La légalité du fonds survie-Cameroun à l’épreuve de la barbarie gouvernementale : Un appel à la solidarité bien conforme au droit camerounais
✅✅✅Le 7 avril 2020, le sulfureux ministre de l’administration territoriale (MINAT) de Paul Biya interdit tous les programmes de solidarité lancés autour du coronavirus, les considérant comme illégaux, car ne justifiant pas d’une autorisation préalable délivrée par lui-même conformément à la loi régissant l’appel à la générosité du public. L’initiative Survie-Cameroun n’a pas été épargnée par cet excès de pouvoir du MINAT. Nous démontrerons que l’allégation d’illégalité de ce programme est injustifiée et constitue un détournement de pouvoir (I). En effet, la conformité au droit (II)de l’appel à la solidarité de Maurice Kamto est aussi évidente que le nez au milieu de la figure.
I- UNE ALLÉGATION D’ILLÉGALITÉ INJUSTIFIÉE SYNONYME DE DÉTOURNEMENT DE POUVOIR
A) LA NON-VIOLATION DE LA LOI RÉGISSANT LES APPELS À LA GÉNÉROSITÉ PUBLIQUE
1- L’absence d’appel à la générosité publique
✅Selon l’article 1 de la loi de 1983 sur les appels à la générosité publique, quatre conditions cumulatives doivent être remplies pour qualifier une action « d’appel à la générosité publique”. Ces conditions tiennent (a) à la nature et objet de l’appel, (b) aux personnes visées, (c) au lieu ou de tels appels doivent être faits, enfin (d) la question de comment ces appels doivent être faits. Toutes doivent donc être vérifiées et s’il y en a une qui manque, on ne pourra parler d’appel à la générosité publique.
✅- La nature et l’objet de l’appel : Il doit s’agir d’un appel de fonds ou de matériels, en fait « tout appel » de cette nature, visant les souscriptions, quêtes, collectes, ventes cites de charité, tombolas ou kermesses. Or, le fonds de solidarité crée par le président Kamto consiste en des contributions ou transferts faits sur un compte Orange ou PayPal. S’agit-il de souscriptions, de quêtes, de collectes, de la vente cites de charité, de l’organisation de tombolas ou kermesses? Cela appelle une réponse négative Le fonctionnement de ce fonds semble ne correspondre à rien de tout ce qui est indiqué ou requis par la loi. À aucun moment, personne ne se déplace pour aller collecter des fonds sur le terrain.
✅- Les personnes visées : la cible doit être des personnes physiques ou morales. Cette condition semble remplie.
✅- La condition tenant au lieu : L’appel à la générosité doit être effectué sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. Tel n’est pas ce qui est prévu par le programme Survie-Cameroun. Tout se passe sur internet, et jamais sur la voie publique ni dans les lieux ouverts au public. Dans cette mesure, la condition tenant au lieu n’est pas remplie, l’initiative Survie-Cameroun privilégiant les moyens moderne de communication : Facebook, WhatsApp, etc.
✅- La condition tenant au moyen ou modalités pratiques de l’appel : La loi parle de sollicitations à domicile ou accompagnées de moyens de publicité tels que la presse, les affiches ou tous autres écrits. Cette condition n’est pas non plus remplie, au regard du fonctionnement du Fonds de solidarité Survie-Cameroun.
✅Il apparaît donc que tous les critères ne sont pas réunis pour qu’on parle d’appel à la générosité publique, ne serait-ce que parce que dans le programme visé, la condition tenant au lieu n’est pas satisfaite. Il en est de même de la condition tenant aux modalités pratiques de l’appel : sollicitation, etc… Ces critères étant cumulatifs, il n’y a pas ici appel à la générosité du public. En conséquence, la loi dont la violation est alléguée ne saurait s’appliquer. Dans cette mesure, elle n’a pu être violée par les promoteurs de Survie-Cameroun, une initiative conçue pour fonctionner grâce aux moyens modernes de technologie, en ligne, non pris en compte par la loi de 1983.
2- La non-subordination de la collecte de fonds en cas de situation de crise ou de catastrophe à la loi de 1983 régissant les appels à la générosité publique.
