Le programme avec le FMI et l’enjeu de la gestion des ressources humaines dans l’administration publique !

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Il apparait alors que, contrairement aux mesures d’ajustement des années 90 qui avaient expressément ciblé le dégraissage de l’administration publique et les baisses de salaires, ces mesures ne sont pas envisagées comme des conditionnalités. Toutefois, il est possible qu’elles en soient une conséquence au regard des réformes importantes à engager.

En effet, pendant la mise en œuvre du programme, l’exigence du critère de convergence qui prescrit une augmentation de la masse salariale en adéquation avec celle des recettes fiscales pour garantir la soutenabilité pourrait conduire à une baisse de la masse salariale en cas de baisse des recettes fiscales. Donc, sauf à vouloir être volontairement naïf, il convient d’admettre qu’une baisse des revenus entraine une baisse de l’activité et pourrait inévitablement conduire à une baisse des effectifs. Bien plus, l’exigence de résultats et de performance désormais attendue de toutes les entités (administrations et entreprises publiques) impose logiquement de se débarrasser des personnels peu productifs ou non stratégiques.

Au meilleur des cas, cette exigence nécessite un redéploiement des ressources humaines. Quoiqu’il en soit ce secteur connaitra une turbulence dont il convient d’anticiper les conséquences. C’est l’intérêt de la présente réflexion. • Les alertes signalées avant le programme Le ton a été antérieurement donné par le ministre des Finances actuel, Alamine Ousmane Mey, qui faisait remarquer lors de la clôture de la conférence annuelle des responsables des services centraux et extérieurs du ministère des Finances, le 18 janvier 2013, qu’ «aujourd’hui, on est à 60 milliards de FCFA de masse salariale mensuelle.

On recrute à la pelle. Si au cours d’un mois nous ne pouvons payer les salaires, imaginez ce que cela peut avoir comme conséquence1». Son prédécesseur le ministre Essimi Menye, lors d’une session de l’Assemblée nationale en mars 2010, avait déjà qualifié la masse salariale de l’État du Cameroun de caillou dans la chaussure des pouvoirs publics. En 2015 la masse salariale mensuelle est à environ 71 milliards.

Cette masse salariale a doublé en 10 ans de 2006 à 2015 sans que les recettes fiscales n’aient connu la même évolution. Par ailleurs, le DSCE (p. 113) indique l’évolution de la masse salariale (% du PIB) anticipée de 2008 à 2015. Il apparait que les salaires servis pendant cette période sont supérieurs à ceux anticipés alors même que la croissance envisagée n’a pas été atteinte. Ce qui incite à interroger la politique de l’emploi et globalement de la politique de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique camerounaise.

Deux orientations sont retenues ici. La première est d’apprécier la place accordée à la gestion des ressources humaines et la deuxième concerne les outils mobilisés pour assurer son efficacité.

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• La faible importance accordée à la gestion des ressources humaines

Le principe retenu ici est d’admettre que la masse salariale n’a de valeur que par rapport à la performance des agents publics. Son appréciation est donc tributaire de la qualité des services rendus et donc du potentiel de valeur ajoutée qu’elle représente à court et à moyen termes.

L’analyse de la rémunération devrait donc tenir compte des gains futurs anticipés par la performance des agents publics. Cette performance n’est assurée que si des dispositions sont prises pour qu’il en soit ainsi. Concrètement, il s’agit d’observer les exigences reconnues dans ce secteur. La question de la place de la gestion des ressources humaines devient donc capitale.

L’analyse de 35 organigrammes des ministères civils du Cameroun indique deux positions différentes de la fonction ressources humaines: la première position l’érige au rang d’une direction (06 administrations sur 35 soit 17,14 %) et la deuxième la noie dans la direction des affaires générales où elle côtoie les fonctions financières et matérielles (29 administrations sur 35 soit 82,86%). Ce qui pose un sérieux problème ce d’autant que les profils des DAG ne se recrutent pas parmi les spécialistes de GRH. Dans cette configuration la fonction ressource humaine exercée au niveau de chef de service est confinée à sa plus petite portion laissant croire à une fonction orpheline et peu valorisée. On en conclut donc que la gestion des ressources humaines dans la fonction publique est un handicap sérieux !

Dans la plupart des 35 ministères, la fonction «gestion prévisionnelle des emplois et des compétences» est portée par un chef de service ou de bureau qui n’a pas toujours la compétence requise. Cette importante fonction autorise à s’inquiéter de la qualité des recrutements et des mobilités dans l’administration publique. • outils de recrutement et de mobilité à rationaliser Un constat frappe quand on analyse la structure des ressources humaines de l’Etat : la pyramide des grades indique une structure désorganisée. Les agents publics des catégories A1 et A2 sont largement supérieurs à ceux des grades inférieurs.

Cette pyramide renversée indique une faiblesse dans l’usage d’outils objectifs utiles pour planifier convenablement les recrutements dans la fonction publique. Ce constat justifie les dysfonctionnements au niveau des recrutements et de la mobilité des ressources humaines.

