Chris Fomunyoh, Directeur régional pour l’Afrique du think-tank américain “NDI” et récemment nommé ambassadeur du programme « Grain d’Ukraine ».

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Christopher Fomunyoh, Directeur régional pour l’Afrique du think-tank américain “National Democratic Institute” et récemment nommé ambassadeur du programme « Grain d’Ukraine ». Chaque vendredi, Tama Média propose un grand entretien avec une personnalité pour avoir son regard sur une actualité donnée. Cette semaine notre invité est : Christopher Fomunyoh, Directeur régional pour l’Afrique du think-tank américain “National Democratic Institute” et récemment nommé ambassadeur du programme « Grain d’Ukraine ».

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les exportations de céréales ukrainiennes, ainsi que d’autres denrées alimentaires ont été considérablement affectées. La perturbation des approvisionnements a entraîné une flambée des prix et contribué à une crise alimentaire mondiale. La sécurité alimentaire en Afrique sera d’ailleurs au cœur du sommet de l’Union africaine qui s’ouvre samedi 18 février à Addis-Abeba, en Éthiopie. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a averti il y a quelques mois que cette hausse pourrait entraîner des famines dans 43 pays. Le continent Africain qui, selon la Banque mondiale, concentre plus de 60 % des individus les plus pauvres de la planète, fortement dépendants des céréales ukrainiennes, souffre grandement des répercussions de ce conflit. C’est dans ce contexte qu’est né, sous l’égide du président ukrainien Volodymyr Zelensky, le programme “Grain d’Ukraine”, lancé en novembre 2022 et destiné à exporter des céréales vers les pays les plus pauvres, notamment en Afrique. 

Christopher Fomunyoh, Directeur régional pour l’Afrique du think-tank américain “National Democratic Institute”, récemment nommé ambassadeur du programme « Grain d’Ukraine » nous explique les tenants et aboutissants de cette initiative.

 « Grain d’Ukraine », début d’une relation bilatérale forte entre l’Afrique et l’Ukraine ?

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le programme « Grain d’Ukraine » ?

« Ce programme a été lancé pour faciliter l’exportation de grains venant d’Ukraine vers les pays vulnérables souffrant de l’insécurité alimentaire ou soumis aux risques de la famine. Au début de la guerre, toute circulation de bateau provenant ou à destination de l’Ukraine avait été bloquée. 

L’initiative s’est appuyée donc sur le « Black Sea Agreement » – l’accord de la mer noire – ; un accord négocié avec la facilitation de la Turquie et des Nations Unies pour permettre aux bateaux transportant des grains de circuler sans être impactés par les effets de cette guerre.  

Il est important de se rappeler qu’avant la guerre, l’Ukraine était à elle seule, responsable de 10 à 15 % de l’exportation de céréales dans le monde. Aujourd’hui, pour aider les nombreux pays africains qui ont été très impactés par ces blocages de livraison de céréales liés à la guerre, un comité international a été mis sur pied en novembre 2022 pour soutenir l’Ukraine à mieux s’orienter dans la livraison de grains et notamment ceux à destination des pays africains ».

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Comment doivent procéder les pays qui souhaitent intégrer ce programme pour aider ou se faire aider ?

« La participation est étatique et se fait à deux niveaux : les pays qui souhaitent en bénéficier, doivent faire directement la demande auprès du gouvernement ukrainien. J’ai été impressionné de constater lors de la première séance de travail du comité, qu’il y avait déjà une vingtaine de pays africains inscrits sur la liste des pays demandeurs.  Quant aux pays donateurs qui participent à la livraison de ces grains, ils apportent un soutien financier qui couvre également l’acheminement de ces bateaux.  Je crois que les ambassadeurs de ce programme pourront servir d’axe de transmission des demandes au moment opportun ».

Combien de pays africains ont pu bénéficier de ce programme depuis son lancement ?

« Le programme ayant été lancé en novembre 2022, le démarrage a été un peu lent pour des raisons évidentes. A ce jour, quatre bateaux ont pu livrer 80,000 tonnes de grains en Éthiopie et en Somalie.  Un cinquième bateau vient d’accoster à Djibouti avec 30,000 tonnes supplémentaires pour l’Éthiopie, et un sixième bateau ayant à son bord 25,000 tonnes de céréales est en train de charger une cargaison destinée au Kenya. L’objectif initial étant de livrer des céréales à environ cinq millions de personnes au premier trimestre 2023, les expéditions devraient s’accélérer dans les jours à venir pour pouvoir respecter cet engagement à court terme.

Quel est le montant financier nécessaire pour la bonne exécution de ce programme ?

« D’ici l’été prochain l’Ukraine a pour objectif de livrer une soixantaine de bateaux, grâce au soutien des pays donateurs. Il est difficile d’évaluer de l’extérieur, le montant nécessaire mais lors du sommet international sur la sécurité alimentaire du 12 novembre 2022, à Kiev, en présence d’une vingtaine de pays européens, Dmytro Kuleba, le Ministre ukrainien des Affaires étrangères, a indiqué que près de 150 millions de dollars avaient déjà été levés pour le programme « Grain d’Ukraine ». Les dons servent à financer les frais de déplacement des bateaux, le coût des céréales et la main d’œuvre. Beaucoup de pays occidentaux, y compris les pays scandinaves, sont parmi les plus gros donateurs ».

