Est-ce que le Président doit faire des dons ? Quand il fait des dons qui se chiffrent en milliards ou en millions doit-on penser que cela sort de ses poches ? Est-ce une façon de faire qu’il faut condamner ou encourager ?
Le président de la République Mr Paul Biya est, comme tout citoyen, parfaitement libre de posséder des biens ou une fortune et d’en faire don aux autres. Tant que les dons proviennent de ces biens propres, c’est une action salutaire et remarquable.
Cependant, le contexte camerounais où le Président donnerait 5 milliards d’aide pour les antirétroviraux, 2 milliards pour les sinistrés des inondations de l’extrême nord et ferait affréter des camions d’eau pour les populations de Yaoundé nous apparait problématique à plusieurs égards.
Le premier problème réside dans la confusion sur la qualité ou la casquette utilisée au moment des dons. Est-ce le citoyen ou le Président de la République qui agit ? Si on peut saluer le geste de solidarité du citoyen Paul Biya, on doit condamner l’échec de la politique mise en place par le Président Paul Biya aboutissant à la situation qui est décriée.
Le second problème est dans le type de réponse que ces dons constituent. En effet, le rôle de l’Etat est de satisfaire les besoins des Camerounais / es de la meilleure des manières possibles. Les réponses ponctuelles telles que les dons du Chef de l’Etat ou de la Première Dame ne constituent pas un système viable et durable pour résoudre les problèmes posés.
Les Camerounais / es attendent un système efficace et efficient de gouvernance dans lequel les mécanismes de solidarité sont connus et effectivement mis en œuvre.Ici, il est question d’évaluer le système de gouvernance actuel sur au moins trois points :
• la capacité à prévoir et anticiper les crises
• la rapidité et l’efficacité de la réaction en cas de crise grave ou problème
• la durabilité des solutions
Manifestement, les dons du Chef de l’Etat ne satisfont aucune de ces attentes des Camerounais/ es. Pour preuve, que deviennent les victimes des inondations ? Sont-elles recasées ? Sont-elles à l’abri de nouvelles inondations ?
Le troisième problème est celui de l’absence de transparence généralisée. Dans un contexte où la fortune publique est systématiquement détournée et la corruption est une seconde nature, les soupçons les plus légitimes pèsent sur la fortune des responsables publiques. La non application de l’article 66 de la Constitution par le Président n’est pas pour encourager une gestion rationnelle et transparente des ressources publiques. Les Camerounais / es sont plutôt en attente d’une lutte véritable et efficace contre les détournements de fonds publics de telle sorte que ces derniers soient effectivement affectés à la résolution de leurs problèmes.
Le quatrième problème est la transformation d’un droit en une faveur sous-jacente à travers cette pratique. Ce que nous sommes en droit d’exiger de l’Etat parce que nous payons des impôts et mandatons nos élus nous est retourné comme une faveur, un geste de générosité du Prince. Cette façon de faire affaiblit la conscience de citoyen pour instaurer celle de sujets chez les Camerounais / es.
Une telle pratique n’est donc pas à encourager. Ce qui est attendu et qui correspond à sa mission, c’est de trouver des solutions durables à des problèmes systémiques au lieu des « dons » du Chef de l’Etat.
Franck Essi
Secrétaire Général CPP
Paru le 04 juin 2014