Au vu de l’engouement avec lequel notre pays a embrassé le modèle neo-colonial, sommes-nous encore en position de dire que le colonialisme était une mauvaise chose? Nous assistons aujourd’hui à un phénomène qui de la base au sommet, on voit se cristalliser les structures coloniales tant mentales que administratives. Nous sommes à “cet endroit où le blanc nous a laissé” et nous semblons nous y plaire. Pourtant la rupture annoncée avec le colonialisme autour de l’idée de l’indépendance impliquait un projet de reinvention si ce n’est un projet d’invention.
Si comme le dit bien Fanon le colonialisme a produit chez nous un comportement mimétique qui fait de nous des gens qui “singent” le blanc, avec des Etats, Républiques Bannières qui “singent” les Républiques occidentales, il nous a surtout ôté la créativité et l’inventivité.
La cinéaste Neo Zélandaise Jane Campion disait que les peuples qui dominent les autres le font autour de l’idée que ceux-ci n’ont pas d’imaginaires. Notre pays valide dans ses choix au quotidien cette assertion qui se fait autour des peuples dominés. Si s’inventer, c’est être ce qu’on a décidé qu’on sera, ce à quoi on assiste c’est que nous sommes entrain d’être ce que les autres ont voulu qu’on devienne et nous nous y plaisons. Est-ce que notre président et ses ministres ressemblent à des gens mal à l’aise dans cette organisation qui est venu prendre le relai du Haut-commissaire français et ses administrateurs?
Est-ce que le peuple semble souffrir de ces “villes cruelles” où on venait pour servir le blanc, qui sont devenues les seuls centres d’activités attirant de plus en plus de paysans? Si colonialisme rhyme avec modernité il est étonnant que nous nous plaisions tant dans cette modernité pensée par les autres pour eux d’abord; avec tous les écueils qu’on connait, sans aucune velléité de se réinventer. Et si l’inertie dont on parle est avant tout le confort de ces différentes places sur lesquelles le colonialisme nous a installé? – Entendez par place ici, le fauteuil qui est synonyme de pouvoir – Le colonialisme à travers la République nous laissé de nombreux petits fauteuils qui font de nous des petits chefs. Maintenant que nous sommes bien assis et bénéficions des petits privilèges conformément à l’article 2, il faut réinventer quoi? Le pays marche très bien comme ca …. « Apprentis sorciers! » .
Et avec cet esprit de colon du petit chef, l’elite veille désormais sur le maintient de l’ordre, un ordre qui veut que rien ne change. Malheur celui qui va s’essayer dans la reinvention… Si on rajoute à cela le pragmatisme du petit peuple qui par mimétisme cherche aussi par tous les moyens une place, on voit très bien comment la perspective d’un Cameroun réinventé a été définitivement écartée. Il est donc difficile de continuer à accuser le colonisateur à moins de reconnaitre soi-même que l’Africain est éternel enfant dont les comportements sont à imputer au père dont il n’arrive à pas se débarrasser de l’odeur.
Source: Jean-Pierre Bekolo
https://bekolopress.wordpress.com/2018/05/03/que-peut-on-encore-reprocher-au-colonisateur/