Dieudonné ESSOMBA : Le prochain président camerounais doit être anglophone pour la consolidation de l’unité nationale

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Le premier groupe qui estime que « Biya est bon dans un système bon » reste très cohérent dans ses projets et ses objectifs, qui sont de se maintenir coûte que coûte au pouvoir et même de le reproduire, à travers un autre Biya, idéologique, voire biologique comme le soupçonnent à tort ou à raison quelques-uns, sur la base de quelques indices qui leur semblent probants.
Ce groupe contrôle tout le système décisionnel, à travers ses unités militaires, l’administration publique entre les mains des ses affidés, ses chefs traditionnels à qui il a remis les salaires, le clergé qu’il inonde de ses libéralités.
Passé mettre dans la manipulation tribale et la manipulation électoraliste, il est très difficile à battre sur le plan électoral.
2. LE DEUXIEME GROUPE
Le second groupe apparemment majoritaire, et qui considère Biya comme un « mauvais pilote d’un bon système » est en réalité un agrégat de mouvements politico-sociaux dont le seul pont commun est leur opposition à Biya qu’ils veulent remplacer et jouir du système tel qu’il est formaté, avec évidement quelques réaménagements mineurs.
Sa nature majoritaire est factice. En effet, la caractéristique du régime auquel ils croient et qu’ils veulent remplacer est la personnalisation hégémonique du pouvoir : celui qui a le pouvoir a tout et les autres n’ont rien.
La mécanique est simple et s’observe partout en Afrique : celui qui gagne commence d’abord à créer ses propres mécanismes de consolidation du pouvoir indépendants de ceux qui l’auront aidé initialement. D’abord, une puissante garde présidentielle, majoritairement issue de sa tribu et totalement acquise à sa dévolution, assortie d’un ajustement des forces armées et de police qui lui sont favorables. Ensuite, des nominations dans des postes d’autorité de personnes qui lui sont acquises et enfin, un réseau d’affidés venant de toute la République, à coup d’avantages.
A terme, il se retrouve avec un pouvoir opérationnel qui lui permet de se passer de l’appui de ceux qui l’auront aidé initialement.
Bien plus, ses associés qui l’auront aidé à gagner les élections vont le gêner en lui rappelant sans cesse que c’est eux qui l’ont fait roi, et pour se prémunir des risques qu’ils représentent pour son pouvoir, il n’hésitera pas à les réduire au simple rang de faire valoir, voire à les massacrer comme cela s’est souvent vu ! La Révolution qui dévore ses enfants ! Et ils le savent tous.
Même si on leur promettait un poste comme celui de Président de l’Assemblée, ils ne représentent en réalité aucun contre-pouvoir fonctionnel, pour la simple raison que dans un pays très hétérogène et peu évolué, c’est celui qui contrôle l’armée qui contrôle tout et les autres ne sont que des figurants.
Les conséquences sont immédiates : lorsque ce monde se réunit, c’est chacun qui y va avec l’espérance d’être choisi et les autres s’aligneront derrière lui pour le faire roi. Et sitôt que cela n’est pas fait, le projet vole en éclat !
Contrairement à ce qu’on croit, ce n’est pas l’égoïsme, bien au contraire ! C’est qu’ils sont conscients que le candidat qu’ils vont choisir peut se révéler plus dangereux pour eux que Biya lui-même qui les regarde comme d’inoffensifs vers de terre !
En réalité, il n’y a rien à attendre de ce groupe, qui, malgré son importance numérique, n’a aucun moyen opérationnel pour battre le régime actuel.
3. LE TROISIEME GROUPE
Le troisième groupe qui considère que « Biya est un mauvais dirigeant d’un mauvais système » se focalise davantage sur les réformes, la conquête du pouvoir étant plutôt un résultat intermédiaire qu’un objectif.
D’abord, il dénonce la nature du pouvoir dont il propose la « dépharaonisation »: il n’est pas normal qu’un seul individu concentre autant de pouvoir. L’Etat du Cameroun utilise 25% des ressources de la Nation, mais en fixant la loi, en gérant le budget, en définissant ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire, il s’impose comme l’acteur stratégique qui influence à 70% de la situation économique, politique et sociale de la Nation. Les derniers 30% s‘expliquent par les décisions des autres acteurs qui en réalité, ne font que subir et suivre ce que l’Etat prescrit.
Dès lors, on ne peut pas décemment prendre le risque de mettre le destin d’une communauté entre les mains d’un seul individu qui peut vendre le pays sur un coup de plume, déclarer la guerre quand il veut, prendre n’importe quelle décision qui lui passe par la tête et que le pays est obligé de subir comme des moutons qu’on amène à un sacrifice, sans le moindre viatique !
De plus, un tel système développe la corruption, et alimente les tensions entre les segments sociologiques qu’il oppose dans une féroce compétition sur les emplois publics, les positions de pouvoir et les infrastructures. Il plombe la politique à un niveau communautaire, chaque dirigeant apparaissant, involontairement ou non, comme représentant de sa communauté ou d’un groupe d’intérêt.
