Jean Takougang: En décidant de quitter la chefferie pour suivre les chants des sirènes dans les bureaux d’une Administration antagoniste et d’un autre genre, le chef s’est désacralisé
CHEF TRADITIONNEL ET AUXILIAIRE DE L’ADMINISTRATION : DECHEANCE OU PROMOTION DE LA CHEFFERIE TRADITIONNELLE ?APRES LES REGIONALES, QUE PENSEZ-VOUS DE CETTE REFLEXION?
Par le décret n°77/425 du 15 juillet 1977, le Président de la République a cru devoir « organiser » les Chefferies traditionnelles et faire des Chefs des auxiliaires de l’Administration. Promotion ou déchéance du chef et de la chefferie traditionnelle ? Pour beaucoup, il était clair que le gouvernement avançait ainsi masqué pour en réalité désorganiser, déstabiliser et détruire ces premiers regroupements humains dont la plupart, en d’autres temps, ont fait la fierté de l’Afrique par leur rigoureuse organisation politique et institutionnelle au service d’une opposition farouche à la poussée de la colonisation.
Mais, le plus surprenant, c’est que la levée de boucliers et le bras de fer qu’une telle immixtion, mieux, une telle entrée par effraction de l’Administration dans le siège de la tradition et de la mémoire collective aurait dû provoquer n’a pas eu lieu.
Les principaux concernés, en victimes consentantes ou résignées, ont accepté cette situation incongrue et inconfortable et se sont accommodés avec une rapidité suspecte à une ingérence pourtant de nature à mettre à très brève échéance en danger la chefferie comme institution et partant, la seule et véritable raison d’être des chefs traditionnels.
Avant toute analyse, il faudrait déjà reconnaître qu’avant-hier et hier, quand les chefs traditionnels étaient pourvoyeurs d’esclaves pour la traite ou collecteurs d’impôts forfaitaires pour l’administration, ils jouaient déjà, peut-être sans le savoir, le rôle d’auxiliaires.
Le décret du 15 juillet 1977 n’est donc que l’aboutissement et la formalisation d’un long processus d’affaiblissement mis en marche depuis bien longtemps. Nous demander comment ils vivent au quotidien cette contradiction, cette duplicité et cette ambivalence dégénératives nous a paru contre-productif et susceptible de faire croire à une propension hâtive à juger, à fustiger et à condamner. Car, après tout, quand on y regarde de très près, les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’on le croirait. Nous avons pensé qu’il était plus judicieux et plus constructif de chercher d’abord à comprendre comment on en est arrivé là et, peut-être, condamner par la suite s’il le faut, mais surtout trouver et proposer une porte de sortie honorable qui respecte l’amour-propre des forces en présence tout en préservant leur intégrité. Nous commencerons d’abord par donner à la chefferie traditionnelle la définition qui reflète son contenu réel et authentique en vue de mieux circonscrire les débats et éclairer l’étendue des enjeux.
La chefferie traditionnelle est une « unité de commandement » dont le pouvoir s’exerce sur un territoire appelé « village, groupement… », avec des frontières bien définies et reconnues par les chefferies ou villages limitrophes et parfois même, bien au-delà, selon la valeur intrinsèque, la puissance et le rayonnement de son chef ou de ses populations. Une Chefferie traditionnelle se définit donc par trois éléments déterminants : un territoire quadrillé par des institutions coutumières fonctionnelles, une population généralement homogène liée par la langue, une histoire, des us et des coutumes millénaires communs et une unité politique nouée et scellée autour d’un souverain.
Avec cette définition calquée sur ma chefferie d’origine, je me surprends de constater que je suis en train de donner à la chefferie traditionnelle, à très peu de choses près, la même définition que les différents dictionnaires donnent à un Royaume ou à un Etat dit « moderne » ! Rien d’étonnant à cela, puisque les chefferies traditionnelles sont en réalité les regroupements humains qui jouaient, avant la Colonisation, le rôle que jouent aujourd’hui avec plus ou moins de bonheur ce qu’on appelle Etats modernes. Depuis lors, certains se sont disloqués ou se sont laissés phagocyter et avaler par l’administration, mais d’autres par contre, ont lutté et résisté avec hargne et détermination aux manipulations, aux invasions et aux coups de boutoir de la poussée inexorable de l’urbanisation et de la « politique » !La Chefferie traditionnelle est donc pour ainsi dire un royaume, un Etat, avec tous les attributs de l’Etat moderne. Le chef n’est donc pas ce simple chef administratif nommé de façon discrétionnaire et discriminatoire par un individu auquel il est soumis et doit allégeance. Il n’est pas assis sur un fauteuil éjectable. C’est un véritable souverain qui règne à vie et qui, à sa mort, est automatiquement remplacé de façon héréditaire par un de ses fils ou, le cas échéant, des collatéraux.