« L’Afrique qui dispose de grandes surfaces de terres cultivables, devrait pouvoir réorganiser sa politique agricole pour se garantir une autosuffisance alimentaire ! »

Dans quelles mesures pensez-vous que ce programme pourrait participer à la lutte contre la famine en Afrique ?

« Il est certain, qu’à court terme, ce programme participera à la lutte contre la famine en Afrique ! 
Je rappelle que parmi les pays prioritaires inscrits sur la liste du programme, on retrouve l’Éthiopie, le Soudan, le Soudan du Sud, la Somalie, la République Démocratique du Congo, le Kenya, le Yémen, le Nigeria et d’autres encore. Ces pays sont parmi les plus vulnérables. L’Éthiopie, par exemple, vient de connaître une guerre civile qui a interrompu les cycles agricoles. La Somalie est traversée par une crise sécuritaire et politique en plus de la sécheresse. Et au Kenya, le nord subit actuellement une sécheresse très difficile qui a engendré une perte de bétails et une baisse de la capacité des agriculteurs à semer.

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Ce programme va permettre de mettre à disposition des populations vulnérables de quoi survivre et se nourrir. Cela dit, cette vulnérabilité de certains des nôtres soulève cependant un sujet majeur : l’Afrique qui dispose de grandes surfaces de terres cultivables, devrait pouvoir réorganiser sa politique agricole pour se garantir une autosuffisance alimentaire !  

Elle doit aussi s’organiser pour faciliter, au sein même du continent, le transport de produits de consommation issus d’autres pays producteurs, pour les acheminer à des pays dans le besoin.

Aussi, si cette initiative est à applaudir sur un court terme, il faut tout de même relever qu’à moyen et à long terme, plus les pays africains seront familiers avec la politique ukrainienne, avec les capacités d’assistance technique dans le domaine agricole, plus ils pourront développer d’autres relations permettant à l’Ukraine d’accompagner ceux d’entre eux qui souhaitent s’investir dans l’agriculture.

Vous avez été nommé ambassadeur du programme « Grain d’Ukraine », pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette nomination ? 

« Dans le monde d’aujourd’hui devenu très compétitif, les africains de ma trempe devraient mouiller davantage le maillot pour sauvegarder les vies et les intérêts de notre continent.  Et si cette initiative me permet d’en faire davantage pour nos populations, je la porterais à bras-le-corps.  

En effet, je suis très honoré d’avoir été désigné par le Président Volodymyr Zelensky pour rejoindre une équipe de trois ambassadeurs, dont l’ancien Président du Malawi, le Docteur Joyce Banda, l’ancien ministre du Nigéria et Vice-Président pour l’Afrique de la Banque Mondiale, le Docteur Obiageli (Oby) Ezekwesili. Notre rôle principal est de conseiller l’Ukraine, de partager notre expérience et notre expertise en lien avec les questions africaines pour que l’Ukraine puisse mettre en œuvre ce projet de la manière la plus transparente et efficace possible. 

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Il est aussi de notre devoir de nous assurer que la distribution se fasse bien à destination des pays et populations les plus vulnérables du continent.

Les autorités ukrainiennes se montrent très réceptives aux conseils et recommandations que nous avons pu faire et mettent tout en place pour le succès du programme.  Par exemple, lors de notre dernière réunion de conseil du groupe de coordination, présidée par le Directeur de cabinet du Président Volodymyr Zelensky, étaient également présents le ministre des Affaires étrangères, le ministre des infrastructures et le ministre de l’agriculture. Ceci montre bien que l’Ukraine a mis en place de son côté une architecture administrative de très haut niveau pour le pilotage de ce projet ».

En étant investi dans ce projet ukrainien et en même temps impliqué dans d’autres domaines sur le continent, quel est votre vision de la capacité de l’Afrique à soutenir en retour l’Ukraine dans ce conflit ?

« La Russie était déjà très présente sur le continent alors qu’avant cette guerre, l’Ukraine était très peu connue. Plus la situation avance et plus les pays Africains prendront conscience des possibilités de développer des relations bilatérales aussi avec ce pays. 

Plusieurs exemples le démontrent :  en 2022, l’Ukraine n’avait qu’une dizaine d’ambassades sur le continent africain, aujourd’hui le pays se rend compte du besoin d’élargir son champ d’engagement diplomatique et envisage donc au cours de cette année de multiplier le nombre de ses représentations avec des nouvelles ambassades en Afrique.  

Force est de reconnaître que lors du vote de la résolution contre la Russie aux Nations Unies, malgré les abstentions et les absents parmi les pays africains, un seul pays a voté contre cette résolution. Ceci démontre qu’il y a du côté africain un potentiel d’engagement diplomatique qui devrait être bénéfique aux deux partis et peut-être qu’effectivement dans un proche avenir, l’Afrique pourra jouer un rôle permettant d’amener le conflit à sa fin. Et ce serait une bonne chose si l’initiative « grain d’Ukraine » était un des éléments déclencheur ou facilitateur du désamorçage de ce conflit. »

Source:« Grain d’Ukraine », début d’une relation bilatérale forte entre l’Afrique et l’Ukraine ? (tamamedia.com)

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