«Pour corriger les déséquilibres budgétaires et extérieurs grandissants, il faudra réaliser un travail soutenu etéquilibré d’assainissement budgétaire fondé sur une augmentation des recettes non pétrolières, une hiérarchisation des projets d’investissement public qui se révèlent porteurs en termes de croissance et une rationalisation des dépenses courantes, tout en protégeant les dépenses sociales. Le programme budgétaire des autorités s’appuie sur de vastes réformes structurelles dansla mobilisation desrecettes et la gestion des finances publiques, afin de renforcer davantage la mobilisation de recettes non pétrolières, d’accroître l’efficience de la dépense et de maîtriser les risques budgétaires1 » . Il s’agit d’un programme qui exige une refondation importante du modèle économique du Cameroun. Heureusement, les exigences de ce nouveau modèle ne s’éloignent pas des ambitions d’émergence entretenues par le Cameroun. Elles seraient par conséquent maintenues après le départ du FMI. L’analyse qui nous concerne ici ne focalise donc pas seulement sur le court terme mais convoque davantage une ambition de long terme pour une transformation durable. Partons d’une évidence comptable: résultat=recettes-dépenses. Si l’on considère le Cameroun comme une entreprise on dirait que le programme avec le FMI vise à amé- liorerles résultats financiers actuels. Il s’agit alors d’augmenter le ré- sultat. Pour cela il faut augmenter les recettes et/ou réduire les dé- penses. Les options prises par le Cameroun concernent les deux options, augmenter les recettes (ré- formes budgétaires devraient s’y atteler) et réduire les dépenses (l’engagement à réduire de 15% en 2018 le budget d’investissement et à supprimer toutes les dépenses superflues et/ou redondantes). C’est dans le cadre de ce dernier engagement que se situe l’enjeu de la diminution de la taille du Gouvernement. L’efficacité de cette dé- cision impose d’avoir des ambitions chiffrées claires. Les charges liées au fonctionnement doivent être réduites de combien ? En consé- quence quelle est la taille du Gouvernement envisagée ?
La réponse à ces questions n’est pas évidente. Elle suggère de tenir compte de deux principales contraintes insé- parables: économiques et politiques.
I- CONTRAINTES ÉCONOMIQUES ET TAILLE DU GOUVERNEMENT
2 ) . La deuxième option consiste à rationaliser l’usage des comités et commissions qui occasionnent dans certains cas des doublons sources de gabegie. Si la création des comités relève d’un besoin ponctuel réel, leur nombre pourrait être questionné au même titre que leur efficacité. Tenez par exemple de janvier à septembre, l’analyse des informations véhiculées dans le quotidien Cameroon Tribune permet de dénombrer 16 comités antérieurement créés qui ont annoncé leurs activités et 11 nouveaux comités créés soit au total 27 comités qui côtoient les structures institutionnelles permanentes. Il ne s’agit pas d’un inventaire partiel largement en dessous de la réalité de ce phénomène. Un premier exercice consisterait à apprécier et décider de la pertinence de tous les comités (qui ont un budget de fonctionnement) afin de dégagerles économies possibles issues de l’élimination des doublons ou de la rationalisation de leur fonctionnement. La troisième option consiste à regrouper rationnellement toutes les structures qui visent le même objectif. Ceci permettrait d’économiser les ressources et d’améliorer la qualité des résultats. Prenons l’exemple du secteur rural. On pourrait bien imaginer le regroupement au sein d’un même ministère des compétences : d’agriculture végétale, animale et de pêche (MINADER et MINEPIA) et tous les programmes y relatifs. On comprendrait alors que le projet des agropoles soit logé au MINADER plutôt qu’au MINAPAT. Par ailleurs, le MINMIDT partage la responsabilité de la transformation locale des produits miniers, agricoles et forestiers avec le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, le Ministère des Forêts et de la Faune et des d’autres Administrations. Le tableau ci-après présente pourles principales préoccupations du secteur rural, les autres intervenants ministériels. Ce travail peut être fait pour chaque secteur avec des propositions de regroupement. Il convient de reconnaitre que les arbitrages vont inévitablement tenir compte des contraintes politiques.
