L’Ambassadeur américain a demandé au Président Biya de rentrer par la grande porte dans l’histoire, en lui citant Mandela et Washington qui sont partis d’eux-mêmes du pouvoir.
Certains peuvent s’en réjouir et d’autres s’en effaroucher, mais là n’est pas le problème.
Le vrai problème est qu’est-ce qu’on fait ? Quand vous êtes chef d’une famille habitant dans une concession clôturée, arrangez-vous à résoudre vos problèmes entre vous à l’intérieur de votre clôture. Car dès lors que les cris et les bruits de bagarre commencent à sortir de votre concession, que les enfants escaladent la clôture pour se réfugier chez les voisins, vous ne pouvez plus demander aux gens de ne pas mettre le nez dans vos affaires ! Vous ne pouvez pas dire : « c’est le chez moi, c’est moi le Chef de famille, je ne veux pas que les gens lorgnent dans les affaires. »
Les gens vont venir, que vous le vouliez ou pas, peut-être même sous la forme de la police, forcer votre portail et mettre la paix. Si on vous trouve entrain de battre votre femme ou vos enfants, ils vont s’interposer, de gré ou de force, et vous arrêter la bagarre.
Si vous ne voulez pas que les gens mettent le nez dans vos affaires, résolvez vos problèmes dans la paix et n’embêtez pas le voisinage. Mais si vous ne restez pas tranquilles chez vous, vous n’aurez aucun moyen d’empêcher les gens de forcer votre portail pour venir mettre l’ordre qui vous a dépassé.
C’est comme cela que fonctionne l’Humanité.
Ce que dit l’Ambassadeur américain n’est pas son invention personnelle, mais la position de son pays sur le problème anglophone. Et les choses sont claires : par son entêtement et cette incroyable certitude d’avoir raison contre les évidences, le Président Biya est totalement déphasé et n’a plus les ressources pour résoudre cette crise.
Et le Président Biya n’est malheureusement pas seul dans cet entêtement insensé. Il est entouré d’un groupe d’individus plus entêtés encore, et qui restent totalement incapables de comprendre le moindre enjeu d’une situation.
Lorsque le problème anglophone éclate, je suis de ceux qui mettent en garde contre la grande délicatesse de ce problème. Les Anglophones sont venus au Cameroun sous l’égide des Nations-Unies. C’est une communauté reconnue sur le plan international, une sorte de quasi-Etat à qui l’ONU avait refusé le statut officiel d’un Etat complet.
On ne voit donc pas très bien comment le Gouvernement pouvait assimiler de force une telle entité devant les Nations-Unies et espérer que la Communauté Internationale allait entériner un tel projet sans lever le ton.
Des gens ont soutenu que le Cameroun est souverain, oui mais qui en doute ? La souveraineté signifie qu’on peut faire n’importe quoi chez soi, y compris violenter des engagements que vous avez pris devant témoin ? Que vous pouvez assimiler une Communauté en plein jour, en récitant sélectivement l’histoire ?
Personne ne doute que le Cameroun fut plus grand, que le Cameroun a été charcuté, que la Zone anglophone faisait partie du reste, etc.
Mais tout ce qui s’est passé fait partie de l’histoire du Cameroun et doit reconfigurer le vivre-ensemble actuel du Cameroun. Vous ne pouvez pas arrêter l’histoire à un moment et la figer à jamais ! Le Cameroun allemand n’a pas plus de légitimité que le Cameroun partagé entre les Anglais et les Français ! Il s’agit là clairement de l’histoire d’une entité coloniale, créée sur la base des nations tribales préexistantes, qui a évolué sous le coup des événements extérieurs, et qui s’est retrouvé à un certain stade en 1960-1961.
C’est donc un non-sens d’évoquer l’unité du Cameroun allemand et rejeter les événements ultérieurs qui datent aussi de l’indépendance et présentent la même légitimité.
Il faut le dire très clairement, la suppression de la Fédération fut une erreur, une très grave erreur. Ce qu’il eût fallu faire, ce n’était pas de tenter d’avaler les Anglophones en les incorporant dans un Etat unitaire en se fondant sur le Cameroun allemand, mais c’était d’affaiblir la spécificité anglophone en étendant la Fédération et en la noyant dans d’autres spécificités. Par cette démarche, on bâtissait un Etat plus conforme à la nation et qui prenait en compte aussi bien l’histoire coloniale et l’histoire précoloniale.
Et c’est excatement ce que nous avons proposé dès le début de cette crise, relayé en cela par Chief Mukete, le doyen du Sénat : recréer un Etat fédéral, mais en le présentant, non pas comme un retour en arrière, mais comme le fruit d’une évolution interne et voulu par les Camerounais eux-mêmes.
