Entre Lueur et Désespoir : Quel destin pour les Camerounais du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ?

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Cent ans après l’armistice de 1918, plus de soixante-dix présidents du monde entier se sont réunis à Paris pour célébrer la paix lors d’un sommet qui lui était dédié. À cette occasion, ils ont pu tous ensemble, se remémorer la lueur d’espoir qui a accompagné cet armistice.

Malheureusement pour d’autres, cette avancée représente aussi le début d’une longue saga qui plonge aujourd’hui les camerounais du Nord-Ouest et du Sud-Ouest dans le désarroi ; pris dans la débâcle d’une revendication qui, au fil des jours, devient de plus en plus sanglante. Alors qu’on célébrait la paix à Paris, des camerounais se faisaient tuer à Ndu, Batibo, Nwa, Kumbo, Nsem, Nsimeyong, Mile 16 Buea, Bolifamba, Esu, Nkambe, Belo et Nchoboh.

Au même moment, la voix remarquable d’Angélique Kidjo brisait le silence de la cérémonie réunie sous l’Arc de Triomphe. «BLEWU», a-t-elle chanté, faisant ainsi revivre les paroles de la célèbre Bella Bellow, une chanteuse togolaise dont la vie sur terre s’est terminée brutalement à l’âge de 28 ans dans un terrible accident de la route, en 1973.

Vêtue de magnifiques vêtements africains, qui ne détonnaient point par ce temps d’automne à Paris, Angélique a chanté «BLEWU». Le regard étonné du Président Trump abasourdi, de Poutine, de Merkel, de Macron et de nombreux autres dirigeants occidentaux a montré qu’ils étaient montés dans une machine à remonter le temps, revenant cent ans en arrière pour imaginer la folie d’une guerre qui fit quarante millions de victimes. Angélique Kidjo, dans l’une des magnifiques langues du Togo, a chanté «BLEWU», le répétant à la foule assemblée :

« Lentement, lentement, lentement, rentrez chez vous sains et saufs.
Lentement, rentrez chez vous sains et saufs.
Rentrez lentement chez vous Sains et saufs.
Lentement.
Le Léopard ne s’empresse jamais de marcher.
Lentement, lentement, le léopard ne hâte jamais son pas.
L’animal avec une queue ne saute jamais par-dessus le feu.
Lentement.
Dieu à qui nous nous confions est le seul à connaître nos problèmes. »

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Faut-il encore attendre cent ans, quand vous et moi serons partis, pour que nous réfléchissions enfin à la folie qui nous aveugle aujourd’hui? La folie qui nous empêche de réaliser qu’a l’heure où nous parlons, il y a dans notre beau pays, 400 000 personnes déplacées, 50 000 réfugiés, plus de 90 villages incendiés, plus de 400 civils et militaires tués, des milliers d’autres blessés, près de 100 000 enfants privés de la possibilité d’aller à l’école et que ces chiffres s’accroissent au fil des minutes qui passent.

La nouvelle norme est celle des enlèvements quotidiens, des représailles, des fosses communes, du deuil, de l’animosité entre des personnes qui ont cohabité pacifiquement pendant des siècles, du chantage, de l’oppression, de la destruction totale des ordres traditionnels, etc.
Lentement, lentement, nous sombrons et la communauté internationale n’arrive pas à accélérer son pas. Pourtant l’Union africaine veut faire taire les armes à feu d’ici 2020. Les Nations Unies sont prises au piège par le protocole et des questions de souveraineté et les autres puissances occidentales, dont la gestion du passage à l’indépendance est à la racine de ce drame, sont ces léopards et ces animaux avec des queues qui n’osent pas sauter par-dessus le feu.

Lentement, lentement, de plus en plus de Camerounais du Nord-Ouest et Sud-Ouest n’ont plus de domiciles. Ils ne sont plus sains et saufs.
Y a-t-il quelqu’un ? Venez à la rescousse du Cameroun, non plus « lentement, lentement ». À mesure que vous tardez, le nombre de morts augmente, l’amertume augmente et la haine aussi. Nos jeunes en sont les premières victimes parce qu’ils veulent se battre coûte que coûte pour avoir l’avenir qu’ils méritent et courent de ce fait, le risque de mettre en péril ce même avenir. Nos femmes sont victimes de toutes sortes de traitements dégradants. Si cette commémoration d’armistice doit nous rappeller quelque chose, c’est bien que la perte de quarante millions de vies fût une folie humaine. Nous devons parler maintenant. Le dialogue n’est pas un signe de faiblesse mais une affirmation qu’il n’y a rien de plus précieux que la paix et le besoin de sauver des vies.

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 Akere T. Muna

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