Du Coton Sport Football Club de Garoua au Cameroun, à Porto, qui vient de le faire prolonger jusqu’en 2018, Vincent Aboubakar a fait du chemin. Aujourd’hui, s’il fait le bonheur des Dragões en championnat portugais, deuxième au classement des buteurs de la Liga, comme en Ligue des champions avec un doublé face à Monaco, son itinéraire reste assez particulier.
Comme son aîné Roger Milla, qui a commencé sa carrière en France sous les couleurs de Valenciennes, l’attaquant arrive dans le nord de l’hexagone en 2010. Juste avant, il venait de prendre part au Mondial en Afrique du Sud à seulement 18 ans.
Paul Le Guen : « Je n’ai jamais douté de son talent »
« J’avais souhaité rassembler une vingtaine de joueurs locaux avant la Coupe du monde », raconte Paul Le Guen à RFI. Vincent Aboubakar sera le seul retenu. « Il avait du talent et pouvait bousculer la hiérarchie des attaquants », précise l’ancien sélectionneur des Lions indomptables qui a beaucoup apprécié « la fraîcheur » de celui que le reste du groupe a « très vite intégré ».
Selon Paul Le Guen, l’ancien joueur de Valenciennes « aime profondément le foot » et « c’est pour ça qu’il est travailleur ». « Je n’ai jamais douté de son talent. Vous le voyez jouer et vous percevez tout de suite que c’est quelqu’un d’intelligent », ajoute-t-il à propos de celui qui regrette d’avoir quitté l’école trop tôt. « Avoir des diplômes est plus rassurant que le football. Mais quand Dieu dit que quelque chose est pour toi, tu ne peux pas faire autrement ! », avait expliqué Vincent Aboubakar.
A Valenciennes, la vie n’est toutefois pas aussi simple que prévu pour le champion d’Afrique. Il lui faut un temps d’adaptation. « Imaginez ce que cela change pour un garçon comme lui d’arriver en France. Ne serait-ce que pour le climat », avoue Paul Le Guen.
A l’époque, même s’il déborde d’enthousiasme, Aboubakar se sent un peu seul, loin de sa famille. « J’ai choisi ce club parce que je pense qu’ici, je peux bien travailler et progresser. Je suis venu ici pour travailler. Je vais faire le maximum d’efforts pour qu’on me fasse confiance. Et Roger Milla a débuté ici… », confiait l’intéressé au site internet du club.
« Il arrivait du fin fond du Cameroun avec une personnalité introvertie. Il a montré tout de suite du potentiel, se souvient pour RFI Philippe Montanier, son premier coach à Valenciennes. Evidemment, il devait apprendre la rigueur et je me souviens que pour le punir d’un retard, j’allais le chercher tôt le matin les jours suivants ».
«Les gens ont commencé à dire que j’avais des pieds carrés»
« Abou », avec son physique de déménageur, et sa timidité, reste trois saisons avec le « véha ». Lors de sa troisème année, Il est placardisé par le nouvel entraîneur, Daniel Sanchez qui trouve qu’il a « les pieds carrés ». « J’ai raté beaucoup de buts, les gens ont commencé à dire que j’avais des pieds carrés. Bon, c’est ce qui arrive parfois dans la carrière d’un joueur, ça m’est arrivé à Valenciennes », avançait Aboubakar au quotidien Libération. Comble de l’ironie, le voilà désormais noté par le jeu vidéo Fifa 18 comme l’un des joueurs les plus techniques de ce dernier opus.
En 2013-2014, le Lion indomptable confirme en Bretagne : 37 matches et 16 buts en Ligue 1 avec Lorient. Il s’impose rapidement comme titulaire indiscutable à la pointe de l’attaque et se classe à la deuxième place des buteurs du championnat derrière Zlatan Ibrahimovic. « A son arrivée, il n’avait pas encore éclaté. Mais il avait une volonté de travail terrible que j’ai rarement vu, nous confie Sylvain Ripoll, son entraîneur adjoint chez les Merlus. Il lui fallait toujours quelque chose en plus à la fin de chaque séance, il fallait le freiner ! Calme et discret, il se transformait sur le terrain. Il fait partie des joueurs qui m’ont marqué le plus par sa volonté de réussite. »
La saison suivante, le natif de Garoua file au Portugal. Les débuts sont compliqués, il est en concurrence avec Jackson Martínez. Mais ses prestations en Ligue de champions lui valent pas mal de louanges. « Au niveau mental, il faut te blinder. Ça travaille tout le temps. On arrive à 9 heures au centre, et tout le monde est à l’heure, alors qu’en France, tu as toujours un mec qui traîne », avait raconté Aboubakar toujours au quotidien Libération.
« Je fais un métier complexe »
Vincent Aboubakar, qui a commencé le foot à 14 ans dans sa ville natale, considère qu’il « fait un métier complexe ». En août 2016, il est prêté au Besiktas – Nuno Espirito Santo ne voulait pas le conserver – avec une option d’achat de 10 millions d’euros. Son rendement est efficace avec 19 buts toutes compétitions confondues.
Aujourd’hui, Porto n’a plus l’intention de lâcher sa vedette, qui s’éclate en compagnie de l’Algérien Yacine Brahimi et du Malien Moussa Marega. Son coach Sergio Conceição avait décidé de le retenir à son retour de prêt. La signature de ce nouveau contrat était « une priorité pour le club ».
« A Porto, il a développé ses qualités. C’est devenu un bon joueur, car il est désormais constant. Il combine bien avec les autres et sa palette de jeu s’est étoffée », note Philippe Montanier à propos de celui qu’il considère comme un « coéquipier modèle ».
« Ce qui a motivé mon retour c’est le nouvel entraîneur qui comptait sur moi. Le club a changé de mentalité et de système de jeu », expliquait Vincent Aboubakar à la presse portugaise. Il n’avait pourtant pas l’intention de revenir. Il ne se sentait ni « respecté », ni « valorisé ». Dans le monde du football, la roue tourne si vite.
Source: Farid Achache -Rfi