Décentralisation: Qu’est- ce qui coince?

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-La loi N°96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin 1972 en son titre 10 traitant des collectivités locales décentralisées. Ce dispositif législatif abroge certaines dispositions de la loi N°74/23 du 05 Décembre 1974 portant organisation communale et celle du 15 Juillet 1987 portant création des Communautés Urbaines. Cette loi consacre le caractère décentralisé de l’Etat, définit le régime juridique, énonce les principes généraux de la décentralisation au Cameroun et institue les Régions. Dans son article 55, cette loi précise que «les collectivités territoriales décentralisées » ont pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif».

-La loi dite d’orientation de la décentralisation (Loi N°2004/017 du 22 Juillet 2004) fixe les règles générales applicables en matière de décentralisation territoriale notamment une deuxième catégorie de collectivité territoriale décentralisée, la Région. L’étude de cette loi permet d’avoir une bonne connaissance des objectifs, des enjeux, des stratégies, des outils et des acteurs de la décentralisation au Cameroun. Cette loi, rappelons-le, définit la décentralisation comme « un transfert par l’Etat aux collectivités territoriales décentralisées de compétences particulières et de moyens appropriés ». La loi d’orientation de la décentralisation s’articule autour de quatre axes principaux :

Le principe du transfert des compétences;
L’organisation et fonctionnement des Collectivités territoriales décentralisées;
La tutelle sur les Collectivités territoriales décentralisées et les organes de suivi de la décentralisation.
La loi n°2004/018 du 22 Juillet 2004 fixant les règles applicables aux Régions ;
La loi n°2009/011 du 10 Juillet 2009 portant régime financier des collectivités territoriales décentralisées, dont les dispositions s’appliquent autant aux communes qu’aux

Régions ;
La loi n°2009/019 du 15 Décembre 2009 portant fiscalité locale qui prévoit des impôts et taxes spécifiques en faveur des Régions ;
La loi n°2011/001 du 06 Mai 2011 d’orientation pour l’aménagement et le durable du territoire au Cameroun qui accorde à la région d’importantes missions en matière de planification; La loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral modifiée et complétée par la loi n°2012/017 du 21 Décembre 2012 qui aménage des dispositions spécifiques à l’élection des Conseillers Régionaux.
• Sur le Plan institutionnel :

Les principaux acteurs sont:
– Le Président de la République qui définit la politique de la Nation et à ce titre, arrête les grandes orientations en matière de décentralisation;
– Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, par ailleurs préside le Conseil National de la Décentralisation (CND). Les services placés sous son autorité, dans la coordination de l’action gouvernementale, veillent ainsi à la prise en compte de la  décentralisation dans les politiques sectorielles;
– Le Ministre de l’Administration
Territoriale et de la Décentralisation, chargé de l’élaboration de la politique, du suivi et de l’évaluation de la décentralisation. Il préside par ailleurs, le Comité Interministériel des Services Locaux (CISL), le Comité National des Finances Locales (CONAFIL) et la Commission Interministérielle de Coopération Décentralisée (CICOD) ;
– Le Ministre des Finances et le Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, dont les attributions respectives sont déterminantes dans la mise en œuvre de la décentralisation. Pour la mise en œuvre du processus de décentralisation les organismes ci-après ont été
mis en place:
– Le Conseil National de la Décentralisation (CND) : créé par la loi n° 2004/017 et organisé par le décret n°2008/013 du 17 Janvier 2008, il est chargé du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de la décentralisation. Le CND émet des avis et formule des recommandations sur le programme annuel des transferts de compétences et de ressources aux CTD, ainsi que sur les modalités desdits transferts qui sont précisées, à chaque étape, par des décrets du

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Premier Ministre, Chef du Gouvernement ;
– le Comité Interministériel des Services
Locaux (CISL) : créé par la loi n°2004/017 et organisé par le décret n°2008/014 du 17 Janvier 2008, le CISL est un organe de concertation ayant pour mission d’assurer la préparation et le suivi des transferts de compétences et des ressources aux CTD ;
– le Comité National des Finances
Locales (CONAFIL) : créé par la loi n° 2009/011 du 10 Juillet 2009 portant régime financier des CTD, il est chargé de la mobilisation des recettes des Collectivités Territoriales ainsi que de la bonne gestion des finances locales. Il dispose de relais tant au niveau régional (Comités Régionaux des Finances Locales – COREFIL) que départemental (Comités Départementaux des

