L’appel du 1er juin de Maurice Kamto
Je suis Maurice Kamto depuis 9 ans. C’est à dire depuis sa sortie du gouvernement. J’ai lu tout ce qu’il a pu écrire sur le Cameroun et tous ses discours depuis sa sortie du pouvoir et son élection à la tête du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Cependant, il n’a jamais été aussi lethal. Une lethalité tant sur le point de la forme que du fond. Ce qui ne l’éloigne pas de sa stature de républicain et d’homme profondément mu par le désir de construire une République nouvelle et de protéger ses concitoyens de la violence politique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la résolution de la crise anglophone et la reforme du système électoral qui sont à la base des crises sécuritaires et politiques qui affectent notre pays sont mises en avant par Maurice Kamto avant l’organisation de toute échéance électorale. Ce qui est fondamental car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et l’expérience montre que le Cameroun n’est pas à l’abri de ce qui s’est produit ailleurs : guerre civile ou rebellion armé. En tant que leader politique il réaffirme que son ambition n’est pas forcément de conduire les destinées du Cameroun mais de créer un contexte social et politique de respect, d’amour, de vivre ensemble et de démocratie. Mais ce qui m’interresse ici c’est la violence du discours.
SUR LA FORME
La forme en elle même traduit la gravité du moment. Certainement de la colère. Une veste noire : signe du deuil. Une cravate rouge : le sang. Un visage ferme : la colère. Des mains qui s’agitent en permanence : la fermeté. Un discours environ 110 lignes texte. Avec de longs paragraphes. Mais qui ne sont pas nombreux. Ce qui renvoie en réalité à une voté de parler peu mais de manière dense. Tout en développant une ou deux idées cléées. Régulièrement ses discours chevauchent entre 17 minutes et environ 30 minutes. C’est un professeur d’université qui a pleinement conscience du faible niveau de politisation de la société camerounaise. Donc il s’inscrit toujours dans cette dimension pédagogique qui vise à donner des instruments analytiques à ceux qui savent expliquer ou de simplifier la compréhension à ceux qui ne peuvent pas percevoir certaines dynamiques politiques. C’est un discours qui fait exactement 9mn 20 secondes. C’est à dire deux fois moins que le temps habituel. Cela veut dire qu’il avait un seul message à passer : le NON AU GRE A GRE. Cependant il le martèle depuis des mois. Donc à priori on pourrait penser que cela n’est pas nouveau. Mais ce qui est intéressant c’est qu’il s’agit pour la première fois d’un discours qui porte sur un rejet d’un dévolution non démocratique du pouvoir. Cela traduit à la fois une préoccupation profonde mais également l’urgence de se préparer pour s’y opposer. Mais c’est dans le fond qu’il se pose en général d’armée contre le gré à gré.
SUR LE FOND
Ce qui est clair c’est qu’au delà des question politiques c’est à dire qu’il reste ferme sur deux enjeux : résolutions de la crise anglophone et reforme du système électoral. Maurice Kamto se pose se pose clairement en général des troupe prêt à repartir sur le terrain. La dernière fois où il avait fait montre de cette aptitude c’était le 26 janvier 2019 à Douala avec Christian Penda Ekoka et Albert Dzongang à ses côtés. Ce jour il invitait les parents à laisser leurs enfants à la maison et venir marcher avec lui qui est également père de famille. Il sera arrêté le 28 janvier 2019 et après 9 mois de prison lorsqu’il sortira il se dira directement prêt à y retourner au nom de la liberté et de la démocratie. Cette fois -ci il lance un ultimatum lorsqu’il dit :« Nous nous dresserons contre toute manipulation, même constitutionnelle, tendant à l’accession à la fonction suprême par des moyens autres qu’électifs. Nous nous mobiliserons contre l’organisation de nouvelles élections populaires au Cameroun sans que soient remplis les deux préalables majeurs que sont la résolution du conflit armé dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et la réforme consensuelle du système électoral ». Il ne s’arreête pas là. Il poursuit en affirmant : « Trop c’est trop ». Il marque là son exaspération mais plus profondément sa détermination.
Cette détermination qui traduit en réalité un sens du sacrifice qu’il a endogeneisé se lit dans cette phrase : « Nous sommes prêts ! Les tortures, les emprisonnements arbitraires et les humiliations, nous les connaissons déjà ! Quinze d’entre nous, dont le premier Vice-Président du MRC, Mamadou Yacouba Mota, sont encore en prison. Et si la mort doit venir pour cette cause, qu’elle vienne ! ». Dans ces propos ce n’est pas seulement l’expérience de la prison, de l’enferment en dictature que Maurice Kamto mais en exergue. Mais c’est l’esprit du sacrifice ultime. Ce sacrifice ultime, c’est la mort. Heidegger ne disait pas t’il que lorsqu’on nait on est assez vieux pour mourir. Maurice Kamto est prêt à mourir. D’ailleurs et le réitère dans ces propos : « Je vous l’ai dit, je ne vous trahirai jamais ! ».
