Avant son interpellation tonitruante qui l’a vu débarqué d’un avion, en zone normalement internationale la semaine dernière, Patrice Nganang a sérieusement ébranlé le Palais d’Etoudi, où il était le sujet de toutes les conversations. Tout le palais en parlait, sauf une personne: Paul Biya, trop occupé à gérer ses agendas diplomatiques, et enclin à s’assurer de son invitation et sa participation à deux événements importants à ses yeux: le sommet Afrique-UE en Cote d’Ivoire, et le Sommet sur le Climat à Paris. Ici ou là, Paul Biya espérait se taper un rendez-vous ou tout au moins, une photo publique avec le nouveau jeune président français Emmanuel Macron. Trop occupé donc pour s’occuper de Patrice Nganang. Pourtant, à Etoudi, ça bouillonnait.
Tout part de Brenda Biya. La fille ainée du président est très remontée contre Patrice Nganang qui l’a plusieurs fois prise à partie sur Facebook et qui a surtout parfois utilisé des paroles très peu morales à l’endroit de sa meilleur amie qui n’est autre que sa mère, Chantal Biya. Brenda et sa mère s’aiment beaucoup. ET ne se cachent rien, jusqu’aux secrets les plus intimes. Alors Brenda dit à sa mère que ce ‘cancre” avec sa tête mal coiffée est actuellement à Yaoundé, et il a même publié un carnet de route. Brenda imprime le post de Nganang et le passe à sa maman, en disant que ce petit type doit être puni. Chantal Biya en veut également à Nganang. Elle est d’accord avec Brenda. Mais elle sait que le président a la tête ailleurs en ce moment. Surtout, Paul Biya n’a jamais laissé sa famille lui prescrire une ligne dan
s une affaire, surtout qui pourrait porter un coup à ses calculs politiques. Seul Franck Biya, y est parfois parvenu. Et même…
Alors, connaissant son époux, la première dame envoie Brenda dire à son Papa que ce type de Nganang qui a insulté sa femme se pavane à Yaoundé en bombant le torse. Notre source indique que cet argument et le coup d’œil rapide qu’il a jeté sur le post, n’ont pas ému le président. Brenda a pourtant imprimé une copie pour papa. Convaincu de ce que les paroles de Nganang le mettraient dans tous ses états. Amnésique à la pression, le président demande à sa fille si elle a des nouvelles du concours de l’ENAM, comme pour lui demander de se concentrer sur son avenir. Brenda connaît son père. Il ne se répète jamais. Même sans lever la voix. Juste une caresse.
Depuis des années au Palais, Chantal Biya a beaucoup appris du jeu des couloirs où elle a tissé ses propres réseaux. Comme il fallait s’y attendre, elle s’appuie sur son arme de Chantal Biya au Palais qui s’appelle Ngoh Ngoh, le SG. Elle pense à Joseph Le responsable des médias et de la société civile au palais. Mais elle sait que Joseph Le a peur de parler au Président.
Chantoux est nerveuse. Surtout parce qu’elle sait que Ngoh Ngoh ne fera rien sans demander au directeur du cabinet civil, Belinga Eboutou, le vrai président de l’heure. Auteur de tous les coups fourrés. UN avide et assoiffé de pouvoir invétéré. Qui aime à montrer à tous que c’est à lui que revient la dernière parole avant le ‘boss ». Mieux, c’est sa parole qui est celle du boss. Mais au Palais, Belinga Eboutou aime à pousser les collaborateurs du président en faute, pour venir faire semblant de réparer. ET paraître propre et compétent. Il dit verbalement à Ngoh Ngoh qu’il a carte blanche. Mais exige d’avoir un compte rendu direct et permanent, pour « la très haute information du Cheft ». expression de chantage par laquelle même des ministres ont été souvent contraint de voler dans leur budget pour Belinga et ses réseaux. IL se vante d’être celui qui explique vite et court au patron.
Ngoh Ngoh est malin. Il connaît son « père « Belinga » et ses calculs du temps où les deux hommes étaient en poste à New York. Il n’écrira aucune note aux services de sécurité. Tout au plus, il demandera à ses services à lui, au palais, de retarder TOUT. A défaut de procéder par des arguments judiciaires. Mais de mettre la volonté de la “mère” à exécution”. Il faut la calmer. Cette façon de faire vise surtout à ne pas interpeller Nganang avant son départ. Cela aura le mérite de paraître telle un cas de force majeur. Une urgence après plusieurs enquêtés, ceci et couvrira à la fois soit les forces de l’ordre, les services de renseignements et la justice, au cas où.