Finances Locales – CODEFIL). Son organisation et son fonctionnement sont fixés par le décret n°2011/1732/PM du 18 Juillet 2011 ;
– la Commission Interministérielle de Coopération Décentralisée (CICOD) : créée par le décret n°2011/1116/PM du 26 Avril 2011 fixant les modalités de la coopération décentralisée, la CICOD a pour objectif de permettre au Gouvernement d’encadrer, de suivre et d’évaluer la coopération entre les CTD camerounaises et les communes étrangères.
• Sur le plan technique et financier :
-Le CEFAM (Centre de Formation pour
l’Administration Municipale) : Le CEFAM offre une formation en trois cycles pour les personnels administratifs et techniques des communes, des syndicats de communes et des établissements communaux et pour les personnels chargés de la tutelle sur les communes. Mais le Centre souffre depuis sa création de problèmes structurels (définition des programmes de formation, autonomie de fonctionnement, déficit de personnel enseignant etc.) auxquels se sont greffés des problèmes conjoncturels liés à la crise économique. Par ailleurs, l’Etat met certains de ses cadres au service des communes.
-Le PADDL (Programme d’Appui à la
Décentralisation et au Développement Local) : Porté par le MINATD, le Programme PADDL est mis en œuvre par les organismes allemands
GTZ, DED et KFW. Ce programme est chargé de la promotion du développement communal, et de la mise en œuvre du processus de. Ce programme appuie notamment les communes dans l’élaboration des Plans de développement communaux.

– Le Programme National de Formation
aux Métiers de la Ville (PNFMV).

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– Le FEICOM (Fonds Spécial d’Equipement et d’Intervention Intercommunale) : La loi N° 74/23 du 5 Décembre 1974 portant régime communal au Cameroun crée un Fonds destiné à l’entreaide des communes et aux travaux d’investissement communaux ou intercommunaux.

-Le Programme National de Développement Participatif (PNDP) : financé par plusieurs bailleurs de fonds dont la Banque Mondiale, après les deux premières phases qui ont duré huit (08) ans, en est à sa troisième phase avec des interventions tendant à couvrir l’ensemble des communes. Il apporte des concours dans le financement des microprojets, la réalisation des études et l’élaboration des Plans Communaux de Développement dont dispose aujourd’hui la quasi-totalité de nos communes.
-La coopération avec la Banque Africaine de Développement (BAD). Le découpage administratif du Cameroun se présente comme suit: 10 Régions , 58 Départements et 360 Arrondissements. Les Régions, créées par le décret du 12/11/2008 et qui remplacent les Provinces, sont pour l’instant des circonscriptions administratives.
Bien que les Régions en temps que collectivités territoriales décentralisées aient été prévues par la Constitution de 1996, elles non pas encore été mises en place. Ayant été initié depuis plusieurs décennies à la décentralisation, le Cameroun semble jusque-là marquer le pas sur place. Qu’est ce qui coince ?

-L’insuffisance des moyens financiers propres dans la plupart des CTD (92% des communes sont incapables de s’autofinancer) ;
-L’absence d’une culture de gouvernance locale et de démocratie participative ;
-L’insuffisance quantitative et qualitative des ressources humaines au niveau local ;
-L’inorganisation de la société civile qui devrait être un partenaire important des CTD ;
-L’inadaptation des services déconcentrés de l’Etat, appelés à accompagner les CTD dans la réalisation de leurs objectifs de développement ;
-Le maintien du principe d’un exercice non-exclusif des compétences transférées ;
-La nomination par décret du Président de la République d’un Délégué du Gouvernement à la tête de chaque Communauté Urbaine ;
-Le mécanisme des crédits délégués (les « cartons budgétaires ») qui flèchent les enveloppes budgétaires des Ministères sectoriels vers des opérations particulières sans marge de manœuvre pour les collectivités qui ne doivent assumer concrètement que les procédures de passation des marchés. Les fonds sont également concrètement déposés auprès de la Délégation Départementale du Trésor Public ;
-La constitution de commissions régionales des marchés publics qui retirent à l’autorité locale le pouvoir de signer des marchés publics ;
-La nomination directe par le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation des Secrétaires Généraux des  communes ;
-L’accord préalable de la tutelle comme critère exécutoire du budget des collectivités…
-La dépendance des collectivités au versement d’une Dotation Globale de Décentralisation qui reste sous-évaluée ;
-Des marges de manœuvre fiscales très faibles sous contrôle du Fonds Spécial d’Équipement et d’Intervention InterCommunal (FEICOM) ;

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-L’impossibilité de contracter des
emprunts sur le marché sans l’accord de la tutelle pour procéder à des investissements ou encore l’existence de nombreuses obligations de rendre compte auprès soit des autorités administratives locales (Préfet, SousPréfet) soit des ministères centraux limitent considérablement l’autonomie des collectivités;
-La mobilisation des instances de pilotage du processus qui s’affaiblit ;
-Des programmes d’actions dont la qualité des contenus est limitée ;
-Le maintien de pratiques administratives contradictoires avec l’esprit des lois.

-L’Etat est toujours en construction. Sa légitimité est encore fragile tant aux frontières qu’à l’intérieur du pays où les autorités administratives ne sont pas toujours reconnues.
Les compétences disponibles sont souvent défaillantes ;
-L’Etat central a un besoin crucial de trésorerie. Il ne peut se permettre de « laisser filer » des recettes potentielles vers d’autres acteurs publics ;
-Le pouvoir central ne souhaite manifestement pas laisser une part de capacité d’action à des périphéries trop autonomes par crainte qu’elles finissent par apparaître comme une alternative crédible aux yeux de la population ;
-La décentralisation crée un acteur supplémentaire (le Maire) dans l’espace public au détriment des intérêts des chefs traditionnels, des autorités administratives.

Source: The Spark 162

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