Le second point que dénonce ce groupe est l’orientation nettement coloniale du pouvoir. L’architecture institutionnelle copie avec une fidélité manique les institutions de la France, au point de forcer les Camerounais à devenir des Français tropicaux pour être conforme à la France tropicale que les dirigeants et les intellectuels dévoyés qui leur servent de caution ont dans leur cervelle. Le système productif est totalement entre les mains des étrangers, le privé local se contentant de niches interstitielles abandonnées par ces étrangers. La politique économique est désormais dictée par les étrangers, avec la soumission de caniche aux dictats du FMI et de la Banque Mondiale. Et il faut voir avec quelle joie nos autorités frétillent la queue de joie, comme de petits toutous à la moindre félicitation des ces prétendus experts.
Le 3ième groupe estime qu’il faut mettre fin à ce système et le replacer par un système normal, naturel et plus conforme au Cameroun et aux intérêts du Cameroun. Un tel système est basé sur les principes suivants :
-UN SYSTEME POLITIQUE DEPHARAONISE : il s’agit de purger l’Etat de cette concentration de pouvoir et de privilèges qui fait sa malfaisante séduction en l’éparpillant sur le territoire, de manière à ne laisser au sommet que le strict nécessaire. En outre, il faut multiplier les pôles de décision politiques de manière à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. C’est cela qu’on appelle un système normal : un système normal fonctionne avec des individus moyens. Les Donald Trump, Sinzo Abe et autres Macron ne sont pas à proprement parler des grands génies, ni des gens d’une grande honnêteté, mais leur système fonctionne.
Nous n’avons donc plus besoin des individus qui se prennent pour des Pharaons, réfléchissent pour tout le monde, endossent tous les succès et n’assument jamais d’échec. On n’a plus besoin de Sanaga de la Pensée ou de Mont-Cameroun de l’intelligence, ni de pères de la Nation, de messies et autres « seul gage de la paix ».
-UN SYSTEME FONDE SUR L’UNITE NATIONALE, conçue ici, non pas comme la négation de la diversité, mais comme la traduction institutionnelle de notre anthropologie où un individu se déploie en cercles concentriques, appartenant alors simultanément à sa famille, sa famille élargie, son clan, sa tribu et son groupe ethnique, sans avoir besoin de hiérarchiser ces divers niveaux, ni à les opposer. Cela signifie que le système est fondé sur logique d’institutions concentriques, fonctionnant sur le modèle de la subsidiarité systématique, chaque Camerounais appartenant désormais dans des cercles concentriques composés de la Commune, du Canton, de l’Etat régional, de l’Etat du Cameroun, de la Confédération de la CEEAC et de l’Union Africaine, sans qu’un niveau soit supérieur à l’autre. C’est cette perception de l’Etat qui est typiquement africaine et rejoint la multi-individualité africaine.
-UN SYSTEME PRODUCTIF VIVANT, POUVOYEUR D’EMPLOIS ET DE REVENUS : il n’est pas normal qu’un pays comme le Cameroun se retrouve avec untel chômage, alors que les pays qui ont déjà tout fait ont des besoins de main-d’œuvre.
-UN SYSTEME FONDE SUR LE PROFESSIONALISME DES HOMMES POLITIQUES : la campagne d’un Maire, très opérationnelle et très terre-à-terre, est différente de la campagne d’un Gouverneur, et surtout celle d’un Chef d’Etat qui doit se limiter aux aspects strictement stratégiques. Il n’est pas normal que le maire d’une commune de 20.000 habitants parle des puits, et le Chef d’Etat qui gère 20 Millions d’habitants, soit 1000 fois plus parle aussi des puits. Les hommes politiques doivent se spécialiser chacun suivant son niveau, et adopter un langage et une démarche propre à leur niveau.
CONCLUSION
Contrairement à ce qui semble une évidence, le second camp n’a aucune chance ni de s’unir, ni de battre le régime néocolonial dont il n’est en réalité qu’une composante. Même aux prochaines élections, le RDPC va gagner haut la main, et ces partis ne peuvent absolument rien y faire !
Nonobstant ses faiblesses, c’est le troisième camp qui présente de véritables perspectives. Il est, certes, peu organisé et faible, mais il peut s’enfler rapidement, à travers la démarche suivante :
-le projet d’un nouveau modèle d’organisation du Cameroun
-la définition d’une période de mise en place du nouveau modèle, de 3 ans à 5 ans ;
-le consensus sur un candidat, de préférence anglophone, pour mettre en place ce nouveau modèle.
Si les Camerounais veulent réellement le changement, c’est vers ce modèle qu’ils doivent aller. Il s’agit donc de mobiliser immédiatement les partisans de ce groupe, car il est encore temps.
Dieudonné ESSOMBA

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