II- INFLUENCE DES CONTRAINTES POLITIQUES SUR LA TAILLE DU GOUVERNEMENT
Il peut arriver qu’il y ait un conflit entre les logiques économiques et politiques. La logique politique ici renvoie entre autres: aux intérêts personnels des classes dirigeantes, à la stabilisation d’un groupe ethnique ou linguistique dans l’objectif de la préservation de la paix, l’arrimage à un enjeu international afin de rester dans le concert des Nations (par exemple l’encadrement des réfugiés qui peut ne pas être rentable au plan économique mais indispensable au plan diplomatique). Trois orientations sont alors envisageables au regard des priorités du programme. La première orientation serait de considérer les enjeux sous régionaux et régionaux. Les préoccupations diplomatiques seraient alors retenues comme argument principal dans la réduction de la taille du Gouvernement. Le point particulier des réfugiés et de la Guerre contre Boko Haram plus que les intérêts économiques pourraient influencer la décision. La deuxième orientation concerne la prise en compte du caractère multiethnique du Cameroun. La question ici serait par exemple de savoir comment assurer la repré- sentation de tous les groupes ethniques au niveau du Gouvernement. Il est vrai qu’un Etat émergent doit rechercher l’excellence mais s’appuyant sur l’argument de la paix sociale, l’Etat peut s’engager à garder le principe d’équilibre ré- gional qui pourrait avoir une ré- percussion sur le nombre de ministères et leur importance. La troisième orientation peut concerner les préoccupations de sécurité. Préserver le pouvoir de l’Etat sur le territoire ne convoque pas une logique économique mais politique. En effet quel que soit le coût, la légitimité de l’Etat doit être préservée. Max Weber nous rappelle fort à propos que l’Etat a le monopole de la violence légitime. Conserver ce monopole n’a pas de prix. Partant de l’évidence qu’un changement de stratégie induit une adaptation de structure, la question de la taille du Gouvernement ne peut être esquivée dans le contexte actuel de mise en œuvre programme économique avec le FMI. Dans l’atteinte de cet objectif, il convient de tenir compte des rationalités économiques et politiques. Sans avoir la prétention de disposer de toute l’information né- cessaire pourfaire des propositions concrètes sur la taille du Gouvernement, trois orientations peuvent faciliter les simulations proposées.
La première orientation consiste à identifier les ministères au cœur de la mise en œuvre du programme. Il s’agit des ministères impliqués dans les réformes budgétaires, dans la réalisation des projets prioritaires d’investissement, dans la coopération et la diplomatie : le MINFI, le Ministère des Infrastructures et de la Coopération (MINEPAT et MINDHU, le MINREX (diplomatie sous ré- gionale et internationale), le Ministère des Grands travaux (MINTP, MINTRANSP, MINTOUL), l’éducation (un ministère qui regroupera le MINESUP, le MINRESI, le MINESEC et le MINEBASE, MINJEC). La deuxième orientation concerne les activités du secteur social et de la souveraineté. Pour le secteur social on pourrait avoir : le MINSANTE, le Ministère de la Jeunesse, du travail et de la sécurité social (MINTSS, MINAC) le Ministère desAffaires sociales et de la Famille (MINAS et le MINPROF).
Pour les ministères relevant des missions de souveraineté et de contrôle : le MINDEF, la Gendarmerie, la Police, le MINATD, le MINJUSTICE, le MINCOM, le MINMAP, le Ministère de la Fonction publique et du Contrôle supérieure de l’Etat (MINFOPRA et CONSUPE). La troisième orientation considère les ministères issus des secteurs ayant un fort potentiel de production de richesses à court terme qui accroitraient les recettes non pé- trolières : le Ministère des PME et du Commerce (MINPMEESA et MINCOMMERCE), le MINPOSTEL, le MINMIDT, MINADER (MINADER et MINEPIA), le Ministère des Sports, de l’Education civique, des Arts et de la Culture (MINSEP, MINAC). Sur la base de ces trois options, la taille du Gouvernement pourrait varier de 20 à 25 contre 42 actuellement. Quel que soit le modèle retenu, le succès du programme avec le FMI dépendra de la qualité des ressources humaines en charge de l’implémenter. Cette préoccupation sera abordée dans la prochaine tribune qui paraitra lundi le 02 octobre 2017.
Viviane Ondoua Biwolé, épse Eloundou, expert en management public
1. Confère Rapport du FMI No. 17/185, Juillet 2017 page 2.
2. MINEPAT : Stratégie de Dévelop- pement du Secteur rural 2015-2020, janvier 2016
Source:Journal Intégration