ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2018 ET DIASPORA CAMEROUNAISE : L’ETERNELLE INCOMPRÉHENSION

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L’élection présidentielle du 07 octobre 2018 était une occasion en or pour le régime camerounais de renouer avec sa diaspora et même de combler ses attentes en résolvant définitivement la question de la double nationalité dans le but de se faire élire dans divers pays étrangers. Or, loin de poser cet acte salutaire et patriotique, le régime de Paul Biya s’est plutôt inscrit dans une logique de mise à l’écart de la diaspora.

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2018 ET DIASPORA CAMEROUNAISE 

 

DU REJET DE LA DOUBLE NATIONALITÉ AU REFUS DE L’INSCRIPTION DES CAMEROUNAIS DE LA DIASPORA SUR LES LISTES ÉLECTORALES

1. LA DIASPORA CAMEROUNAISE VUE DE L’OCCIDENT

Les Camerounais qui arrivent en Europe occidentale et en Amérique du nord avec un statut régulier sont considérés aux yeux des gouvernements de ces pays comme une main-d’œuvre précieuse, mieux, comme une mine d’or. Ces gouvernements leur accordent alors des facilités d’intégration aussi bien dans le domaine des affaires que dans celui de la formation. Des prêts et des bourses leur sont accordés pour se perfectionner dans les domaines professionnels de leurs choix et intégrer plus facilement le monde du travail. Quelques années plus tard, il leur est donné la possibilité de transformer leur statut de travailleurs en celui citoyens. On voit alors des familles entières, parents et enfants, faire la demande de citoyenneté et devenir Américains, Canadiens, Français, Anglais, Espagnols, Allemands, Italiens, etc.

Dotés de leur nouveau statut de citoyen dans divers pays de l’Occident, les Camerounais occupent les laboratoires dans les centres de recherche, exercent comme professeurs dans les établissements d’enseignement primaire, secondaire et universitaire, investissent les hôpitaux comme infirmiers et médecins, pénètrent les ordres des ingénieurs du génie civil, marquent leur présence dans l’armée, l’aéronautique, les entreprises de production, les services, l’administration et la politique.

Mais les Camerounais ne sont pas le seul peuple qui fait ainsi la force de l’Occident. Tous les peuples de la planète y travaillent : les Pakistanais, les Indiens, les Brésiliens, les Colombiens, les Marocains, les Iraniens les Chinois, les Ghanéens, les Nigérians, les Israéliens, etc., le fait marquant ici étant que tous ces pays cités, qui sont aujourd’hui émergents, ont compris l’importance et l’urgence de changer le regard qu’ils portaient sur leurs diasporas, et leur ont octroyé, pour la plupart, la double nationalité. Autrement dit, les travailleurs qualifiés, que les pays occidentaux recrutent à travers le monde au moyen des institutions de l’immigration, sont aujourd’hui aussi perçus, par les gouvernements de leurs pays d’origine respectifs – à l’exception du régime camerounais du Renouveau – comme une mine d’or, et sont traités avec la plus grande délicatesse et le plus grand respect !

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2. LA DIASPORA CAMEROUNAISE VUE DU RÉGIME CAMEROUNAIS DU RENOUVEAU (SOUS PAUL BIYA)

2.1. LE REJET DE LA DOUBLE NATIONALITÉ

La diaspora camerounaise est évaluée à cinq millions d’âmes réparties sur toute la planète. Ce sont cinq millions d’experts dans divers domaines de pointe. Les pays africains qui, avec une diaspora semblable, émergent, sont : le Nigéria, le Maroc, le Ghana, le Kenya, le Sénégal, l’Égypte, l’Algérie. C’est dire qu’aucun pays ayant une diaspora aussi entreprenante que celle du Cameroun ne peut expliquer ou justifier son maintien dans le sous-développement. Le Cameroun, en tant que pays pauvre très endetté, est donc tout simplement un cas d’école. Pourtant, ce pays n’a besoin de rien en matière de ressources naturelles et humaines.

Il n’a pas besoin de faire venir une expertise étrangère pour contribuer à son développement, comme le font les pays occidentaux, mais simplement d’octroyer la double nationalité à sa diaspora et de créer des conditions qui favorisent leur retour au bercail. C’est ce que les Camerounais de la diaspora réclament depuis des décennies au régime de Yaoundé; et c’est ce que ce régime refuse de faire, la diaspora n’étant bonne à ses yeux qu’à faire des transferts d’argent pour les besoins primaires du ventre.


Pour le répéter, ce que réclament les Camerounais de la diaspora, c’est la fin de la méfiance vis-à-vis d’eux et la reconnaissance de leur statut binational, statut qui leur est refusé au simple motif qu’ils détiennent un passeport étranger, comme si vivre, travailler et payer les impôts à l’étranger était un délit.

Le régime du Renouveau refuse encore et toujours d’admettre que la détention d’un passeport étranger, en donnant accès aux structures, aux infrastructures et aux fonctions les plus hautes d’un État moderne procure définitivement un avantage au Cameroun, notamment sur les plans de transfert des compétences et de la facilitation de la circulation des connaissances et du savoir-faire. Dès lors, pour la diaspora camerounaise, le silence du régime de Yaoundé sur la question fondamentale de la double nationalité est la preuve de la rupture entre elle et lui.

