LA PROSTITUTION DE L’AUTORITÉ TRADITIONNELLE AU CAMEROUN

L’institution de la chefferie traditionnelle est en crise en Afrique, on le sait, depuis qu’elle a été déclassée par l’Etat colonial. Ça fait plus d’une année que le sang des Camerounais coule dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, je n’ai pas entendu dire que les chefs Bamiléké et Sawa ont fait une déclaration commune sur cette tragédie collective.

 

Mais quand c’est pour appeler à la candidature de Paul Biya qui, à 86 ans et après 35 ans de pouvoir, doit légitimement aspirer à la retraite, ils se distinguent par la solidarité. Les chefs Sawa vont même jusqu’à prostituer l’institution du Ngondo en lui faisant endosser leur poulain. J’imagine la colère des Miengu du Wouri !

Oui, les chefs traditionnels Bamiléké et Sawa ont littéralement prostitué l’autorité traditionnelle au Cameroun. J’en profite pour réitérer qu’on ne peut pas jouir de toutes ses facultés morales et mentales et soutenir la candidature de Paul Biya aux prochaines élections. Cela vaut pour les chefs traditionnels comme pour tout citoyen camerounais. Voici mes raisons !

D’abord à 86 ans, après 35 ans de pouvoir, et c’est une loi de la nature et de l’usure, les facultés mentales (la mémoire surtout) commencent à décliner et on perd progressivement son autonomie personnelle. Bref, on est diminué. Paul Biya est un humain comme vous et moi, et non est dieu. A son âge, c’est inhumain et égoïste de lui demander de se représenter à une élection présidentielle. Si vous aimez Paul Biya, dites-lui d’aller se reposer pour se préparer à retourner auprès de ses ancêtres. Nous passerons tous par là.

Deuxièmement, au regard des défis à relever au Cameroun aujourd’hui, on ne peut pas jouir de toutes ses facultés mentales et morales et croire que Paul Biya, à 86 ans, sera à la hauteur de la tâche. Un exemple très simple : depuis le début de crise anglophone, il n’a pas mis pied dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. C’est peut-être un problème de volonté politique, mais c’est aussi un problème de capacités physiques. Il n’en a plus pour le faire le tour du Cameroun.

Enfin, troisièmement, qu’est-ce qui peut bien motiver un groupe de chefs traditionnels à s’accorder sur un tel dossier ? Quels en sont les enjeux pour eux ? Ils ont sûrement trouvé leur compte dans le long règne de Mr Paul Biya et c’est la loi de leurs intérêts qui prime. Ils ne pensent qu’à eux-mêmes, à leurs dividendes. Oui, au Cameroun, tout le monde se débrouille, même les chefs traditionnels.

Quelle misère morale et mentale ! Mais surtout que ces chefs n’oublient pas que l’une des mamelles de la légitimité de l’autorité traditionnelle est l’intégrité, celle-là même qu’ils sont en train de brader pour les miettes du régime Biya. Qu’ils ne s’étonnent pas de voir leurs sujets les désavouer comme c’est de plus en plus le cas dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.

 

Ludovic Lado, Jésuite

 

Icicemac.com: Cette photo du Fô Djomo Kamga de Bandjoun aujourd’hui sénateur Rdpc   illustre l’ensemble des chefs traditionels et Fô de l’ouest qui n’ont plus froid aux yeux.

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