Extrait du livre de Jean Bruno Tagne: Quand Atanga Nji montrait ses muscles

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Extrait de mon livre « Accordée avec fraude. De Ahidjo à Biya, comment sortir du cycle des élections contestées ».

Conférence dédicace autour de cet ouvrage demain vendredi 6 décembre 2019 à la Maison des Associations au 15 rue des Savoises GENEVE à partir de 19h30.

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Un qui est particulièrement actif et virulent dans les attaques c’est Paul Atanga Nji, militant du Rdpc et ministre de l’Administration territoriale. Le 9 octobre, nous avons rendez-vous avec le ministre dans son bureau pour un entretien. Il doit réagir à la sortie de Maurice Kamto, qui cristallise toutes les attentions. L’homme que nous rencontrons ce jour-là a la mine défaite. Ses yeux menaçants sont injectés de sang. Il tient à peine dans l’énorme fauteuil derrière son bureau. Il fulmine. Il veut en découdre. Mais il n’est pas seul à décider et le regrette bien. Pour lui, il n’y a pas de raison que Kamto soit encore en liberté. Il aurait dû être arrêté dès le moment où il s’est auto-proclamé vainqueur de l’élection présidentielle. Et pourquoi donc ? « Mais c’est illégal. Il a violé le Code électoral en son article 137! », s’étrangle-t-il. Quelques heures plus tôt, il a accordé une interview à des journalistes de France 24. Il fait feu de tout bois.

Atanga Nji est menaçant et méprisant. Il met le leader du Mrc en garde contre ses agissements. « Je donne un avertissement clair à monsieur Kamto : force restera à la loi. Nous sommes dans un processus qui doit être respecté scrupuleusement », dit-il.

Empruntant à la métaphore du football comme l’a fait Maurice Kamto pour revendiquer sa victoire, le ministre Atanga Nji poursuit : « Vous savez bien qu’il peut vous arriver de marquer un pénalty et de perdre le match. Des exemples sont nombreux des équipes qui ont marqué un pénalty et ont fini par perdre le match. D’ailleurs, pour qu’il y ait pénalty, il faut une faute dans la surface de réparation. Or, il n’y a pas eu de faute dans le processus électoral. Je ne vois pas qui a sifflé le pénalty. Je considère cette déclaration comme un non-événement et une imposture qui n’a pas lieu d’être. »

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Toujours aussi nerveux, Paul Atanga Nji se fait plus menaçant : « Kamto dit qu’il défendra sa prétendue victoire par tous les moyens et qu’il ira jusqu’au bout. Moi je dis qu’il n’aura pas le moyen d’aller jusqu’au bout, parce que nous ne lui donnerons même pas l’occasion de commencer. Pour aller jusqu’au bout, il faut commencer. S’il faut régler le problème de Maurice Kamto, c’est le sous-préfet de son arrondissement qui va le faire. Je n’aurais même pas à intervenir. S’il a voulu nous impressionner, qu’il sache qu’il se livre à une activité dangereuse et il doit savoir que chaque fois que quelqu’un a tenté de se mettre en marge de la loi, il a été isolé par le peuple, il est devenu marginal et il vivra son sort tristement dans un coin isolé. Force restera à la loi. Il est obligé de respecter le processus jusqu’au bout et si ce n’est pas le cas, il sera contraint de le faire. »

(…)

Malgré cet avantage évident, le parti au pouvoir s’est également offert le soutien de quelques partis politiques. Ils sont au moins 20 et se sont regroupés au sein de ce que la presse a baptisé le « G20 ». Il n’y a en réalité pas de foudre de guerre dans cette meute de politiciens sans envergure recrutés juste pour meubler bruyamment quelques plateaux de télévision et alimenter les réseaux sociaux d’outrances contre les candidats de l’opposition. Mais qu’importe. Leur soutien très médiatisé au candidat Biya compte.