Il dispose d’une autorité qui n’est pas fondée sur la force, mais sur une adhésion légitimée par la tradition et justifiée par l’ordre naturel et divin. Son séjour et son initiation au « Laakam » ou ailleurs selon les régions lui confèrent un charisme certain et font de lui un démiurge doté de qualités exceptionnelles l’autorisant à commander. Il jouit devant son peuple d’un pouvoir spirituel et temporel. Il est donc investi d’une autorité qui relève du sacré, du magico-religieux et qui le rend à la fois vénérable et redoutable.
Il est le prêtre, l’intermédiaire et l’intercesseur entre les ancêtres (les morts) et son peuple.L’administrateur, qui a été formé à l’Ecole du Colonisateur, qui a intégré ses méthodes et qui est son prolongement et son mandataire sait bien tout cela. Il sait comment son maître avait manœuvré pour subjuguer, brimer, soumettre, gouverner, et résorber les tribus indigènes qui lui ont tenu tête. Par ce décret du 15 juillet 1977, il procède de la même manière et son but, à la longue, est le même : aliéner et déraciner les tribus récalcitrantes en détruisant leurs cultures et traditions et en coupant leur racine pivotante, la chefferie, cette institution millénaire qui a regroupé nos communautés depuis l’aube des temps et autour de laquelle leur unité s’est construite, cristallisée et raffermie ! Cet acte administratif est donc une invasion, une agression et une annexion en règle. Quand un conquérant s’installe en terre conquise, il se hâte d’en détruire la culture afin d’imposer la sienne pour assimiler les vaincus. Or, qui dit assimiler dit phagocyter, ingérer, digérer.
En organisant les chefferies traditionnelles par un décret, l’administrateur sait bien qu’il fait un mélange explosif de genres qui divorcent, mais comme il tient à imposer sa façon de penser et sa vision du monde, il ira jusqu’au bout de sa logique. Pour lui, il n’y a pas la moindre contradiction à être à la fois chef traditionnel indigène et auxiliaire de l’administration ! Du Conseiller technique jusqu’au chef de bureau en passant par les directeurs et autres chefs de service, il n’y a que des « chefs » dont la hiérarchisation de la fonction publique fait de certains chefs les auxiliaires des autres. Encore que ce roi qu’il dénigre en privé et qu’il appelle chef pour ne pas lui donner toute l’envergure qu’il mérite, n’est au fond qu’un objet de haine et de mépris qu’il faut humilier. Subtilement. Progressivement.
Mais sans état d’âme : en l’exploitant et en l’utilisant à fond contre les siens ! L’Administrateur sait bien que pour pénétrer les milieux ruraux et péri-urbains hostiles et inaccessibles qui représentent pourtant des enjeux politiques, économiques et sociaux importants qu’il veut contrôler, il a besoin de l’appui des chefs traditionnels qui sont les seigneurs et les maîtres naturels incontestés de ces zones. En faisant d’eux des auxiliaires, c’est-à-dire ceux qui suppléent les titulaires, ils agiront en ses lieu et place, et il réalisera beaucoup plus facilement ses desseins, tout en leur donnant l’illusion d’un supplément de pouvoir et d’honneur ! Et en cela, l’administrateur noir d’aujourd’hui n’innove nullement.
Il suit fidèlement les traces de son prédécesseur et inspirateur blanc, car malgré leurs prétentions et fanfaronnades de rationnels, ni l’un ni l’autre ne sont prêts à braver la forêt sacrée et ses bruits mystérieux, les fétiches thériomorphes qui dévisagent et repoussent les visiteurs suspects, ou les rites, les interdits et autres tabous qui rythment et agrémentent le quotidien de la vie à la chefferie.Pour « tenir » le village, il doit mettre le chef à contribution, non pas dans un contrat négocié entre deux institutions ou deux souverains, mais dans un marché de dupes où il le « nomme » auxiliaire, c’est-à-dire un employé au statut bâtard recruté à titre provisoire.
