Des leçons du Zimbabwe pour la transition au Cameroun

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L’armée zimbabwéenne représente la tradition du combat nationaliste et se perçoit comme le garant de l’Etat comme héritage national arraché de haute lutte aux étrangers. Chaque fois que Mugabe a été politiquement menacé par des forces ne disposant pas de cette légitimité historique, les militaires ont pris clairement et
résolument son camp, sans la moindre hésitation. Et cette armée n’a jamais imaginé que le pouvoir puisse aller à des groupes opportunistes ne pouvant présenter les mêmes états de service.
Mais Mugabe qu’ils respectent parce qu’il est l’un des leurs est devenu trop vieux et ne dispose plus d’un jugement sain et équilibré. Une bande d’imposteurs menés par sa luxueuse femme en a donc profité pour tenter un coup d’Etat, à travers des manigances politiques visant à exproprier les vieux combattants de la Libération et à
transformer le pouvoir en un instrument de jouissance.
C’était inacceptable ! En le mettant en garde, au lieu d’agir directement, l’Armée a indiqué clairement qu’elle n’accepterait pas cette éviction qui remettait clairement en cause sa légitimité historique. Le Chef de l’Armée parlait au nom de tous les combattants historiques, vivant ou morts, et tout le monde le savait.
Et maintenant, elle est passée à l’attaque, non contre Mugabe qui est un des leurs, mais pour éliminer tous les parasites qui ont tenté d’instrumentaliser la vieillesse de Mugabe.

Ce coup de force a donc quelque chose de profondément réactionnaire, car visant à préserver, voire à restaurer l’intégralité de l’emprise des anciens combattants. Il représente cependant un événement salvateur, car il était manifeste que cette appropriation du pouvoir par une bande menée par sa femme, au mépris de toute logique politique saine, était un vol en plein jour.
En tout état de cause, il s’agit là d’un message adressé à d’autres régimes où un entourage de jouisseurs parasite la légitimité d’un dirigeant en profitant de son grand âge.
Tout cela peut aussi se passer au Cameroun, mais avec beaucoup moins de cohérence. Le Cameroun n’a pas de corps constitué pouvant prétendre à une légitimité historique identique, ce qui aurait été le cas si l’UPC avait gagné
la guerre anticoloniale.
De plus, le pays est infiniment plus hétéroclite et la cohérence du système sociopolitique repose sur la tête de Biya en tant qu’individu.
Devant la même situation que le Zimbabwe, il est probable que le Cameroun se déliterait instantanément, avec des forces centrifuges armées (Boko Haram, sécession anglophone) qui en profiteraient pour élargir leur emprise sur
des segments territoriaux, et les groupes d’influence (groupes tribaux, factions militaires) qui tenteraient de s’emparer du contrôle de l’Etat.
Sans grande cohérence fonctionnelle, sans instrument opérationnel de cohésion, sans personnel politique de stature nationale, rongé par des antagonismes ethniques, embourbé dans une crise économique à répétition, le Cameroun n’est pas capable de résister à un choc de la nature de la crise zimbabwéenne : il basculerait
immédiatement dans la somalisation.
Pour échapper à ce destin, le Cameroun doit absolument se reconstruire, à travers un système résilient, capable de surmonter tous les chocs. Et comme je l’ai dit, il faut nous débarrasser de ce système néocolonial impotent, parasitaire et qui développe la crise, la misère et la haine, pour aller vers un système de vérité, qui est la fédération.
Car seule la vérité est solide.
Et le plus vite serait le mieux.
Dieudonné ESSOMBA

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