En effet, ces deux variables sont assurées par la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences alors tenue par des chefs de services et de bureaux. Ce qui est un niveau suffisamment bas au regard des enjeux actuels. Parlant des recrutements, il n’existe pas d’outils de gestion prévision
nelle des effectifs, cadres permanents permettant de faire évoluer progressivement les effectifs en fonction des besoins quantitatifs et qualitatifs. Un cadre de référence d’un système de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et compétences (GPEC) de l’Etat a été élaboré par le MINFOPRA mais ce projet n’est pas encore arrivé à maturité dans la mesure où l’on ne dispose pas actuellement d’administrations ayant une cartographie fiable de postes de travail. Ce qui témoigne d’une «navigation à vue» qui ne contribuerait pas à corriger les dysfonctionnements actuels causes de la pyramide renversée. Il s’agit alors d’un impératif au regard des exigences de performances actuelles.

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En ce qui concerne la mobilité des ressources humaines, la convergence retenue par les bailleurs de fonds entre les montants des recettes fiscales et la masse salariale questionne la capacité des administrations publiques à générer, faire générer et à mobiliser les recettes fiscales. Globalement, il s’agit d’apprécier la qualité des institutions publiques dont la mission est de faciliter l’action du secteur privé et à offrir des services de qualité aptes à engranger des recettes à la hauteur des attentes de toutes les parties prenantes. Ces résultats sont l’œuvre des femmes et des hommes conviés à cette tâche. C’est à ce niveau que le débat délicat mais inévitable des nominations est amorcé.

L’idée ici est de savoir de quels outils se dote notre administration publique pour sélectionner et fidéliser les ressources humaines capables de mener des réformes structurelles permettant de braver les difficultés économiques actuelles. L’intérêt de cette réflexion est de comprendre comment notre administration s’organise pour disposer des ressources humaines en qualité suffisante. La qualité se réfère au mérite, à ce qui fait la valeur d’une personne sur le plan moral et intellectuel.

Le problème dès lors est de comprendre comment s’organise-t-on pour sélectionner et responsabiliser les décideurs publics invités à relever les défis auxquels l’administration fait face.

• La réussite du programme dépend de la qualité des décideurs publics : comment les choisit-on? La responsabilisation des décideurs publics invite à questionner de nouveau l’usage du pouvoir discrétionnaire. Mon avis est qu’il est utilisé de manière abusive et qu’il représente l’une des causes du manque des ressources humaines en qualité suffisante aux postes de décision. En effet, le pouvoir discrétionnaire utilisé dans l’administration publique pour les nominations des dirigeants publics constitue un frein à la sélection des dirigeants publics compétents.

Cette affirmation s’appuie sur la violation des deux principaux leviers de l’encadrement du pouvoir discrétionnaire. Le premier levier est le principe objectif du pouvoir discrétionnaire qui renvoie à l’exigence de légalité que doit respecter le pouvoir discrétionnaire.

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Le deuxième levier est le principe subjectif du pouvoir discrétionnaire qui renvoie aux outils à la disposition du gestionnaire pour exercer ses préro¬gatives. Il s’agit entre autres des dispositions relatives à la gestion de la diversité (l’équilibre régional, la gestion des minorités, les considérations de genre, les handicapés, les jeunes). Il convient de relever que les récentes revendications des groupes ethniques dénoncent une application discriminante du principe de l’équilibre régional occasionnant selon eux une marginalisation flagrante.

Le Secrétaire Général des services du Premier ministre au Cameroun relève d’ailleurs lors du séminaire gouvernemental du 26 février 2015 que certaines nominations sont faites en violation des règles sous le prétexte du pouvoir discrétionnaire. Il reconnaît par ailleurs que les pratiques observées relèvent d’avantage du pouvoir arbitraire et non discrétionnaire. L’amélioration de la performance de l’administration passe pourtant par la prise en compte de la compétence individuelle des agents publics lors des recrutements et des nominations. Notons tout de même que l’absence de textes instituant les appels à manifestation pour le recrutement et la nomination à certains postes dans l’administration constitue un réel frein à l’efficacité de celle-ci. En effet, dans les projets (de coopération) de l’administration dont les postes sont pourvus par appels d’offre, les réalisations sont plus efficaces et pertinentes, grâce notamment à la compétition instituée entre les candidats.

Elle permet, quand le processus est convenablement mené, de retenir le candidat présentant le meilleur profil au regard des exigences du poste à pourvoir. Le levier de la compétence individuelle est par ailleurs actionné lors des recrutements sur titre et par concours. Ces dispositions semblent malheureusement entachées de soupçons de trafic d’influence et de malversations de diverses natures.

La publication des vacances de postes est rare aussi bien pour les administrations que pour les organisations publiques et les projets. Les nominations ne se font donc pas toujours suivant un processus qui privilégie le meilleur profil par rapport au poste à pourvoir. A cette allure il faut craindre que les réformes envisagées ne soient pas un succès. La solution est simple et unique, revenir aux principes d’efficacité notamment des processus permettant de retenir les meilleurs profils aux postes stratégiques. Il s’agit d’un changement de paradigme dans la gestion des ressources humaines de l’Etat. C’est le prix à payer pour braver les défis actuels !

Viviane Ondoua Biwolé, épse Eloundou, expert en management public
1. http://www.investiraucameroun.com/ gestion-publique/2801-3890

Source:Hebdomadaire N°296 du Lundi 02 Octobre 2017 / www.journalintegration.com

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