »

PAR MEKULU MVONDO AKAME,
DIRECTEUR GENERAL DE LA CNPS

 

Yaoundé, le 27 juin 2018

Mesdames et Messieurs,

J’ai été frappé par l’extrême finesse avec laquelle les organisateurs de la présente cérémonie ont annoncé l’événement, un teasing d’inspiration tauromachique… mais j’ai fini par comprendre qu’ils subissent, au fond, dans leur subconscient, à force d’accoutumance, l’influence des réalités nationales dont ils se font quotidiennement échotiers, à longueur de colonnes dans leurs gazettes… Mais soit !

Je dois à la vérité de dire qu’il m’a plu d’accepter le rôle, difficile dans lecontexte évoqué, de tenir le crachoir pour dire, en somme, tout le bien et tout le mal que je pouvais penser de cet ouvrage qui m’a été remis avec bonté : « lois sur les établissements et entreprises publics au Cameroun, innovations et reculades », commis par un aréopage d’universitaires et de hauts fonctionnaires du cru.

J’ai accepté ce rôle d’autant plus aisément que, non seulement l’ouvrage entreprend d’affronter une problématique jusque-là peu explorée et, quoi qu’on en dise, quelque peu glissante, pour diverses raisons aussi réelles que fantasmées, mais surtout pour le respect et l’amitié que je dois, de longue date, à Viviane Ondoua, auteur prolifique et non moins provocatrice s’il en est.

PR VIVIANE ONDOUA BIWOLE
ENSEIGNANT-CHERCHEUR, EXPERTE EN GOUVERNANCE PUBLIQUE

Elle a su me convaincre, mais en réalité je me suis laissé faire, d’associer ma modeste expérience managériale et quelques approximations et bribes de mes souvenirs universitaires à la critique de cette œuvre, dont l’ambition doublement didactique et d’opinion est clairement affichée, à juste titre.

Dans la mesure où la profession, la philosophie et la volonté des auteurs portent à l’analyse froide et méthodique des choses, je vais essayer, toutes choses étant égales par ailleurs, de ne point me distraire de ces traits de lumières.

C’est pourquoi, d’emblée, je ne recommanderais à personne de vouer ce livre au pilon -ce serait sacrilège-, même après l’avoir lu, car son sort le destine aux bonnes étagères de vos bibliothèques, celles qui sont les plus accessibles, j’entends ; en effet, il faudra le lire et le relire, même s’il peut nous apparaître, de premier abord, (relativement) peu abscons.

Mais pourquoi, au fond ?

I/ LE COURAGE DE L’ECRITURE ET DES IDEES

Il est un constat malheureux que l’opinion avertie fait des universitaires camerounais, ils ne sont pas très réputés pour l’abondance de leur littérature sur les problématiques du pays, en dehors de leurs thèses trop souvent brandies tout au long de leur carrière. Je préfère en conclure qu’ils éprouveraient des difficultés à le faire, et donc, que ceux qui s’y prêtent font preuve de courage. C’est bien le cas de Viviane Ondoua et ses collègues, que je salue avec toute la chaleur méritée.

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Leur courage est d’autant plus méritoire qu’il s’agit d’un sujet trop actuel ou récent (smoking gun), ce qui expose par conséquent ses auteurs à des risques de mauvaise interprétation (misunderstanding), en tout cas ne donne pas suffisamment de distance pour en évaluer toute la substance, c’est-à-dire celle qui va au-delà de la lettre de la loi, à défaut d’en mesurer tout l’esprit dans sa pratique quotidienne

Les audaces exprimées apparaissent également, tant dans la froideur des analyses que les opinions parfois vivement tranchées (« légiférer sans gouverner… »). Certes, ils peuvent se dissimuler habilement derrière la méthodologie des sciences sociales, l’exégèse, la dogmatique et autre légistique fermement revendiquées, mais il n’en demeure pas moins qu’ils font, ainsi, preuve d’un courage académique exemplaire dans l’analyse et les approches conceptuelles savamment exposées.

La manifestation la plus évidente de ce courage des opinions réside dans les expressions et affirmations faites, telles, pour n’en citer que quelques brèves :
«Il faut plus de rationalité dans la nomination des dirigeants » ;
« Il n’y a pas de disposition prévoyant le remplacement du membre du conseil d’administration ou du directeur général pour faible performance » ;
« la performance viendra de la discipline managériale et de l’engagement à respecter les dispositions des lois » ;
« l’efficacité viendra de la prise rapide des textes d’application ainsi que de la capacité et de la volonté des parties prenantes à se conformer à leurs dispositions » ;
« les dysfonctionnements sont à l’origine des contreperformances des entreprises publiques » ;
Etc.

Il n’est jusqu’aux confins du rapport à la problématique de la décentralisation qui ne soit abordé, malgré les précautions d’usage, par les auteurs. Ils pensent en effet que les lois de 2017, certes précisent la possibilité pour les collectivités territoriales décentralisées de créer des établissements et entreprises publics, en leur laissant la plénitude de l’exercice de la tutelle et du choix des dirigeants, mais ne s’interrogent pas moins sur la question des financements nécessaires, notamment avec la coopération internationale.