La séquence du Cameroun se serait présentée ainsi :
1. Première Fédération basées sur des référents coloniaux
2. Suppression de la Fédération coloniale pour l’Etat unitaire
3. Retour à une Fédération généralisée basée sur des référents autochtones.
Voilà ce qu’il fallait faire. Pourtant, les gens au pouvoir à Yaoundé ont continué à réciter leur « Etat unitaire », assimilé frauduleusement à l’unité, alors même que c’est le mot « unitaire » qui est le problème.
L’unité nationale n’a rien à voir avec l’Etat unitaire est c’est une grotesque escroquerie que d’assimiler les deux notions.
Il n’existe aucun moyen par lequel on peut neutraliser les Sécessionnistes armés tant que le mot « unitaire » figure dans la Constitution du Cameroun. C’est ce mot qui est le vecteur de guerre, le casus belli et tant que ce mot existe, la situation ne fera que s’empirer.
Il ne sert donc à rien d’insister. Le Cameroun unitaire, c’est terminé. Avec un Gouvernement plus futé, il aurait pu mourir en laissant la place à une Fédération parfaitement contrôlée par Yaoundé.
Une Fédération, c’est quoi ? C’est simplement une décentralisation, avec la seule différence que les droits des Régions sont inscrits dans la Constitution, et le Gouvernement central ne peut pas les changer comme il veut. Contrairement à la décentralisation administrative où ces droits sont le fait de la loi ou des décrets, et qui peuvent être changés au gré des humeurs des dirigeants.
C’est tout !
Pourquoi s’arc-bouter sur le concept manifestement dangereux d’Etat unitaire qui ne réalise aucune unité nationale, mais la détruit plutôt ? Quel est le problème que chaque segment géographique dispose d’une autonomie constitutionnelle et puisse élire son « Présidenton » qui marche avec une sirène ? Le problème est où ? Est-ce que c’est cela qui va empêcher qu’ils dépendent tous des ressources stratégiques collectées par l’Etat fédéral ?
C’est d’ailleurs plus habile ! L’Etat fédéral prend la moitié du budget, et remet l’autre moitié à ces Etats, tout en se débarrassant de toutes ces dépenses de proximité trop nombreuses et difficiles à gérer, qui dégrade justement l’image de l’Etat, lui attire toutes les convoitises et les récriminations et l’affaiblit!
Quelle incroyable idée d’avoir un Etat qui se disperse dans la construction des barrages de 400 Milliards de FCFA et en même temps, se préoccupe des bancs ou des latrines de 200.000 FCFA, soit un rapport de 1 sur 2 Millions !
Je n’ai jamais compris qu’une évidence aussi simple puisse échapper à des gens sensés avoir fait l’école ! On dirait qu’ils n’ont pas la tête !
Nous avons refusé une fédération où de petits Présidents locaux se battent comme de beaux diables pour justifier à leurs populations l’usage qu’ils ont fait des ressources envoyées par un Etat Fédéral puissant, guidé par un Chef d’Etat puissant comme le sont TRUMP, POUTSINE, MERKEL et les autres. Nous risquons y être conduits de force et dans des conditions que nous ne contrôlons plus.
Et ce ne sera plus une Fédération, mais une Confédération dans laquelle, e Gouvernement n’aura pratiquement aucune autorité sur cette partie du pays, avec un partage des ressources particulièrement préjudiciables.
Et c’est bien ce qui va se passer, nonobstant les rodomontades des pseudo-patriotes qui prennent leurs illuminations pour la réalité. Le monde est darwinien et ce sont les plus forts et les plus rusés qui imposent leur règle. On le voit bien sur la chaîne National Géographic.
Nous ne sommes pas forts, nous aurions dû être rusés. Nous n’avons été ni l’un, ni l’autre.
Et c’est cela le vrai problème de fond. Le patriotisme bavard et les menaces adressées à l’Ambassadeur américain ne peuvent rien y changer. En évoquant deux armées qui commettent des exactions, il a mis au même pied d’égalité l’Armée régulière et les forces sécessionnistes. Et c’est cela la vraie défaite du Gouvernement et de ses choix.
Et on peut parfaitement imaginer sa conclusion : face à deux forces armées qui se battent en commettant els exactions, la seule solution, c’est bien les forces d’interposition.
Et là, ce sera le début de la fin.
Gouvernement du Cameroun, je m’adresse à vous !
Ressaisissez-vous ! Vous ne pouvez pas gagner cette guerre et vous ne pouvez plus maintenir les Anglophones dans les liens d’un Etat unitaire.
Renoncez à ce projet qui n’est pas faisable.
Cessez de vous attaquer aux étrangers qui vous disent la vérité ! Ils ne font que vous annoncer ce qui va arriver, ce qu’ils préparent pour vous, parce que vous n’êtes pas capables de comprendre vos propres compatriotes!
Allez immédiatement à la Fédération et abandonnez cette histoire d’Etat unitaire.
Dieudonné ESSOMBA