CAMEROUN: SORTIR DU ROMANTISME POLITIQUE

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La pré-campagne électorale nous montre des lignes de programme de certains candidats qui relèvent manifestement du Pays des Merveilles : des autoroutes par-ci, des hôpitaux par là, la Sécurité Sociale généralisée, l’électricité pour tous, l’augmentation des salaires, la restauration de la bourse, etc.

Tout cela est bien beau. Mais je tiens à rappeler une fois de plus qu’un programme politique est essentiellement deux choses :

1. l’utilisation alternative du budget

2. Les réformes normatives qui en accompagnent la réalisation.

Il n’y a pas de programme s‘il n’y a pas ces deux choses. La raison en est simple : on ne demande pas au Président de venir faire des miracles, mais de nous montrer comment il compte utiliser les moyens mis à sa disposition. Plutôt que de nous débiter ses rêves d’un Cameroun plus riche que les Etats-Unis, il doit nous expliquer comment il compte concrètement utiliser les 4.500 Milliards de notre budget pour réaliser ses promesses, tout en tenant compte des postes très peu flexibles comme les salaires, la lutte contre l’insécurité, la maintenance de l’outil de production ou le remboursement de la dette extérieure.

De cette manière, il prouvera qu’il peut nettement faire mieux que le régime actuel en redéployant les ressources de telle ou telle autre manière. Un tel redéploiement suscite naturellement des réformes au niveau de la loi, voire de la Constitution qui font partie du package du programme.

En second lieu, dans une campagne, il est important de se pencher sur des problématiques majeures actuelles et de leur opposer des solutions qu’on soumet à l’approbation des électeurs.

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SUR LE PLAN ECONOMIQUE, le Cameroun est soumis à un second ajustement après celui de 20 ans qui a lieu de 1987 à 2006. Cet ajustement va se poursuivre et prendre un caractère plus dur, car il va se traduire par des baisses de salaire et des compressions d’effectifs à partir de 2021-2022. Déjà, le FMI menace le Cameroun, incapable de respecter les plafonds fixés et la situation ne pourra que s’empirer.

Or, ce problème est fondamental puisqu’il renvoie à l’architecture économique du Cameroun et sa mauvaise insertion à l’économie internationale.

Les candidats auraient dû s’approprier ce thème pour créer l’une des plus grandes lignes de démarcation avec le RDPC.

Mais que voit-on ? Rien ! Le Gouvernement est manifestement incapable de mettre fin à cette infernale dynamique, mais que proposent les autres ?

SUR LE PLAN POLITIQUE, les Anglophones ont pris les armes pour se séparer du reste du Cameroun. Certains y voient une éruption qui va disparaitre aussi facilement comme elle a apparu, mais ils se trompent : la sécession anglophone ne disparaitra pas avant 50 ans, cela ne s’est jamais vu nulle part. La Sécession est dans les cœurs et quand elle s’installe, elle reste vivace et seules, des mesures comme la fédéralisation peuvent la contenir, mais jamais l’éradiquer.

Devant un problème aussi grave, il faut présenter clairement la solution qu’on propose, en argumentant sur la capacité de cette solution à atténuer, voire à résoudre le problème posé.

Plus généralement, le Cameroun est l’objet d’une tribalisation à outrance, conséquence d’une violente compétition intercommunautaire sur les avantages publics. Cela met à mal le fameux vivre-ensemble qu’on sérine à longueur de journée.

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Mais le vivre-ensemble s’obtient à partir des mesures concrètes qui vont au-delà de la prétendue gouvernance que certains nous proposent comme solution. En effet, même si la mauvaise gouvernance peut lui donner un caractère explosif, le vivre-ensemble est un problème primordial et indépendant de la gouvernance d’un Etat. Sinon il n’y aurait jamais eu la Corse, l’Irlande du Nord, la Tchétchénie, le Quebec, le Tibet, la Catalogne et touts les mouvements ethniques et séparatistes qu’on trouve dans des pays démocratiques, développés et bien gérés.

Le vivre-ensemble dans un pays ethniquement clivé se résout à travers deux mécanismes institutionnels de partage du pouvoir d’Etat entre les Communautés :

-le CONSOCIATlONISME qui consiste à partager l’Etat entre les élites des diverses Communautés, à travers des pratiques comme l’équilibre régional, les listes panachées, la répartition des postes politiques et administratifs, etc.;

le FEDERALISME qui consiste à découpler l’Etat en un espace réservé à chaque segment communautaire et un espace collectif.

Face à ces deux techniques qui sont exclusives, que propose-t-on ?

Le débat aurait également dû se focaliser sur la forme de l’Etat, comme mesure fondamentale, et ceci d’autant plus que celle-ci est la matrice d’un programme politique. Un Présdent fédéral se limite aux aspects purement stratégiques de la gestion de l’Etat : il parle d’orientation de l’éducation, mais pas de salles de classe qui relève des Etats régionaux. A contrario, le Président de l’Etat unitaire se mêle de tout.

Il est donc important que chaque candidat configure son programme en fonction de la forme de l’Etat qu’il a choisie.

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Malheureusement, ce n’est pas ce qu’on constate.

Les prétendants à la Présidence doivent prendre de la hauteur et poser des problèmes de fond, au lieu des promesses puériles non étayées par un programme réaliste, en surfant sur les échecs du RDPC qui ne sont que l’expression d’un système obsolète et périmé.

Messieurs les Candidats, donnez du tonus à votre campagne !

Dieudonné ESSOMBA

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