Aujourd’hui, un psychologue conjugal peut toujours se demander qu’est ce qui fait qu’un couple ne fonctionne plus. Nous avons demandé à six spécialistes du couple, de recenser les scénarios qui conduisent à la rupture amoureuse. Surprise : ils ont unanimement dégagé sept situations. Cette étude des situations permet alors au psychologue conjugal de trouver des solutions aux problèmes de couple des personnes.
Et ce quelles que soient la durée de vie commune et la singularité du parcours amoureux. Décryptage et analyse.
1 – LA FUSION
Paradoxalement, les couples les plus fragiles sont ceux qui, au début de leur relation, vivent une symbiose absolue. Engagés « très vite, très fort », branchés sur les besoins de l’autre, ils jouent tous les rôles : amant, ami, parent, enfant… Enveloppés, à l’abri des turbulences du monde, ils se nourrissent exclusivement l’un de l’autre. Ils vivent le couple comme une île déserte qu’ils seraient les seuls à habiter, jusqu’au jour où un élément extérieur vient perturber ce tête-à-tête exclusif. Ce peut être une naissance (comment composer à trois lorsque l’on n’a jamais vécu que l’un pour l’autre ?) ou un projet enthousiasmant qui se présente dans la vie de l’un des deux.
Mais, plus fréquemment, c’est une sensation de lassitude et d’étouffement qui s’empare de l’un des partenaires, qui prend conscience que la sécurité à peu à peu fait place à l’asphyxie. Le monde extérieur, si longtemps tenu à distance, est tout à coup paré de tous les attraits. C’est le début de la crise. Frustration insupportable d’un côté, sentiment d’abandon et de trahison de l’autre. La plupart du temps, ces couples se séparent en se déchirant.
2 – LE REFUS DE LA DIFFERENCE
Un conjoint n’est pas un double. Affirmation limpide en théorie, plus compliquée en pratique. Très souvent, les gros conflits sont nourris au quotidien par de petits refus : on n’accepte pas que celui dont on partage l’intimité n’ait pas les mêmes réactions que nous ou qu’il nous surprenne (et déçoive) par la façon dont il vit et exprime ses émotions. On projette sur l’autre des envies, des attentes, des erreurs de comportement qui, en réalité, sont les nôtres. Or un couple est composé de deux personnes différentes – qui plus est, dans la plupart des cas, de sexe opposé.
On sait combien hommes et femmes “fonctionnent” de manière asymétrique, notamment en matière de communication et de sexualité. Les femmes expriment plus facilement leurs émotions et ont un désir sexuel plus fluctuant que les hommes. « Il ne me parle pas assez », « Elle ne voit jamais les efforts que je fais », « Nous n’arrivons pas à avoir d’orgasme en même temps », « Quand je veux, c’est elle qui ne veut pas »… sont les plaintes le plus souvent entendues en consultation. Toutes témoignent de ce déni de la différence qui finit par faire du couple un champ de bataille ou un tribunal.
3 – LE MANQUE DE COMMUNICATION
Convaincus que les mots sont inutiles pour se comprendre quand on est faits l’un pour l’autre, les jeunes couples ont tendance à négliger la communication dans leur relation. Au nom du mythe de l’amour parfait, “instinctif”, ils oublient que la communication est indispensable pour apprendre à se connaître. Comment, sans les mots, découvrir les envies, les besoins de l’autre ? élaborer des projets ? Sans échange, difficile d’éviter de fantasmer la relation, difficile aussi de ne pas s’exposer à la déception amoureuse en se rendant compte un jour que son compagnon « n’est pas du tout celui que l’on croyait ».
Dans les couples au long cours, l’absence de dialogue nourrit quiproquos et frustrations : « A quoi bon lui dire ce que je veux ? Je sais ce qu’il va me répondre. » Persuadés de se connaître parfaitement, les partenaires estiment que parler ne modifiera rien. Chacun colle une étiquette sur l’autre et vit “à côté de” au lieu de vivre “avec”. C’est oublier que la richesse et la force du couple viennent de ce que l’on ne finit jamais de découvrir l’autre et d’apprendre à se connaître à travers lui.