Ce genre de convention, comme on le sait, est toujours empreint de féodalisme, de paternalisme et de condescendance. Autrement dit, elle repose fatalement sur la soumission et la fidélité sans bornes du vassal au suzerain. Lorsqu’on sait que le suzerain ici est l’administrateur et le vassal le chef traditionnel, on comprend qu’en acceptant une telle convention qui fait du roi adulé et vénéré par son peuple un simple employé recruté à « titre précaire et essentiellement révocable », les dieux sont tombés sur la tête ! Car poussés de leur piédestal, ils sont ravalés au rang des plus méprisables des mortels : au rang d’esclaves !
Le décret de 77 est donc doublement assassin : il ne fait pas seulement du chef un auxiliaire, mais suprême injure, il classe aussi les chefferies et les chefs en catégories : chefs de premier, deuxième et troisième degrés selon sûrement l’étendue de leur servilité et capacité de nuisance contre leur peuple. De même, ils seront installés selon leur catégorie par le gouverneur, le préfet ou le sous-préfet auxquels ils doivent soumission, allégeance et obligation d’obéissance hiérarchique ! Leur pouvoir n’est plus désormais légitimé par la tradition ou l’ordre naturel et divin mais par la volonté versatile de l’administration ! Le chef traditionnel alors dégénère et n’est plus considéré que comme un méprisable agent administratif que tout un chacun peut tutoyer, affronter !
D’ailleurs, cette classification absurde ne vise qu’à semer la zizanie parmi les chefs traditionnels et à nuire à cette institution qui gêne par l’adhésion et la cohésion sociales qu’elle a su au fil des siècles secréter au sein des populations. Car, comme toute hiérarchisation crée des liens de subordination et de contrôle, peut-on penser un seul instant que les chefs de degrés supérieurs iront donner des ordres dans les chefferies des degrés inférieurs ? Peut-il nous venir l’idée saugrenue de classer des Etats ou des royaumes en établissant entre eux des rapports hiérarchiques et de subordination ?
Mais je me dois à la vérité de reconnaître que toutes les chefferies sur toute l’étendue du territoire ne répondent pas à la définition donnée plus haut. Dans certaines régions, le chef, comme nous l’entendons, n’est plus qu’un lointain souvenir qui relève de l’archéologie politique ou de la paléontologie.
La chefferie n’y est pas plus vaste que la maison en ruines d’un chef au pouvoir décrépi que tout le monde peut tancer à loisir et qui n’est plus reconnu comme tel que par la grâce d’un décret et la peur du gendarme. Dans ces zones-là, la problématique de la dualité du chef-auxiliaire ne se pose plus de la même manière. Cette situation est même souhaitée, revendiquée et perçue comme un supplément de reconnaissance et de puissance : une promotion en somme ! Tous les chefs traditionnels n’ont pas toujours pu ou su résister aux croisades et aux multiples sollicitations organisées en leur direction par des politiciens en mal de popularité et de positionnement et autres pêcheurs en eaux troubles. Ministres, pseudo-intellectuels, hommes d’affaires, hauts fonctionnaires et autres soi-disant « élites intérieures et extérieures » semi-lettrées, tous anoblis pour les besoins de la cause, sous le prétexte de faire nommer les leurs à des postes de responsabilité pour ne pas laisser le village à l’écart de la mangeoire ont, à coups de corruption, de chantage, d’intimidations ou de ruse transformé les chefferies et chefs traditionnels en instruments de manipulation des populations villageoises.
Ils les ont amenés à se dépouiller des attributs de dignité, d’honneur et de majesté qui brodaient leur prestance et les mettaient au-dessus du lot. En violant le serment de rassemblement et de fidélité à la tradition prêté à la sortie du Laakam, ils sont devenus parjure et tombent de ce fait sous le coup d’une déchéance totémique : ils ne sont plus panthères ou lions, mais caméléons !
