QUAND LA PARENTHESE MARTINEZ ZOGO ASEPTISE LE DEBAT PUBLIC

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Ce qui se joue depuis l’assassinat de Martinez Zogo est bien plus grand que le simple débat sécuritaire et la dénonciation d’un ensauvagement de la société camerounaise. L’odieux acte barbare vient remettre en lumière toute la gouvernance du pays sous le Renouveau depuis la crise économique, les baisses de salaires, la dévaluation du franc CFA et les PPTE qui auront érigé la ploutocratie aux jouisseurs compulsifs, et la bureaucratie parasitaire au sommet de l’olympe.

Nous nous rappelons soudain, chacune et chacun que nous sommes avant tout en République et dans un Etat de droit. Nous voilà peut-être enfin à un moment où ceux qui ont la charge de la conduite du pays, politiques, administratifs, civils et militaires, réalisent qu’ils doivent rendre des comptes au peuple qu’ils ont sans cesse méprisé, écrasé dans l’arrogance et en toute impunité ces trois dernières décennies.

« Où sont les preuves ? » devrions-nous tous nous en souvenir.Dans cette société de désespoir que certains ont plongée dans la frustration, la suspicion, l’espionnite et la délation, nous avons assisté au cours des dernières années dans les médias, aux heures de grandes écoutes, à des débats tout aussi stupides les uns que les autres sur des sujets tout aussi futiles, ou sur les héros tragiques érigés en modèles de réussite.

Une chance inouïe est ainsi donnée à la classe intellectuelle comme à tous ces autres camerounais doués de bon sens, engagés politiquement ou non de parler enfin des préoccupations essentielles et existentielles des millions de camerounais victime de la fracture sociale continue à qui on a toujours vendu l’illusion de paix. Une pauvre paix, une paix stoïcienne, celle surtout des cœurs soupirant parce que n’ayant pas ce qu’ils désirent. Mais peut-on avoir une paix sociale durable quand un peuple est usé, fatigué par l’irrespect que la petite oligarchie technocratique porte aux premières lignes du pays ?L’assassinat de Martinez Zogo et l’émoi suscité est en cela une chance inouïe pour espérer réconcilier le peuple et ses élites dans un processus de moralisation de la société camerounaise abîmée.

Nul besoin d’attendre l’élection présidentielle pour comprendre les aspirations des Camerounais : sécurité, respect de la dignité humaine, justice, question sociale devant toutes les autres considérations qui relèvent plus des préoccupations interpersonnelles. Les non-ploutocrates rencontrent enfin les aspirations de ceux qui sont supposés les protéger.

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Cet épisode nous enseigne également qu’il ne s’agit pas de militants ou d’indignés politiquement marqués, ni de « sardinards ou de tontinards », ni de membres du mouvement 10 millions de nordistes, ni des membres du pays organisateurs comme on a pu voir émerger au moment de la dernière élection présidentielle les différentes fractions se disputant le territoire électoral.

C’est bien ce Cameroun épris de justice et de paix qui n’a aucune reconnaissance sociale, médiatique et symbolique qui s’est mobilisé depuis l’horreur du 22 janvier.Quoi qu’il advienne de cet épisode et des conclusions de l’enquête, cette parenthèse sécuritaire, judiciaire et sociétale offerte par l’assassinat de Martinez Zogo aura finalement aseptisé un peu le débat public, aura permis de raccrocher une partie du pays avec l’autre, donnant le signes que nous avions encore toutes et tous un patrimoine de sentiments communs vis-à-vis de l’Etat de droit, de l’ascension sociale, patrimoine qui nous oblige à ce que l’on défende ces éternels exclus. Pourvu que ça dure.

Aimé Richard Lekoa

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