4 – LE COUPLE THERAPEUTE
Ce sont, en général, des couples très solides au départ. Leur contrat, inconscient la plupart du temps, repose sur des attentes complémentaires : guérir pour l’un (problèmes de dépression, d’alcool, d’échec professionnel…), se sentir indispensable pour l’autre. Le plus souvent, ces couples, fondés à la fois sur la domination et sur la recherche de la fusion, s’enfoncent toujours davantage dans leurs dysfonctionnements. Ce qui les amène, à terme, soit à l’impasse, soit à la rupture.
Premier cas de figure : avec le temps, le “malade” guérit et, de fait, n’a plus besoin d’un “médecin” ni d’un témoin gênant de sa « déchéance » passée. Il se peut également qu’il se révolte en prenant conscience que cette relation, loin de le libérer, entretient sa dépendance, s’en nourrissant pour continuer à exister. Second cas de figure : les tentatives du “sauveur” échouent, alimentant sa frustration et sa colère et générant de la culpabilité et de la souffrance chez son partenaire.
5 – LE MANQUE DE PROJET DE VIE
Etablir des projets de vie est indispensable pour avancer à deux. Mais, pris dans l’euphorie des premiers temps de la relation, les jeunes couples revendiquent le droit de « vivre au jour le jour » et évitent de se projeter dans l’avenir. Ce n’est que lorsque le quotidien a émoussé l’enthousiasme et la spontanéité des débuts que l’avenir de la relation apparaît comme un espace vide, ennuyeux ou angoissant. Certains vont alors “voir ailleurs” pour remettre du désir et de l’excitation dans leur vie ; d’autres, pour meubler le vide, décident de déménager, de se marier ou d’avoir des enfants, mais, une fois ces projets réalisés, se rendent compte que la vie à deux ne leur apporte plus ni envie ni énergie.
C’est alors que, au lieu de questionner en profondeur la relation et ce que l’on attend d’elle, chacun se replie sur soi et développe, en parallèle du couple, des projets personnels. Lesquels, loin de nourrir la relation, la fragilisent encore davantage. Dans cette dynamique, l’un des deux finit par s’apercevoir qu’il est plus épanoui seul ou à l’extérieur de son couple et met fin à celui-ci. Ou, par peur de la solitude, par culpabilité, chacun se résigne et vit « seul, à deux ».
6 – LA PARESSE
« On s’aime, donc ça doit marcher entre nous », « Si ça ne marche pas, c’est que l’on ne s’aime pas assez », « Si l’on ne se comble pas sexuellement, c’est que l’on n’est pas faits pour vivre ensemble »…
De nombreux couples, les plus jeunes en particulier, sont persuadés que, entre eux, tout doit fonctionner d’emblée. Au moindre problème relationnel ou sexuel, ils concluent que la relation est condamnée. C’est pourquoi ils ne se donnent pas la peine d’essayer de surmonter à deux leurs difficultés. Habitués au zapping, à la consommation, donc à combler toutes leurs envies et tous leurs manques dans l’instant, ils ont du mal à supporter la frustration et à fournir des efforts qui ne portent pas leurs fruits immédiatement. C’est oublier que le couple et la sexualité ne vont pas de soi et se construisent avec le temps.
7 – LE FATALISME
Deux écueils principaux guettent les couples de longue durée : les conflits que l’on ne règle pas parce que l’on considère qu’il est trop tard, et l’essoufflement du désir, voire l’absence de relations sexuelles. Des conflits lors de la vie de couple non réglés en profondeur ressortent rancoeur et frustration, et de l’usure du désir, installée au fil du temps, des conduites d’évitement qui alimentent une agressivité souterraine empoisonnant les échanges les plus anodins.
La bonne réaction consisterait à communiquer sur ce qui fait effectivement problème pour tenter de trouver une solution (parfois en faisant appel à un tiers thérapeute).
QUAND L’ENFANT PARAIT :
La naissance d’un enfant agit souvent comme un facteur déclenchant, faisant remonter à la surface des difficultés plus anciennes. Avec l’arrivée de ce tiers, toutes les “erreurs” répertoriées ci-dessus deviennent autant de pièges qui se resserrent : absence de vraie communication ? Ce sont les désaccords qui surgissent à propos de l’éducation et de l’organisation au quotidien de la vie de famille.