Les valeurs traditionnelles de neutralité, de solidarité, d’impartialité, d’honnêteté et d’humilité qu’ils incarnaient et représentaient ont volé aux éclats devant les puissances des ténèbres, de l’argent facile, de l’égoïsme et de l’accumulation immodérée des biens matériels. La chefferie traditionnelle est en crise : elle est branlante, parce que sapée et secouée dans ses fondements. Les chefs traditionnels, comme ensorcelés, ont vendu leur âme et leur conscience pour des broutilles. Auparavant, les princes en général et héritiers en particulier subissaient dès leur jeune âge une éducation spécialisée, très spartiate, qui les préparait à être à la hauteur des tâches auxquelles ils devaient être appelés. Aujourd’hui, beaucoup de princes et d’héritiers découvrent leur village avec les obsèques de leur chef de père et leur entrée au Laakam ! Que peuvent-ils vraiment apprendre de sérieux en neuf semaines sans pré-requis solides ? Pire encore, pour des raisons évidentes de clientélisme politique, les usurpations et les détournements de successeurs sont légion dans nos villages et chefferies, au profit d’apprentis sorciers, anciens hauts fonctionnaires, roturiers hâtivement anoblis à coups de millions ou « élites » amorties qui ont depuis rejeté et oublié les traditions.
Que peut-on attendre de tels parvenus ? Il est cependant intéressant de relever que malgré la publication du décret querellé depuis 1977, le virage le plus scandaleux et le plus dangereux n’aura eu lieu que dans les années 90 lorsque, à l’aube du retour au multipartisme, les bastions traditionnels que l’on croyait hier imprenables se sont fissurés. Nous pensons avec nostalgie aux puissantes chefferies de l’Ouest, du Sud et Nord-Ouest, ainsi qu’aux lamidats du Septentrion. En effet, voici ce que les chefs traditionnels de l’Ouest écrivent en mai 1993 dans un mémorandum adressé au Premier Ministre. Le véritable chant du cygne :« Pour la survie des chefferies traditionnelles, il convient que la place du chef soit constitutionnellement reconnue et que les avantages y afférents soient spécifiés et harmonisés sur l’ensemble du territoire national. Il ne doit plus y avoir deux poids et deux mesures ». La Bible nous parle avec compassion d’un insensé qui avait échangé son droit d’aînesse contre un plat de lentilles ! Voilà les chefs traditionnels de l’Ouest (et d’ailleurs) dans la même situation.
Et pourtant, quand on voit le faste et la somptuosité des cérémonies qui consacrent leur intronisation ou leur sortie du Laakam, le culte que leur vouent « leurs sujets » les dons en nature et en numéraire qu’ils reçoivent au quotidien pour les funérailles et droits d’admission dans les sociétés secrètes, on aurait cru que pour rien au monde, ils n’envieraient la situation d’un ministre.
Mais voici qu’être chefs traditionnels et « auxiliaires » de l’administration ne leur suffit plus. Ils veulent tous abandonner les honneurs, la dolce vita et autres attributs traditionnels de la Cour pour devenir de simples conseillers municipaux, maires ou autres « vulgaires » fonctionnaires, avec un salaire fixe, régulier et harmonisé, afin que « survivent les chefferies traditionnelles ». Pour eux, si les chefs restent et demeurent chefs, les chefferies traditionnelles vont disparaître : c’est le monde à l’envers ! Des chefferies traditionnelles financées par l’Administration mais dirigées par des fonctionnaires ! Si au moins tout s’arrêtait là !
Leurs paradoxales préoccupations vont encore plus loin :« Les chefs se demandent quelle sera leur place dans la loi électorale en cours d’élaboration surtout quand on se souvient qu’ils ont été écartés des premières consultations législatives et même au sein du RDPC et que lors des consultations municipales, des chefs qui avaient conduit des listes victorieuses se sont vus préférer des personnes non militantes dans le RDPC, et ne figurant sur aucune liste pour diriger les destinées des communes.