Belinga Eboutou et Ngoh Ngoh ont une seule certitude. Les services de renseignement ont fait le tour de Facebook et ont pu noter que les internautes sont divisés. ET que , tout compte fait, Nganang est un personnage parfois chahuté qui a des ennemis, surtout au plan local. Cette certitude contraste avec la forte popularité de l’écrivain dans la diaspora et au plan international. Justement, le point faible du président. Paul Biya est comme Nicolas Sarkozy. Il n’aime pas être caricaturé à l’étranger. Tout compte fait, Ils savent que l’opinion locale ne serait pas contre cette arrestation. ET entendent utiliser cette inimitié et les quelques pions positionnés et rémunérés pour la « veille » et le « réplique » sur Facebook, pour capitaliser cet acquis majeur. Mais, en diplomate chevronné, Belinga sait qu’une éventuelle interpellation de Nganang fera grand bruit à l’étranger. Et le « boss » n’en a pas besoin, surtout au moment où il tient à rencontrer Macron. Néanmoins, Belinga laisse faire. Il sait qu’il aura l’occasion d’exploiter cette « erreur » des autres et en engranger des points, comme le meilleur protecteur de l’image du président. Les services de sécurités sont tranquilles.
Belinga tient à savoir minute by minute l’évolution du dossier. Surtout au niveau des enquêteurs. Après chaque audition, un compte rendu lui est fait directement sur des chefs d’accusation et les déclarations de Nganang. Il a commis ses réseaux tapis sur Facebook pour un monitoring de la presse mondiale. C’est pas bon. Quand il les lit, il fait ce qu’il sait faire le plus: courir chez le président lui dire que ses jeunes collaborateurs inexpérimentés ne peuvent faire pareille chose en ce moment. « A Paris, dit –il, soucieux, on va nous accueillir avec ça ». Un pyromane qui fait semblant. Paul Biya lui dit de gérer. IL ne veut pas de problème. Pas avant son retour de Paris. Belinga Eboutou lui propose de ne pas apparaître comme l’instigateur de l’arrestation. Or, pour les enquêteurs, c’était le meilleur argument d’après les rapports des services secrets, pour faire passer cette arrestation au sein de l’opinion publique. Arrêter Nganang pour avoir « manqué de respect au président » plusieurs camerounais ne l’ont pas digéré. Parce que, en Afrique on respecte les aînés. ET Paul Biya est un patriarche. Même les soutiens de Nganang le lui ont rappelé. Sans approuver son incarcération. Moins politique sera le problème, plus de leviers il aura pour intervenir de manière « sopra partes » le cas échéant.
Alors Belinga appelle Ngoh et lui transmet les « instructions du “boss” ». Or normalement c’est Ngoh qui aurait du informer Belinga en temps normal. La décision officielle est prise : pas d’outrage au président. Non. Trouvez autre chose. Il a fait beaucoup de choses non ? Problème : certains posts ont été publiés il y a longtemps. Or une infraction doit être déclarée avant un certain délai. Paul Biya ne veut pas en entendre parler. Mais il sait que le séjour en prison de Nganang fait plaisir à son épouse. Il sait que Nganang est un provocateur. Mais il ne minimise pas la colère de Chantal. Qui pourrait encore faire des siennes à Paris.
Pour sauver la face, Ngoh Ngoh a exposé à Chantal diverses hypothèses. Mais le mot d’ordre est, soit de faire durer et traîner l’instruction. Le temps de retour de Paris. Mais une autre chose inquiète les « sécurocrates ». Paul Biya parait de bonne humeur. Une humeur qu’on lui attribue quand il a rempli se feuilles pour un remaniement. ET si c’était cela dès son retour ? Pour l’heure, Nganang est aux arrêts. Brenda parait aussi satisfaite. Mais la justice insiste que le dossier est vide. Les magistrats le disent au « SG » NGoh Ngoh qui, à son tour, a décidé de filer la patate chaude a Laurent Esso. Le « cœur du Pays » , à son tour, a peur de passer devant l’histoire, comme le magistrat qui a assassiné la Justice, après les affaires Sapack et Eboutou et les couvertures honteuses attribuées à Amougou Belinga, pdg de Vision 4, la mort de Mgr Balla, l’affaire Bonita-Ayissi et , aujourd’hui l’affaire Nganang. Esso se défile. IL veut se défiler. Mais le « SG » attend chaque soir des informations » pour la très haute information du « boss ». Pour Laurent Esso, ancien SG, ce jeu est connu. Dans ce dossier, il fait moins le ministre zélé d’habitude que le magistrat consultant. Cela a le don de protéger les magistrats de siège en charge du dossier Nganang présenté en coulisse comme pénalement VIDE. Même une éventuelle audience serait partie de cette stratégie de faire (per)durer son incarcération, avec plusieurs renvois, faute d’éléments.
Par Jean Claude Mbede