Amour-fusion ? Le bébé vient rompre la symbiose, donnant l’impression de “prendre la place” de l’un des partenaires auprès de l’autre.Absence de projet de couple ? L’enfant devient l’unique centre d’intérêt de l’un ou des deux parents, jusqu’à ce que ceux-ci abandonnent toute vie amoureuse…
De nombreux couples pensent encore que l’arrivée d’un enfant résoudra de façon magique tous les problèmes. Mais un enfant ne peut constituer un projet “final”. Idéalement, c’est pour le couple une étape à franchir, lorsque la plupart des pièges ont été déjoués et que les erreurs de comportement ont été repérées, et réparées.
La rupture amoureuse : quand est-elle inévitable ?
« Le seul moyen de savoir si une crise de couple pourra ou non être dépassée est, d’abord, de la vivre et de s’y confronter », explique Alice de Lara, Conseiller Conjugal. C’est-à-dire, ensemble ou avec l’aide d’un thérapeute de couple, d’essayer de trouver d’autres aménagements, psychiques et matériels. C’est ainsi que l’on verra si l’on est capable, ou pas, de faire le deuil de certaines illusions sur le couple “d’avant la crise”.
Si la réponse est oui, un nouveau départ est possible. Dans le cas inverse, la rupture amoureuse s’imposera comme la seule issue réaliste. Les “symptômes” ? Une absence totale de communication verbale, la multiplication de petits et de grands conflits, des silences pleins de ressentiment, un examen permanent de l’autre, un sentiment d’amertume… Lorsqu’elles persistent, ces attitudes et réactions signifient que l’on s’est figé dans une position de défense et d’agressivité, et que la confiance et la complicité, indispensables à la vie à deux, ont totalement disparu.
L’ARGENT : Pomme de discorde
La gestion de la vie quotidienne, la sexualité et, enfin, les questions d’argent sont les principaux motifs de crise dans le couple. Françoise Sand, conseillère conjugale, nous explique pourquoi on parle davantage des deux premiers que du troisième.
« Les questions d’argent sont moins souvent évoquées mais sont de plus en plus fréquentes dans la réalité des couples. Soit l’un dépense beaucoup et l’autre thésaurise à l’excès, soit les deux partenaires se mènent la vie impossible à vouloir vivre dans un partage sans faille des dépenses… Ces différences dans les rapports à l’argent peuvent mener à la séparation parce qu’elles sont un indicateur de la confiance mutuelle que l’on s’accorde et qu’elles renvoient à la capacité (ou à l’incapacité) à surmonter la réalité qui, dans ce domaine, peut parfois être rude.
Elles sont aussi le signe d’une lutte de pouvoir. Garder ou, au contraire, brûler l’argent du couple devient un moyen de s’imposer face à l’autre. « Quelle “valeur” ai-je à tes yeux ? », « Est-ce que tu m’aimes pour ce que je représente ou pour ce que je suis vraiment ? », etc. Ce sont ces questions, relatives à l’identité de chacun, qui sont énoncées à travers ces comportements. »
Source : Huffingtonpost
EXPERTS : Ont collaboré à cet article :
• Patrick Estrade, psychologue et spécialiste de la thérapie de couple. Auteur du “Couple retrouvé. Les mésententes conjugales et leurs remèdes” (Dangles, 1991).
• Nadine Grafeille, psychiatre, sexologue et directrice d’enseignement de sexologie à l’université de Bordeaux.
• Alice de Lara, Conseiller Conjugal formée à la Thérapie de couple et à la Médiation Familiale
• Jacques-Antoine Malarewicz, psychiatre, psychothérapeute spécialisé dans la thérapie de couple. Auteur de “Repenser le couple” (Livre de poche, 2002).
• Françoise Sand, conseillère conjugale. Auteur du “Couple au risque de la durée” (Desclée De Brouwer, 1998).
• Alain Valtier, psychanalyste et thérapeute de couple. Auteur de “La Solitude à deux” (Odile Jacob, 2003).
http://www.conseilconjugal.com/publications/couple-en-crise:-les-7-erreurs-dun-couple_11-9499-3361