Va-t-on encore les exclure des consultations électorales ? »Interrogation lancinante s’il en fut ! Comme on le voit, l’ambition politique et partisane des chefs en faveur d’un parti s’exprime au grand jour. Les voilà qui abandonnent leur navire comme de fragiles esquifs, sombrent armes et bagages dans les sables mouvants des calculs politiciens. Leurs prétentions sont si précises qu’on ne saurait plus se demander à qui le crime profite. Les chefferies semblent devenues trop étroites pour leurs locataires qui ne veulent « plus être exclus des consultations électorales ». Le chef était sacré parce que personne ne se mesurait à lui et lui non plus ne se mesurait à personne. On en était arrivé à croire que personne au village ne pourrait l’emporter sur le chef dans quelque compétition que ce fût, ou qu’il arriverait malheur à quiconque oserait l’affronter. Aujourd’hui, la cupidité, l’égoïsme et l’engagement partisan ont amené le roi à compétir contre ses sujets …et perdre, même après avoir emporté l’urne dans la forêt sacrée !
Et rien n’est arrivé à personne et tout le monde a enfin compris que les chefs si longtemps divinisés n’étaient des humains…bien fragiles ! Si c’est pour cela qu’ils exigent que leur place soit constitutionnalisée, on peut déjà leur répondre qu’ils se trompent d’époque et de terrain, les consultations électorales n’étant ni des successions dynastiques et héréditaires ni des nominations, mais des élections au suffrage universel !On pourrait bien à juste titre se demander comment les chefferies (royaumes) auraient pu conserver toute leur intégrité à l’intérieur des états modernes. Les dérives dictatoriales et criminelles de Rey-Bouba, de Balikumbat et d’ailleurs auraient pu justifier cette préoccupation. Mais, force est de constater que les meurtres commis ici et là en toute impunité n’ont été que sur « des opposants » (assassinats des députés UNDP et du responsable SDF) et pour le soutien et la défense du parti au pouvoir. Il ne faut donc se tromper ni de cible ni de guerre.
Quant à l’existence de petits royaumes à l’intérieur d’une « république ? » et les problèmes qu’ils poseraient à la réalisation de l’unité nationale, l’histoire d’autres grands pays, notamment de la France avec la Principauté de Monaco, le Royaume Uni avec le Roi ou la Reine nous enseigne qu’il suffit tout simplement que la loi précise la sphère de compétence et d’action de chaque institution et que tout le monde respecte les règles du jeu. Il était donc tout à fait légitime que le gouvernement pense à « organiser » les chefferies traditionnelles pour les arrimer aux exigences de la cohabitation et de la modernité.
Mais organiser, ce n’est ni soumettre ni détruire. Dans le cas d’espèce, c’était trouver un modus vivendi, conclure un pacte de non-agression sur des bases claires afin de ne pas jeter le bébé de la tradition avec l’eau du bain ; se soucier de la survie et de la pérennité de la chefferie traditionnelle en « la purgeant » et en anticipant sur les dangers qui la menacent !
En demeurant une Monarchie, le Royaume-Uni n’est pas moins une démocratie exemplaire et enviée. Tout est question de l’organisation et du respect des lois qui fixent les attributions et le fonctionnement de chaque structure dans la perspective d’une coexistence harmonieuse et pacifique ! Les choses ici se compliquent parce que, réfractaires à la démocratie et au partage du pouvoir, nos soi-disant états modernes ne sont en fait que des royaumes qui se battent contre les chefferies pour le leadership et l’extension de leur territoire !
En décidant de quitter la chefferie pour suivre les chants des sirènes dans les bureaux d’une Administration antagoniste et d’un autre genre, le chef s’est désacralisé.
Son masque mystico-magique est tombé et on a remarqué qu’il est comme tout le monde. Alors, le roi est nu ! Quand le sacré et le mystère abandonnent la chefferie, elle devient une simple concession ordinaire et le chef le plus simple des mortels. Voilà où nous en sommes.
La Chefferie traditionnelle essoufflée par ses contradictions agonise… avec le concours et la complicité des chefs traditionnels qui abdiquent chaque jour en blocs et en cascades. Il y a péril en la demeure. Et pourtant, il faudra à tout prix sauver cette institution, creuset et gardienne millénaire de nos traditions, qui seule recèle encore le souffle authentique capable d’inspirer le génie susceptible d’induire notre émergence future. Nous ne pouvons aller vers autrui tout en nous reniant : il nous faut d’abord être nous-mêmes, nous enraciner en nous-mêmes, en nous assumant pleinement. La Chine, le Japon et les nouveaux Dragons d’Asie n’ont pas fait autre chose et ils sont là pour nous le rappeler !
Yaoundé, le 29 Octobre 2007