Noël Alain Olivier Mekulu Mvondo Akame, DG de la CNPS du Cameroun2

Ils peuvent, dans cet esprit et avec les mêmes ardeurs et talents, pourfender les « dysfonctionnements » observés dans la gestion des établissements et entreprises publics ainsi que les « incomplétudes » des lois de 2017, notamment l’absence de dispositions sur la diversité (équilibre régional, femmes…), la non définition claire des responsabilités administratives voire pénales du président et des membres des conseils d’administration au regard de leurs pouvoirs, leur profil même ainsi que celui des directeurs généraux, le caractère discrétionnaire des nominations des dirigeants, l’absence remarquée d’administrateurs indépendants, l’accès direct à l’information de gestion par les administrateurs, et bien d’autres.

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Les auteurs finissent, dans un propos conclusif très enlevé, véritable plaidoirie pro-nationaliste, par estimer que les lois de 2017 peuvent être la marque d’un système qui légifère sans gouverner, en convoquant l’influence de plus en plus prégnante des entités non étatiques (organisations financières internationales, ONG, etc.), qui soustrait la dignité nationale à la souveraineté nationale.

Mais, le moindre des mérites de l’ouvrage n’est pas le souci didactique.

II/ LE SOUCI DIDACTIQUE : LA CLARTE DANS LES EXPLICATIONS

Tout au long de la lecture de l’ouvrage, malgré quelques tentations à l’exagération, à la longueur voire à une forme de préciosité langagière, vite excusées, on est impressionné par la clarté des développements et des explications sur le contenu des textes soumis à l’analyse. On y voit la marque des enseignants qu’ils sont, soucieux de la réception des idées et des éléments exposés par leurs destinataires, de tous les niveaux.

Qu’il s’agisse des innovations, des pouvoirs des organes de gestion ou, même si la pertinence de certaines évocations peut paraître questionnable, des outils de gestion de performance tels que la GPEC, le PGI ou l’ERP, le contrôle interne, etc., expliqués à souhait, les auteurs ont tenu à clarifier jusqu’à plus soif les concepts et les idées nécessaires à leurs yeux. Tous les lecteurs pourraient donc y trouver leur compte.

Toutefois, aucune œuvre n’étant ni parfaite ni complète, il y a lieu de souligner quelques débats qui auraient pu être développés dans le cadre de l’ouvrage.

III/ LES CHAINONS MANQUANTS ET LES DEBATS ABSENTS

Ce n’est certainement pas le talent ni l’audace qui ont pu faire défaut aux auteurs ; sans doute ont-ils simplement voulu circonscrire l’ouvrage à des thématiques qui leur semblaient les plus urgentes, contexte oblige.

Pour autant, au-delà de quelques divergences factuelles que je persiste à avoir sur certains points avec les auteurs, il me semble consubstantiellement utile à toute analyse des lois de 2017, l’examen des questions suivantes :

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l’approfondissement de la notion de performance, corrélée aussi bien à la création de richesse qu’à la création de valeur, notamment lorsqu’il s’agit d’établissements publics ; quels sont ses déterminants, ses conditions et ses critères de réalisation dans le contexte camerounais ? Quelles sont les parts respectives, et donc, les responsabilités réelles des parties prenantes que sont l’Etat, à travers les tutelles, notamment financière, les dirigeants et l’environnement sociologique ?

L’examen particulier des processus relatifs aux marchés publics, qui impactent significativement sur la performance des entités publiques et la perception qu’en ont les camerounais
la portée réelle de la classification des établissements publics, la loi ne précisant pas les conséquences spécifiques à tirer des d’établissements autres que celui à caractère spécial ;
le rôle des institutions de contrôle en tant que surveillants de la performance publique et moins d’une procédure qui peut parfois entraver celle-ci
la place des projets divers, dont le statut n’est pas défini alors qu’ils ont parfois une importance financière et une durée de vie longue

La lecture à avoir du glissement sémantique sur la dénomination des textes ; la loi de 1999 s’intitulait « loi portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic », alors que les lois de 2017 portent « statut général des établissements publics » et des « …entreprises publiques ». Y a-t-il une signification ou une conséquence juridique à tirer de cela, d’autant plus qu’en ce qui concerne les entreprises publiques, la loi précise qu’elles « sont de droit privé » ? En quoi une entreprise dite publique serait-elle en même temps de droit privé ?…

La définition de la logique de la composition ou de la répartition institutionnelle des membres des conseils d’administration, au-delà des profils exigibles.

Enfin, se poserait à la vivacité intellectuelle de nos universitaires, la question, au fond, de la systémisation du corpus légal et de la place des établissements et entreprises publics dans la politique nationale de développement économique et de progrès social. C’est un appel à l’élaboration d’une théorie des établissements et entreprises publics au Cameroun, en considérant par ailleurs que c’est leur tout, plutôt que leur simple totalisation, qui devrait conduire à la pleine réalisation de l’intérêt général et la satisfaction des besoins fondamentaux des populations. Tome 2 ?…

 

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