.Selon ce rapport, le suivi des arriérés de recouvrement est l’un des points faibles de la gestion des finances publiques au Cameroun..Sur cet aspect, le pays obtient en effet la note D. Cette note qui «signifie que le niveau de performance est inférieur au niveau de base». La note C qui représente le niveau de base est attribuée lorsque «la part des arriérés de recettes à la fin du dernier exercice clos est inférieure à 40% du total des recettes perçues pour
l’exercice et les arriérés de plus de 12 mois représentent moins de 75 % du total des arriérés pour l’exercice». Or au Cameroun, les arriérés à fin 2016 représentent 43,6% des recettes de l’année, 95% des arriérés antérieurs à 2016. origines
Pour comprendre l’origine de ces restes à recouvrer qui augmentent au fil des années (voir tableau), il faut les scinder en deux catégories : les arriérés dus à la direction générale des douanes (218,4 milliards de francs) et ceux dus à la direction générale des impôts (1021,2 milliards de francs CFA).
Pour ce qui concerne les droits de douane, les experts expliquent que «tous les droits sont en principe payés avant enlèvement de marchandises; les crédits d’enlèvement ayant été suspendus depuis 1995 en raison des abus qui avaient été constatés». Mais des arriérés de recouvrement sont cependant enregistrés en raison de «l’existence de cas où les enlèvements sans paiement préalable sont autorisés sous caution donnés par des opérateurs ou agents dûment identifiés» indique-t-on à la direction générale des douanes (DGD).
Les contreparties fiscales des projets financés par les fonds extérieurs représentent l’autre source d’arriérés. «Certaines administrations cautionnent les bénéficiaires d’exonérations accordées, mais ne procèdent pas à la régularisation des dépenses par insuffisance de crédits. Ce qui empêche la régularisation en paiement des recettes correspondantes», justifie-t-on encore. Le cumul des restes à recouvrer par la DGD auprès des administrations publiques s’élève à 107,3 milliards de francs CFA, soit pratiquement la moitié du total des arriérés.
Selon l’inspecteur principal des impôts Alain Symphorien Ndzana Biloa, les raisons de l’accumulation des restes à recouvrer d’impôts sont plus diverses. L’auteur de l’ouvrage intitulé «La fiscalité, levier pour l’émergence des pays africains de la zone franc, le cas du Cameroun», liste «la qualité des émissions qu’on peut interroger à partir du volume du contentieux fiscal ; les difficultés de trésorerie que certains contribuables peuvent éprouver et la mauvaise santé financière d’autres notamment les entreprises publiques ; la cessation d’activités et/ou des paiements de certains contribuables ; les difficultés de localisation des reliquataires et d’autres problèmes qui peuvent gêner l’action en recouvrement». Selon la direction générale des impôts (DGI), «les accumulations
des restes à recouvrer sont dues, pour la majorité, par les entreprises publiques». En 2016, près de 80 % du stock des arriérés de recouvrement de la DGI (soit 814,6 milliards de francs CFA) relevait en effet des organismes publics. hypothétique recouvrement
En plus de son ajustement, les 1 239,6 milliards de francs CFA de recettes non recouvrées en 2016 représentent pratiquement l’argent nécessaire pour que le Cameroun sorte de la crise économique actuelle.