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Cette rupture entre l’État camerounais et sa diaspora est la raison fondamentale pour laquelle l’organe de gestion de l’élection présidentielle, Élécam, a fait le choix de ne pas inscrire les Camerounais de la diaspora sur les listes électorales.

 

2.2. LE REFUS DE L’INSCRIPTION DES CAMEROUNAIS DE LA DIASPORA SUR LES LISTES ÉLECTORALES

L’élection présidentielle du 07 octobre 2018 était une occasion en or pour le régime camerounais de renouer avec sa diaspora et même de combler ses attentes en résolvant définitivement la question de la double nationalité dans le but de se faire élire dans divers pays étrangers. Or, loin de poser cet acte salutaire et patriotique, le régime de Paul Biya s’est plutôt inscrit dans une logique de mise à l’écart de la diaspora.

En effet, en date du 29 mai 2018, le Haut-commissariat du Cameroun au Canada, en réponse à une correspondance du MRC-Canada datant du 10 mai 2018 exigeant une clarification de l’état d’avancement des inscriptions des ressortissants camerounais du Canada sur les listes électorales, répondit :«Pour le moment, il n’est pas possible de vous donner des réponses pertinentes, parce que nous continuons à attendre les instructions de la base, de l’institution en charge des élections, Élécam, qui nous a informés, dans une correspondance datée du 16 mars 2018, qu’une de ses délégations arrivera au Canada pour le lancement des inscriptions sur les fichiers électoraux. Nous ne pouvons donc encore inscrire personne sans aucune note supplémentaire. Nous avons besoin du matériel et de la logistique pour cette opération. (traduit de l’anglais)».

Deux semaines après réception de ce message, le MRC-Canada envoya, en date du 11 juin 2018, une nouvelle correspondance au Haut commissariat du Cameroun au Canada pour déplorer le non-respect du code électoral et en appeler à l’ouverture urgente et immédiate des inscriptions sur les listes électorales pour les citoyens camerounais résidant au Canada. Pendant plus de deux mois, Élécam ne répondit pas à cette autre correspondance.

De son côté, Élécam n’envoya toujours pas de délégation au Canada comme promis, et ne donna toujours pas d’instructions pour l’ouverture des inscriptions, sur les listes électorales, des Camerounais y résidant. Mais, à la surprise générale, le 14 août 2018, Élécam balança, dans les réseaux sociaux, une liste d’inscrits des Camerounais de la diaspora pays par pays. C’est le tollé qui s’empare de la diaspora camerounaise en général et de celle du Canada en particulier. Les militants et sympathisants des partis d’opposition, du MRC-Canada (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun) exigent des comptes.

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En fait, les deux premiers cas qui frappent les esprits sont ceux de l’Allemagne et du Canada dont les listes font mention de 91 et de 44 inscrits respectivement, alors même que la diaspora camerounaise d’Allemagne s’évalue à 25.000 personnes et celle du Canada à près de 10.000. Sur l’ensemble des pays mentionnés sur ces listes d’Élécam du 14 août, la même proportionnalité s’observe. « Qu’est-ce qui explique, si ce n’est la volonté de frauder et de maintenir en place le système dictatorial, qu’est-ce qui explique qu’Élécam, organe chargé de surveiller le processus de l’élection présidentielle, n’ait inscrit que 91 Camerounais sur 25.000 qui résident en Allemagne, et seulement 44 sur les 10.000 qui résident au Canada? » .

Voilà la question qui résume et rythme les discussions des Camerounais de la diaspora depuis lors. Pour eux, refuser de les inscrire sur les listes électorales n’est pas seulement une tentative de fraude. C’est de la fraude électorale dans sa pureté. D’autres affirment d’ailleurs que les 44 inscrits sur la dizaine de milliers de Camerounais résidant au Canada représentent le nombre des irréductibles partisans du régime Rdpc, l’intention étant de proclamer, avec 100% des 44 inscrits, la diaspora canadienne acquise au régime, alors même qu’elle a été totalement exclue du processus électoral.

Refuser la double nationalité aux Camerounais de la diaspora et les exclure de la participation à l’élection présidentielle à travers la non-inscription de leurs noms sur les listes électorales, et ce, en violation de la loi électorale, c’est porter atteinte à un droit fondamental du citoyen : le droit de vote. C’est pourquoi les Camerounais de l’étranger exigent l’ouverture immédiate et inconditionnelle de l’inscription en règle de tous les Camerounais de l’étranger sur les listes électorales dans la perspective des élections du 07 octobre 2018.

On ne peut pas vouloir l’émergence du Cameroun, ou solliciter un mandat présidentiel, et traiter en même temps sa diaspora avec méfiance, duperie et mépris. Le sens de l’équité, de la justice et l’impartialité d’Élécam doivent être sans ambigüité. Il y va de l’honneur et de la grandeur du Cameroun.

Maurice NGUEPÉ
Le 16 août 2018

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