Pour finir, il y a une très forte dimension d’interpellation à la citoyenneté. Il y a une volonté d’inviter les camerounais à se battre à ses côtés. A plusieurs reprises il utilise le « vous ». Unvolonté de parler directement à ceux qui l’écoutent. Il a pleinement conscience que cette bataille dans laquelle il est prêt pour l’ultime sacrifice est une lutte commune. « Tenez-vous prêts, mes chers compatriotes, afin qu’ensemble nous engagions la phase ultime de la lutte pour la libération du Cameroun et l’avènement de la démocratie dans la vie politique de notre pays. Vous devez enfin pouvoir peser sur le destin de notre nation, compter sur un meilleur avenir pour vos enfants, construire un pays fort et lui assurer un rayonnement international » martèle t’il. Il a pleinement conscience que les jours les mois les années qui arrivent sont déterminants pour l’avenir de ce pays. Il appelle le peuple à faire chorus derrière lui. Il a pleinement conscience de la difficulté mais se pose en rassembleur. L’objectif selon lui est clair : « épargner à notre pays un nouveau désastre de presqu’un demi-siècle qu’on lui prépare à travers l’usurpation du pouvoir ». Sur cette phrase il se pose de nouveau en leader nationaliste. Car en réalité il y a 50 ans, le parti qui avait les ressources humaines et l’organisation pour prendre en main le destin du Cameroun, l’UPC a été sacrifié, humilié et ses leaders assassinés. Notamment Um Nyobe. Maurice Kamto appelle à mettre fin à cette tragédie de l’histoire.
Nous découvrons ce soir un autre Maurice Kamto.
BORIS BERTOLT
LE DISCOURS DU PRÉSIDENT ÉLU MAURICE KAMTO À L À NATION CE SOIR
Mes chers compatriotes,
A maintes reprises, et récemment encore dans mon adresse du 19 mai 2020, j’ai attiré votre attention sur les manœuvres visant à organiser la succession de gré à gré à la tête de notre pays. Je puis vous dire aujourd’hui que les choses se précisent. Les artisans du gré à gré sont plus que jamais à l’œuvre. Par ce biais, ils veulent accélérer le cours de l’histoire à leurs fins, au mépris de toutes les règles démocratiques de dévolution du pouvoir et des souffrances du peuple camerounais, je voulais dire de vos souffrances.
Qu’il soit clair pour tous : nous n’accepterons jamais aucune forme de succession de gré à gré à la tête de l’Etat. Nous nous dresserons contre toute manipulation, même constitutionnelle, tendant à l’accession à la fonction suprême par des moyens autres qu’électifs. Nous nous mobiliserons contre l’organisation de nouvelles élections populaires au Cameroun sans que soient remplis les deux préalables majeurs que sont la résolution du conflit armé dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et la réforme consensuelle du système électoral. Rien ni aucune circonstance politique, même exceptionnelle, ne pourra être invoquée pour organiser de nouvelles élections sans le respect de ces deux préalables. Nous n’avons cessé de faire des propositions concrètes pour la résolution de l’une et l’autre crises.
Mes chers compatriotes,
Comme vous le savez, à l’issue de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018, le Conseil Constitutionnel a porté un coup dur à la démocratie camerounaise, en déclarant vainqueur un candidat qui n’avait pas réuni la majorité des suffrages dans les urnes. A la suite de cette forfaiture, des militants et sympathisants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun ont été brutalisés, torturés puis illégalement jetés en prison pour avoir protesté pacifiquement contre ce hold-up électoral, contre la guerre dans le NOSO, et contre la prévarication des ressources dédiées à l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2019, finalement retirée au Cameroun.
Tous les leviers du pouvoir étaient actionnés contre la résistance nationale au hold-up électoral. Qu’il s’agisse de la police, la gendarmerie, l’administration territoriale, les médias publics et même de la justice, supposée être l’ultime recours du citoyen, les artisans de la succession de gré à gré au sommet de l’Etat n’ont rien épargné pour livrer bataille contre le peuple, contre vous, mes chers compatriotes.
