LE CAMEROUN PRIS EN OTAGE
Des morts, des morts en chapelets, des agents publics, notamment en
uniforme égorgés ! Et ces deux jours derniers encore, un sous-préfet enlevé, un adjoint au Commissaire tué, le Commissaire lui-même dans un état critique, le commandant de compagnie de Limbe avec une main coupée par une grenade, 6 gendarmes massacrés sans compter tous les autres !
Et progressivement, se dessinent les vrais enjeux des prochaines
Présidentielles : un bras de fer terrible entre deux adversaires
extrémistes et déterminées qui ont pris le Cameroun en otage :
-un Gouvernement entêté et inflexible, arc-bouté dans sa vision
monolithique de l’Etat, incapable de la moindre lucidité et réduit à
asséner ses certitudes dogmatiques même contre le bon sens ;
-une Sécession implacable et sanguinaire, alterée de meutres et de
violence et qui ne comprend qu’un langage : la frappe, la violence et la
mort.
Le principal enjeu de cette presidentielle ne sera donc pas qui va gagner Etoudi, mais qui contrôle la Zone Anglophone sur le plan politique et militaire.
-Sur le plan militaire, il s’agit pour le Gouvernement d’organiser
effectivement les élections dans toutes les localités anglophones, et
prouver par la même occasion que l’Etat est capable d’assurer la défense et la sécurité totale sur tout le territoire national. Pour la Sécession, il s’agit de prouver l’inverse, en montrant que le Gouvernement a perdu tout contrôle au Nord-Ouest et au Sud-ouest et qu’il n’a pas les moyens d’y imposer la moindre loi ;
-sur le plan politique, il s’agit pour l’Etat de prouver que les
Anglophones, en allant au vote, se considèrent comme des Camerounais à part entière qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’idéologie séparatiste. A contrario, La Sécession tentera de prouver que les Anglophones ne s’intéressent pas à cette élection qui ne les concerne pas, la seule chose qui les intéresse étant le départ des forces de défense et de sécurité camerounaise qu’ils appellent « forces d’occupation ».
C’est un défi extrêmement dangereux !
Le résultat sera mesuré par les écarts de pourcentage de participation
entre les Régions anglophones et la moyenne nationale.
Si ce pourcentage est proche de la moyenne nationale, le vote aura
consacré le contrôle militaire et politique effectif de l’Etat du
Cameroun, et notamment l’adhésion des Anglophones à l’Etat du Cameroun. Un tel résultat serait un coup mortel pour la Sécession.
Mais si le résultat est très éloigné de la moyenne nationale, par exemple, si la participation de la Zone anglophone n’est que de 10% alors que la moyenne est de 60%, cela prouvera que le Gouvernement ne contrôle pratiquement plus rien et le vote aura consacré la partition de fait du pays. La position du Gouvernement sera très affaiblie et la Sécession sera légitimée.
Si c’était un jeu, j’aurais lancé les paris.
Mais ce n’est pas un jeu !
Et face à cette perspective, il faut s’attendre à une montée de la
Sécession dans la radicalisation et la férocité. Les Sécessionnistes ne
lâcheront rien, bien au contraire ! Il y a plutôt lieu de craindre une
tournure plus aveugle et plus sanglante dans ce combat haineux entre deux
ennemis implacables et bornés.
Dieudonné ESSOMBA