Le retrait de la CAN au Cameroun: un autre échec diplomatique de Paul Biya
Déclaration Relative au constat sans appel de l’incapacité du Cameroun
à organiser la coupe des nations de 2019 et sa disqualification subséquente.Comme il était presque certain, au regard du constat de la situation quasi cauchemardesque fait sur le terrain, par des nationaux indépendants et les chancelleries diplomatiques avant même les experts et autres enquêteurs spécialement mandatés, la Confédération africaine de Football (CAF), réunie en assemblée régulière à Accra, le 30 novembre 2018, a retiré, par un vote à l’unanimité, l’organisation de la coupe d’Afrique des Nations de 2019 au Cameroun.
Au-delà du sport, nous venons de subir, n’en déplaise aux communicateurs officiels habitués à une langue de bois venimeuse, un échec diplomatique de très grande amplitude et aux implications multidimensionnelles.
Depuis les jeux olympiques de Berlin de 1936 où Hitler quitta la tribune tout furieux parce que le Noir Américain Jesse Owen avait remporté quatre médailles d’or, et les jeux olympiques de Munich de 1972 où un commando palestinien baptisé septembre noir fit irruption au pavillon israélien, jusqu’aux boycotts des jeux d’abord de Moscou par les Etats Unis et alliés, puis des jeux de Los Angeles par l’URSS et ses alliés, le sport, la politique et la diplomatie sont intimement liés et magnifient
l’exaltation des intérêts nationaux. Entre la triomphe et fierté, ou échec
et déchéance.
Mais faudrait-il le souligner, la pire des situations qu’une nation peut
vivre, c’est celle que vient de connaître le Cameroun. C’est aussi la pire
des humiliations, et la suprême perte de confiance dans la crédibilité, le
rayonnement et l’influence sur la scène internationale. Rien que l’impact
psychologique est tel, qu’il y a lieu de s’interroger sur l’ensemble de
l’équilibre, de la stabilité et du système de gouvernance. Par ailleurs,
autant on peut valablement ramener la nouvelle à une échelle réduite par habitude de simplification et de condescendance vexatoire connue sous nos cieux, autant il va être absolument impossible de ne pas tirer toutes les conséquences de ce qui constitue au propre comme au figuré, une retentissante déculottée.
Dans cette approche, c’est d’abord au Chef de l’Etat, de se faire une idée
définitive sur son entourage, ses proches conseillers, ses émissaires à un
titre ou à un autre. Trop de drames, de défaillances, de déroutes et de
fautes sont demeurés sans réels sursaut, et trop de courtisans, de
représentants, de hauts commis, pourtant bien identifiés, n’ont jamais été sanctionnés.
Les accidents de Nsam, d’Eséka, de la Camair dans les mangroves et bien d’autres, nous interpellent et meublent un passif malsain qui induit un avenir sombre, aboutissant logiquement à une CAN sans CAN, à trop de bruits pour une finalité de la honte.
On sait, nous savons, ils savent, et ceux qui nous fréquentent savent,
combien et comment, des personnages obscurs ou hauts en couleurs, rompus à la tricherie, à la corruption, à la discrimination et à toutes sortes de trafics, avaient déjà tissé des réseaux, des toiles infectes et des marchés frauduleux ou surfacturés, sur le dos de cet événement. La note pour le pays est salée, et c’est sans doute le moment de secouer le
cocotier une fois pour toute.
Trop de gens passent le temps à mentir au président et à faire mentir le
président. Nous savions tous, nous avons toujours su, et sans doute eux
aussi, que nous n’y arriverions pas, que nous n’avions rien de crédible ni
d’acceptable en termes d’infrastructures, sans évoquer une mentalité et
une sous culture publique pourrie, où les officiels et les personnels de
sécurité de tous les niveaux, sont les premiers à violer les feux de
circulation.
Nous voici le jour d’après, comme quand on vous annonce la mort de vos
parents et de vos enfants en même temps, alors que tous les signaux vous avaient été envoyés en vain, avec des millions de messages de vous
réveiller, de prendre vos responsabilités, de leur procurer des soins.
C’est le genre de deuil qui vous change, et à défaut de pouvoir vous
changer, vous tue carrément. Ce fut un vote à la majorité, à un endroit où un des nôtres trônait encore comme le patron suprême il n’y a pas
longtemps. C’est-à-dire que nous n’avons aucun ami ni allié. C’est-à-dire
aussi que notre cas est lourd. Nous avons tenté, essayé, d’exporter et
d’imposer notre habitude de la tricherie, du mensonge et du discours creux fait de promesses fallacieuses et d’autosatisfactions envoûtantes, mais le mur de la vérité, du pragmatisme et du monde réel qui avance, et non celui des autoroutes fantômes, vient de nous être opposé.
Portons le deuil, mais faisons le grand ménage et remettons-nous en cause.
Ce n’est ni l’affaire de Paul Biya ni l’affaire de tel ou tel ministre et
de tel compatriote, c’est l’affaire de toutes les Camerounaises et de tous
les Camerounais, de nos amis et nos vrais ami aussi. C’est notre affaire à
tous. Le pays n’organisera pas la CAN, mais il peut et doit organiser son
réveil. Le destin des nations est fait des hauts et des bas, et les
générations doivent assumer.
La Commission indépendante contre la corruption et la discrimination
attend vivement du président de la République, Chef de l’Etat, qu’il tire
toutes les conséquences, les meilleures conséquences possibles, pour
redonner un sens, une orientation, une réelle espérance et une place à
notre destin collectif. C’est sa responsabilité première, pleine et
exclusive./.
Yaoundé, le 1er Décembre 2018
Le Médiateur Universel
SHANDA TONME
Président de la Commission