Deux idées me guident dans l’espace public quand il s’agit des médias et des relations que je dois avoir avec eux. Primo, la liberté des médias est une nécessité du temps ; secundo, un gouvernement s’expose quand il refuse obstinément et trop longtemps ce que le temps a proclamé comme nécessaire. Il m’est donc insupportable d’assister en spectateur à ce changement de temps dans l’espace public en rapport avec les médias dans un pays comme le nôtre. Mon devoir en ce jour, à la croisée des routes, est de poser mon sac, de sortir de ma zone de confort pour défendre, uniquement avec ma plume et en toute modestie, la liberté des médias et donc la liberté tout court. Mimi Mofo est un instrument de cette liberté, le cri de détresse qu’elle pousse m’atteint au plus intime de moi et envahit tous les terminaux de ma conscience.
Non, les médias en temps de paix comme en temps de guerre, ne doivent jamais plier devant la politique comme devant les armes. Ils sont une plume, un écran, une image, quelques lignes tracées sur le sable comme gravées sur la pierre, un phare qui témoigne et éclaire. Oui dans les médias, on plie mais on ne rompt pas (…) Résister, ce mot est à lui seul, pour une famille comme un pays, le plus bel héritage. Dire non à l’embastillement d’une voix, d’un regard, d’un visage, le visage lévinasien qui est ce qui s’impose à moi sans que je puisse cesser d’être responsable de sa misère. Mimi Mofo est ce visage qui garde vivant les nombreux visages qui ont sombré dans l’oubli par la faute de l’homme, Bibi Ngotta, Engelberg Mveng, Yves Plumey, Toussaint Ngongo Ottou, Joseph Mbassi, Mgr Jean Marie Benoît Bala et cette foule d’anonymes dont le sang coule sans cesse dans ces régions du Nord Ouest et du Sud Ouest. Ce sang des martyrs et des innocents qui se mélange à celui des bourreaux ; il y a là nos militaires, nos compatriotes, nos enfants comme ces filles qui auraient pu adoucir nos nuits froides, ce sang ne doit point être chauffé comme du boudin pour crever les yeux de Mimi Mofo.
Le visage de Mimi Mofo surtout en ces temps troubles , c’est cette partie de chair, je veux dire cette partie même souillée du Cameroun à travers laquelle l’homme camerounais apparaît encore comme vulnérable et exposé à la violence mais qui témoigne et refuse d’abdiquer ; de mourir. Hannah Arendt a dit que c’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal, moi je vois le mal s’épanouir dans l’embastillement de ce témoin du présent.
La sortie de prison de Mimi Mefo n’est pas un préalable mais un impératif, ce n’est pas une négociation et encore moins une exigence mais une irruption de ce visage auquel je fais allusion, un commandement moral, un ordre.
Vincent-sosthène FOUDA