Derrière cette opération de ralliement d’anciens opposants au Rdpc, un certain Paul Atanga Nji. L’arrivée de cet homme au très stratégique poste de ministre de l’Administration territoriale en mars 2018 est un de ces coups dont Paul Biya a seul le secret. Un pied de nez aux anglophones pour qui cet originaire du Nord-Ouest est l’une des personnes qui ont contribué à durcir la crise dans cette partie du Cameroun.

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Depuis le mitan des années 1990, il n’a cessé de multiplier des tribunes dans les journaux, surtout Cameroon tribune, pour soutenir sans vergogne que la « marginalisation des anglophones » n’est qu’une vue de l’esprit sous le règne du président Biya. Il récite à l’envi, les statistiques des postes de ministre et des hautes fonctions administratives occupées par les anglophones qui sont, pour lui, autant de preuves qu’ils sont des privilégiés dans la République. Dès le début de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, il a été parmi les premiers à prendre la parole pour marteler qu’il n’y a point de problème anglophone au Cameroun. Autant dire qu’il est détesté par ceux qui soutiennent la thèse contraire et qui le considèrent d’ailleurs comme un traitre.

Né en 1960, Paul Atanga Nji occupait avant son arrivée à l’Administration territoriale les fonctions non moins importantes de ministre chargé de missions à la présidence de la République en même temps que celles de secrétaire permanent du Conseil national de sécurité. Personnage ubuesque, il s’accommode peu de protocole. Il n’est pas rare de voir cet amateur de tennis lui-même au volant de sa voiture dans les rues de Yaoundé ou dans une boulangerie de la capitale, tôt le matin, en train de s’offrir quelques viennoiseries après sa traditionnelle prière quotidienne à la cathédrale.

Pendant l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, ce séide de Paul Biya a mené des coups plutôt fumants : les faux observateurs de Transparency international, un sondage donnant le président sortant largement vainqueur fabriqué par son propre frère cadet résident aux Etats-Unis d’Amérique, sondage abondamment repris sans nuance par une horde de journaux stipendiés. En plus du G20, Atanga Nji a apporté au candidat Biya, le soutien des moto-taximen de Yaoundé et de Douala.

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Son amour pour le président Biya va au-delà du militantisme pour se muer en fanatisme. Déjà au début des années 1990, alors que le pouvoir vacille, bousculé par des grèves à répétition des chauffeurs de taxis qui paralysent les principales villes du pays, Atanga Nji choisit d’acheter une centaine de taxis qu’il met en circulation pour casser le mouvement. Dans les années 2000, il organise une marche de Bamenda à Yaoundé, soit pratiquement 350 km pour soutenir le président Biya.

Atanga Nji sera encore aux avant-postes lors de la présentation du programme du président Paul Biya. Ledit programme se décline sous la forme d’un essai politique qu’il signa en 1987 : Pour le libéralisme communautaire. L’ouvrage a été réédité à l’occasion de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. La présentation de ce livre a donné lieu à de grandes manifestations à travers le pays où des cadres du Rdpc ont expliqué le contenu à leurs camarades.

Dans la nouvelle édition de Pour le libéralisme communautaire, l’auteur décline en 147 pages, sa vision pour le Cameroun. Il reconnaît le mal-être d’une partie de la population : « Il faut aussi se le dire sans détour, la richesse du pays reste inégalement répartie entre les diverses couches de la population, confesse-t-il. (…) Dans notre pays comme dans de nombreux autres pays, l’aisance matérielle reste l’apanage d’une minorité et la pauvreté le lot du plus grand nombre, malgré les immenses potentialités économiques que recèle le Cameroun. »

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Extrait de Jean-Bruno Tagne, Accordée avec fraude. De Ahidjo à Biya, comment sortir du cycle des élections contestées, Yaoundé, Ed Schabel, 2019, 290 P.

Conférence dédicace autour de cet ouvrage demain jeudi 6 décembre 2019 à la Maison des Associations au 15 rue des Savoises GENEVE à partir de 19h30.

Le livre est désormais disponible sur Amazon.

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