Afin de combler ses déficits de financement, le pays aura besoin, entre 2017 et 2020, d’environ 1302 milliards de francs CFA. Mais pour avoir cet argent, le pays a fait recours aux institutions financières internationales dont le Fonds monétaire international (FMI). En fait, le recouvrement de ces arriérés est hypothétique. Sur les 107,3 milliards de francs CFA de restes à recouvrer cumulés par les administrations publiques en 2016, la DGD estime que seuls 9 milliards sont potentiellement recouvrables en 2017. A la DGI, le montant potentiellement recouvrable sur la même année est de 45 milliards francs CFA sur des arriérés de 814,6 milliards dus par les organismes publics. «Il ne s’agit pas d’un laxisme de la part de l’administration fiscale. La difficulté est que les entreprises publiques ont des tensions de trésorerie faute des subventions promises par l’Etat (c’est par exemple le cas du Chantier naval industriel ou de la compagnie aérienne Camair-Co), ou à cause des factures impayées auprès de l’Etat (c’est le cas de la Sonara ou d’Eneo). Or nous sommes l’Etat. Nous ne pouvons pas devoir 10 milliards de francs à un contribuable et lui mettre la pression pour qu’il nous règle une créance de 3 milliards», dé- fend une source à la direction des grandes entreprises de la DGI. Notre source ajoute: «à leur tour, ces grandes entreprises accumulent des impayés envers leurs fournisseurs et les mettant dans l’impossibilité de s’acquitter de leurs obligations fiscales.
Donc le problème est complexe».
«Pour les créances fiscales sur les entreprises publiques, l’Etat doit accélérer les procédures de compensation des dettes croisées là où il y en a, et pourquoi pas augmenter sa participation dans le capital là où il n’y en a pas. Ces opérations lui permettront ainsi d’améliorer d’une part la présentation de son bilan et d’autre part la sincérité de ses comptes qui seront alors délestés des créances fiscales visiblement douteuses et irrécouvrables», propose
Alain Symphorien Ndzana Biloa. micmacs Sauf que les opérations de compensation des dettes croisées sont jugées non conformes aux normes en matière de gestion des finances publiques. «Les réalisations effectives sont sous-estimées du fait de la nonprise en compte, en dépenses comme en recettes, detoutesles compensations opérées entre l’Etat et des entreprises.
C’est le cas en particulier des compensations de recettes douanières dues par la Sonara (société de raffinage) à l’Etat et les arriérés dus par ce dernier au titre de la subvention pour le soutien des prix des produits pétroliers. Les lois de finances 2014 et 2015 ont en effet prévu au chapitre 60 et en subventions aux ménages, respectivement 215,2 milliardset 195 milliards de paiements dus à la Sonara. \
Les documents budgétaires n’ont enregistré en exécution sur cette ligne que 42,5 milliards et 7,9 milliards respectivement pour 2014 et 2015, alors que des compensations de montants plus importants ont été effectuées», peuton lire dans le rapport d’évaluation du système de gestion des finances publiques. «Le rapport annuel de la chambre des comptes pour l’exercice 2014 indique un montant de 102 milliards de compensations non enregistrées sur les comptes de 2014, mais nous n’avons pas pu obtenir les montants compensés et leur répartition entre les arriérés de recouvrement sur les exercices antérieurs et les montants dus sur exercice courant, ni au titre de 2014, ni au titre de 2015», regrette les auditeurs.
Dans cadre de son programme économique et financier de trois ans avec le FMI, le gouvernement camerounais s’est d’ailleurs engagé à «inscrire toutes les recettes et dépenses dans le budget en évitant les compensations directes, en particulier entre le gouvernement central et les entreprises publiques» et «en éliminant les annulations de dettes croisées entre l’État et les entreprises publiques». Objectif: améliorer la lisibilité et la transparence dans l’exécution du budget et renforcer le contrôle des risques budgétaires.
Les autorités camerounaises ont également pris l’engagement d’améliorer la gestion des entreprises publiques afin d’éliminer progressivement les subventions qui leur sont allouées et de s’acquitter de la dette intérieure y compris des remboursements des crédits TVA (taxe sur la valeur ajoutée). «Si ses engagements sont tenus, ce serait un grand pas vers la résolution des problèmes de recettes non recouvrées», commente un chef d’entreprise. «Il faudra aussi nécessairement envisager des mesures visant la remobilisation du personnel et le renforcement des capacités tant de l’administration fiscale elle-même que de ses agents», ajoute Alain Symphorien Ndzana Biloa. Aboudi Ottou Les principaux débiteurs sontles entreprises publiques incapables de s’acquitter de leurs obligationsfiscales. Alamine Ousmane Mey, le ministre camerounais des Finances.