Mais vous êtes restés debout, fiers de mener le combat pour la libération de notre pays. La réponse exceptionnelle que vous avez massivement apportée à l’appel au boycott du double scrutin législatif et municipal du 9 février 2020 que le MRC a lancé le 25 novembre 2019 en est une preuve irréfutable. Par votre « NON » à ce double scrutin, vous avez martelé et réitéré votre « Non au hold-up électoral ». Car, il faut bien se rendre à l’évidence que le régime de Monsieur Paul Biya reste sourd, indifférent et dédaigneux face aux souffrances de nos populations martyrisées du NOSO et aux attentes légitimes du peuple camerounais relatives à la réforme consensuelle du système électoral. Il sait qu’une telle réforme, si elle est bien menée, sonnerait à coup sûr le glas des élections frauduleuses qui ont tristement émaillé l’histoire de notre pays.
Vous comprenez pourquoi ceux qui ne veulent pas d’alternance par la voie démocratique dans notre pays sont à l’œuvre et prêts à franchir toutes les bornes, avec l’appui de leurs soutiens extérieurs. Tout cela est en train de se dérouler sous vos yeux. Je vous alerte afin que nul n’en ignore, ni aujourd’hui ni plus tard.
Nous sommes rendus à un tournant de notre histoire. Il s’agit de ces moments où chaque peuple doit trouver au fond de lui le ressort et le sursaut indispensable pour choisir le cours de son destin. Par notre vigilance collective et notre sens du devoir patriotique, nous devons épargner à notre pays un nouveau désastre de presqu’un demi-siècle qu’on lui prépare à travers l’usurpation du pouvoir.
C’est pourquoi je réitère avec gravité que faute d’une résolution politique de la guerre civile que le régime BIYA a provoquée dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et sans une réforme consensuelle du système électoral à laquelle auront pris part les principales formations politiques et les organisations de la société civile crédibles, le MRC et le Peuple du Changement n’accepteront pas qu’une nouvelle élection populaire se tienne au Cameroun. Pas plus qu’il n’acceptera aucune manipulation de la Constitution visant à organiser une succession à la tête de l’Etat par un mécanisme non électif.
Autant dire que l’annonce de l’organisation d’une élection au Cameroun sans la résolution préalable de ces deux crises qui minent notre pays sonnera comme une déclaration de guerre. Et tous ceux qui engageront le pays dans une telle aventure en répondront devant notre peuple et devant l’Histoire.
Trop c’est trop ! Le peuple camerounais a assez souffert de la gloutonnerie de quelques personnes dont toute l’incompétence, l’irresponsabilité et le cynisme s’étalent encore de façon dramatique à la face du monde dans le cadre de la lutte contre la pandémie du COVID-19, et qui croient pouvoir conserver éternellement le pouvoir uniquement par la terreur d’Etat. Il est temps que la dévolution du pouvoir dans notre pays passe enfin par des processus démocratiques admis dans toutes les sociétés modernes ; que le peuple camerounais ait la possibilité de se donner librement et dans la transparence des dirigeants légitimes, qui sont tenus de lui rendre des comptes sur la gestion des affaires publiques.
Nous sommes prêts ! Les tortures, les emprisonnements arbitraires et les humiliations, nous les connaissons déjà ! Quinze d’entre nous, dont le premier Vice-Président du MRC, Mamadou Yacouba Mota, sont encore en prison. Et si la mort doit venir pour cette cause, qu’elle vienne !
Tenez-vous prêts, mes chers compatriotes, afin qu’ensemble nous engagions la phase ultime de la lutte pour la libération du Cameroun et l’avènement de la démocratie dans la vie politique de notre pays. Vous devez enfin pouvoir peser sur le destin de notre nation, compter sur un meilleur avenir pour vos enfants, construire un pays fort et lui assurer un rayonnement international.
Parce que la voie des élections démocratiques pour l’accès au pouvoir est celle que nous avons choisie résolument depuis le début de notre engagement politique, je vous invite et vous réitère mon appel à vous inscrire massivement sur les listes électorales, pour que le moment venu, l’expression de votre choix soit massive, nette et sans appel.
Ceci est un appel à la mobilisation générale des Camerounais de tous bords, pour sortir notre pays de la nuit d’une dictature ivre du pouvoir et du fruit de la rapine, et ouvrir une page nouvelle de la construction nationale, celle d’une société libre, fondée sur l’Etat de droit, ouverte et qui donne sa chance à chacun de ses enfants.
Je vous l’ai dit, je ne vous trahirai jamais !
Vive le Cameroun !
Yaoundé le 1er juin 2020
Le Président Elu
Maurice KAMTO