L’HOMMAGE DE CHRIS FOMUNYOH: LE CARDINAL CHRISTIAN TUMI TIRE SA RÉVÉRENCE LE WEEK END DES PÂQUES
C’est le genre de nouvelle qui vous parvient du village à minuit, et vous coupe le sommeil jusqu’au matin. Oui, à son âge, certains penseront qu’il a vécu son temps, et dans une certaine mesure, ils ont raison parce que à son âge, et dans nos traditions africaines, on ne pleure plus la disparition, mais plutôt on célèbre sa vie et ses réussites. Et le Cardinal Tumi en a accompli un pléthore pour ses 91 ans sonnant. Mais au-delà de l’âge, le Cardinal Tumi représentait un symbole exceptionnel qui ne devait pas nous quitter de sitôt; surtout pas en ce moment où le pays connaît une certaine menace quant à sa cohésion sociale, voir même de son existence en tant qu’État nation.
Le symbolisme est tout fait aussi bien dans le spirituel que dans le temporel. Le Seigneur décide de rappeler le Cardinal Tumi à ses côtés le week-end des pâques. Je laisse les plus qualifiés sur ce plan religieux, analyser toute la signification de cet aspect. Mais pour les Camerounais que nous sommes, cet homme, né de culture et d’éducation Anglophone dans la période de l’ancien British Southern Cameroons et qui, en son temps, avait milité pour la réunification du Cameroun en 1961, a fini par servir la grande partie de sa vocation religieuse dans les paroisses et archidiocèses Francophones de l’Extrême Nord, du Nord, et du Littoral. De ce fait, il finira par nouer des relations de respect et d’acceptation avec des acquaintances de tous bords à travers le pays; au fait de partout dans la République. Il finira par être, sans le vouloir, l’incarnation de ce que cela représente d’être Camerounais, reconnu et accepté par les siens. C’est peut être ce statut des acquis personnels qui donnait au Cardinal Tumi le courage de tenir tête en disant ses vérités à tout moment à l’ancien président de la République Ahmadou Ahidjo, tout comme au président actuel, Paul Biya. Il méritait leur respect!
Justement son militantisme en faveur de la réunification lui donnait aussi un certain attachement moral et sentimental à la survie du fruit de cet acte, dont du Cameroun; et cela s’est manifesté tout au long de sa vie de ces dernières décennies pendant lesquels aussi bien les questions de droits de la personne, de justice sociale, d’équité et de paix, de la bonne gouvernance tout court lui travaillait l’esprit a l’infini. Et il ne s’est pas privé des plaintes et des critiques, et cela à juste titre.
Dire que le Cardinal Christian Tumi était devenu la voix des sans voix ou la conscience morale de notre pays, serait bien approprié pour ne pas dire l’euphémisme. Et c’est là ou cette disparition prématurée du Cardinal est le plus déconcertant et le plus blessant. Le vide est grand et déroutant, et l’angoisse ira grandissant tant les personnalités de sa trempe et surtout de sa génération disparaissent un à un, au moment où un conflit armé bat son plein dans cette partie du pays ou aurait été enterré son nombril ombilical a la naissance.
Que dira le Cardinal à l’arrivée dans l’au delà à John Ngu Foncha, Solomon Tandeng Muna, Emmanuel Mbela Lifata Endeley, Augustin Ngom Jua, Nzo Ekangaki, Emmanuel Egbe Tabi, Bernard Fonlon et autres, sur le présent et l’avenir des Anglophones dans notre pays? Parlera-t-il aussi avec son franc parler habituel aux autres acteurs du premier plan dans le temps et certains de ses ainés partis plus tôt, comme Ahmadou Ahidjo, Moussa Yaya, Vroumsia Tchinaye, André Fouda, Simon Pierre Tchoungui, Charles Assale, Victor Kamga, Enoch Kwayeb, Soppo Priso et Sengat Kuo, pour ne citer que ceux là, par rapport à la pâle copie que le pays est devenu aujourd’hui, avec les fils qui s’entretuent dans une guerre fratricide dans le Nord Ouest et le Sud Ouest ou l’ancien British Southern Cameroons, sans que les leaders du jour ne songe à s’émouvoir à trouver des solutions politiques à des doléances politiques et légitimes?
Et c’est là notre interrogation, mais aussi l’interpellation qui nous est faite de manière collective de vite trouver la paix et la justice pour mettre fin à ce conflit car, avec la disparition de cette génération de pères fondateurs et associés, s’effrite davantage l’attachement morale et sentimental pour les jeunes générations qui n’ont été ni architectes ni bâtisseurs d’une édifice qui, de jour en jour, se brise par la fondation.
Repose en paix Mon Cardinal, notre Cardinal, le Cardinal du bas peuple et des sans voix. Que la terre des ancêtres vous soit légère, et que même de l’autre monde vous continuez à veiller sur nous.
Dr. Christopher Fomunyoh
Fomunyoh@gmail.com