Un individu qui refuse la fédération comme mode d’organisation de l’Etat refuse par la même occasion l’intégration africaine, car les deux phénomènes sont symétriques et se traduisent par le même processus : le délestage du pouvoir d’Etat par les Nations classiques au profit d’autres centres de pouvoir.
L’évolution du monde est démocratique et contraire à la nation traditionnelle à laquelle les gens s’accrochent. Cette évolution démocratique se traduit :
-d’une part par une évolution vers le bas, avec plus de reconnaissance et plus de pouvoir pour les entités subétatiques
-d’autre par une évolution vers le haut, avec plus de pouvoir transférées à des institutions supra-étatiques comme la CEMAC, la CEAC ou l’Union Africaine.
Cette évolution est très visible en Europe qui nous sert de référence, où pratiquement tous les pays sont formés soit d’Etats fédérés (Suisse, Allemagne, Belgique), soit d’Etats régionaux (Grande Bretagne, Pays-Bas, Italie, Espagne, etc.). Seule la France s’est jusque-là distinguée, mais elle-même bascule peu à peu vers un Etat régionalisé. Et plus les Nations classiques perdent de ce pouvoir, plus les régions deviennent fortes et plus l’Union européenne devient forte.
C’est donc une erreur d’analyse de combattre la fédération au motif que la dynamique du monde va vers de grands ensembles : en fait, il s’agit d’un mouvement global de redéploiement des pouvoirs, en niveaux concentriques, dans lesquels on trouve de manière harmonieuse les Communes, les Cantons, les Etats Fédérés, les Etat-Nations et les Confédérations. Chaque niveau joue son rôle.
Un régime ou une idéologie qui s’accroche à la fiction d’un « Cameroun un et indivisible » envisagée comme une réalité monolithique exprime également son opposition à la construction des structures fédérales et confédérales africaines, au profit desquelles ce Cameroun serait obligé de se délester de ses pouvoirs.
Quand on se retrouve avec des individus comme Biya, Idriss Deby, Sassou Nguesso, Obiang Nguema ou Bongo qui a hérité de son père, des individus tellement accrochés à leur pouvoir qu’ils ne sont pas prêts à le déléguer à des entités sub-étatiques sur lesquelles ils auraient une certaine emprise, comment imaginer a fortiori qu’ils le délèguent à des entités supérieures qui vont s’imposer à eux ?
Les quelques mesures qu’ils ont prises à Ndjamena l’ont été sous la pression du FMI. Mais qui va contrôler ces mesures ? Et si quelqu’un se débine, quelle est l’instance qui va le contraindre et le sanctionner ?
Il faut être conséquent : pour bâtir une CEMAC solide, il faut bâtir une Confédération ayant une autorité sur les Etats dans certains domaines. Or, cela n’est pas possible avec des gens qui refusent la fédération ou la régionalisation de leur propre pays.
Dieudonné ESSOMBA