✅Pour considérer comme illégal le fonds de solidarité créé par Maurice Kamto, le MINAT écrit, de manière surprenante que, « la collecte de fonds en cas de situation de crise ou de catastrophe est encadrée par la loi de 1983 régissant les appels à la générosité publique et son décret d’application du 14 aout 1985. Cette information est erronée. Une lecture attentive de cette loi, et son décret d’application, permet d’affirmer que rien ne subordonne la collecte de fonds en situation de crise ou de catastrophe aux dispositions pertinentes de cette loi. Qui plus est, ni cette loi, ni son décret d’application, ne mentionnent spécifiquement les situations de crise ou catastrophe.
✅De telles situations relèvent in fine du pouvoir du président de la République en temps de crise en vertu de l’article 9.1 et 9.2 de la constitution, et non de la loi. Dans ce cadre, le PR est supposé prendre un décret d’état d’urgence si les circonstances l’exigent, ou proclamer l’état d’exception. On verrait mal le PR demander au MINAT l’autorisation de lever des fonds dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs en temps de crise, ce qui est une hérésie juridique.
✅À titre d’illustration, aucune autorisation n’a été demandée au MINAT lors de la création du fonds de solidarité par le gouvernement en mars 2020, dans le cadre de sa prétendue riposte au Coronavirus. Dans l’hypothèse où une telle autorisation aurait été demandée et obtenue, alors la procédure suivie serait irrégulière et contraire à la constitution.
✅Sans encourager l’application de procédures irrégulières et contraires à la constitution, le MINAT ne saurait appliquer un double standard aux fonds de solidarité selon qu’ils sont créés par le gouvernement ou d’autres personnes. Comme tout le monde, le gouvernement est lui aussi soumis au droit. Sur cette base, il ne saurait être exigé de Maurice Kamto de se soumettre à une procédure illégale et contraire à la constitution, si le gouvernement en est dispensé. Dans la mesure où les deux fonds visent le même objectif, ils devraient être soumis aux mêmes conditions de validité.
B)UN DÉTOURNEMENT DE POUVOIR
1- Nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas.
✅En aucune façon, il ne saurait être exigé du président Kamto d’obtenir l’autorisation du MINAT avant de faire fonctionner le programme de solidarité Survie-Cameroun. Dans la mesure où ce programme n’est en rien un appel à la générosité publique comme démontré, le régime de l’autorisation préalable ne saurait s’appliquer ici. Cela revient à demander à Maurice Kamto de faire ce que la loi ne prévoit pas. Or, selon le préambule de la constitution, « Nul ne peut être contraint de faire ce que la loi n’ordonne pas », et le président Kamto ne le fera pas.
2- La volonté de favoriser le fonds de solidarité créé par le gouvernement
✅Sans doute jaloux du succès populaire et financier de l’initiative « survie-Cameroun » lancée par Maurice Kamto, le MINAT a voulu l’interdire afin de favoriser celle du gouvernement, délaissée par le public.
✅Dans la mesure où le MINAT a utilisé les dispositions de la loi sur l’appel à générosité publique conçues pour protéger le public de prédateurs véreux, donc dans un sens contraire à leur objet, il s’est rendu coupable d’un détournement de pouvoir. Il a détourné cette loi de son objectif.
✅En effet, en l’espèce, le MINAT, arguant de l’illégalité de l’initiative Survie-Cameroun, le MINAT a empêché une entreprise de solidarité destinée à protéger la vie des camerounais en période de crise sanitaire, Survie-Cameroun, alors qu’une telle solidarité, comme nous le verrons, est ouvertement encouragée par le gouvernement lui-même dans sa déclaration du 17 mars 2020 et conforme à la constitution, de même qu’à la loi sur le fonctionnement des partis politiques.
II- SURVIE-CAMEROUN: UN APPEL À LA SOLIDARITÉ CONFORME AU DROIT
✅Historiquement, la solidarité est basée sur des principes éthiques, philosophiques, religieux et historiques communs qui fondent une nation, comme en atteste le cas de l’Union européenne (“La solidarité dans l’Union européenne”, Ch. Boutayeb, dir… Paris, Dalloz, 2011). Même si ces principes ont été progressivement repris par le droit de chaque État, reste que point n’est besoin d’un fondement juridique pour sauver sa partie, sa vie ou celle de ses concitoyens. Vue sous cet angle, la solidarité devient une exigence morale, voir un impératif moral, dépendamment du contexte. C’est de cette noble idée que s’inspire la levée de fonds lancée par le président, à travers le fonds de solidarité « Cameroun survie, Survive Cameroon », destiné à lutter contre le coronavirus et sauver des vies. Dans ce cas particulier, l’idée de solidarité repose sur au moins trois piliers juridiques.
1) – LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION
✅Suivant ce texte, “Toute personne a droit à un environnement sain. La protection de l’environnement est un devoir pour tous. “. Le mot “tous” utilisé ici, se réfère à chaque personne physique et morale présente sur le territoire national, y compris Monsieur Kamto et les partis politiques. Cela confirme bien que la protection de l’environnement est l’affaire de tous, et ne saurait être un privilège exclusif accordé à une seule personne ou organisation. Cela tient au contenu même de la notion de protection de l’environnement.
✅Il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler que cette notion englobe le développement durable, qui implique la protection de la vie humaine, notamment contre une pandémie, des écosystèmes, la promotion de l’État de droit, comme le fait de demander à un chef d’État de fait de faire son travail, et éventuellement de demander aux populations de se substituer à lui pour protéger leur vie, comme en l’espèce.
2) LA LOI N° 90/056 DU 19 DÉCEMBRE 1990 portant sur la création des partis politiques.
✅Cette loi dispose, à l’Article 13.- (1), que « Tout parti politique peut recevoir les dons et legs mobiliers provenant exclusivement de ses membres ou des personnes installées au Cameroun. ». Cela implique donc que les partis politiques peuvent recevoir des dons et, dans ce cadre, organiser des levées de fonds.
✅Il convient cependant de préciser que l’opération Survie-Cameroun est supra-partisane et a des objectifs et une portée qui vont au-delà du cadre du MRC. C’est une opération à «vocation environnementale» et non pas humanitaire comme avancent certains, organisée par le MRC en son nom et pour son compte, mais bien par un citoyen camerounais, Maurice Kamto, qui utilise son aura pour mobiliser les camerounais contre le virus mortel, les invitant à s’organiser dans le cadre d’un vaste mouvement de solidarité afin de protéger leur vie, du fait de la défaillance criminelle du régime en place.
✅Compte tenu du devoir de protection de l’environnement imposé à tout citoyen, personne physique ou morale (« La protection de l’environnement est un devoir pour tous »), il est donc erroné d’affirmer que les partis politiques ne peuvent lever les fonds, en particulier quand il s’agit de limiter les effets néfastes sur la population d’une pandémie comme le coronavirus, à cette nuance qu’ici, ce n’est pas le parti mais son leader qui agit. L’initiative Survie-Cameroun est donc conforme à la constitution, aussi longtemps que les fonds levés ne seront déposés sur le compte du MRC.
3) LA DÉCISION DU GOUVERNEMENT CAMEROUNAIS DU 17 MARS 2020, portant STRATÉGIE GOUVERNEMENTALE DE RISPOSTE FACE À LA PANDÉMIE DE CORONAVIRUS – DÉCLARATION SPÉCIALE DU PREMIER MINISTRE.
✅Dans cette décision, Le gouvernement camerounais a invité les populations (…) à faire preuve de discipline, de solidarité et de sens des responsabilités (…)”. Le texte ne donne à quiconque, ni même au gouvernement lui-même, le monopole de cette solidarité. Les camerounais devaient donc faire preuve de solidarité, conjugueur leurs efforts, pour faire face au Coronavirus. C’est ainsi que le gouvernement a créé un fonds de solidarité, dans cette optique.
✅Répondant à cet appel à la solidarité, le leader du MRC, le président Kamto, a mis en place un fonds de solidarité. La député Nourane Foster suivi cet élan de solidarité, mobilisant elle aussi des camerounais pour contribuer à l’effort de lutte contre le coronavirus. Toute ces initiatives ont donc pour assise juridique, la décision du 17 mars 2020 du gouvernement, à moins de considérer que le président Kamto et tous les participants et promoteurs d’initiatives de solidarité ne font pas partie de la “population” camerounaise, ce qui serait faux.
Me Joseph NGAMBI
Barreau du Québec,
Docteur en droit de l’université Paris I,