« Les élections sont terminées. Paul Biya a gagné. Passons à autre chose » A force de critiquer sans réfléchir, on finit par s’ennuyer quand il n’y a plus rien à critiquer, et donc pour tuer l’ennui, on critique l’inverse de ce qu’on a critiqué. Ça donne au final le type de non-sens qu’on observe au Cameroun depuis ce sinistre 22 octobre.
QU’EST-CE QU’UN PARTI POLITIQUE ?
Maurice Kamto a dit qu’il avait gagné les élections, et a promis de défendre sa victoire par tous les moyens légaux à sa disposition, tant que le peuple lui apporterait son soutien en ce sens. Sa descente à Douala il y a deux jours en provenance d’Addis-Abeba, a permis au dernier des sceptiques de réaliser que l’effervescence populaire autour de sa personne demeure intacte, sinon grandissante. Il EST l’homme politique de l’année.
Il restera donc fidèle à son créneau de départ, conformément à sa promesse.
Sauf que nous sommes au Cameroun, et au Cameroun, le raisonnement par l’absurde est le meilleur ami de l’homme, loin devant le chien. C’est pourquoi vous entendrez ça et là des gens qui vous diront : « Votre Kamto là dérange déjà hein. Il doit laisser tomber. Les élections sont passées. Biya a gagné. Il faut passer à autre chose. »
C’est à ce moment-là qu’on ne comprend plus rien. Car si on t’explique le Cameroun et tu comprends, c’est que quelque chose cloche comme dirait l’autre. Voici donc des gens qui se sont plaint pendant des décennies que le paysage politique camerounais n’avait pas d’opposition, que les partis adverses au RDPC n’existaient qu’à l’approche des élections et disparaissaient à nouveau sous l’horizon une fois le vote passé, mais qui à présent, fustigent le fait qu’un parti autre que le RDPC domine l’actualité, longtemps après le scrutin.
La sorcellerie n’est pas compliquée. Elle se résume à ce que vous voyez là. Ni plus ni moins.
Le remède à cette mauvaise foi, le MRC l’a trouvé. Seuls les naïfs qui refusent de se servir de leur tête sont incapables de se souvenir que le MRC fut créé longtemps avant les échéances électorales, et donc, qu’il a appris à vivre hors élections. Certains balancent sans réfléchir le slogan d’une prétendue « force de l’expérience », mais le MRC lui, a prouvé par les faits qu’on peut partir de zéro et voler la vedette aux formations existantes en s’implantant lentement et sûrement dans l’arène, et ce sur l’étendue du territoire.
Six ans durant
Six ans sans présidentielle, six ans d’évolution constante, quand les autres partis dépérissaient, puisqu’ils ont tous perdus des voix, le RDPC y compris, malgré l’arnaque.
C’est la réalité de l’expérience, la vraie
Ne soyez donc pas surpris que depuis le 22 octobre, pendant que vous pensiez pouvoir dormir de vos deux oreilles et organiser pendant 7 années encore et en toute tranquillité la bonne vieille mangeoire des oligarques, l’on soit venu troubler votre sommeil et votre bonheur. Cette douche froide réside dans le fait que vous n’avez pas vu les choses changer. L’on vous a tellement habitué au statu quo depuis 36 ans, que votre ordinateur cérébral ne possède pas le fichier « mouvement ». C’est un vieux modèle datant de l’ancienne technologie.
Si Maurice Kamto abandonnait aujourd’hui, on entendrait partout des gens se moquer de son incapacité à mener à bout son combat. On dirait de lui qu’il est un amuseur public qui voulait juste agiter l’actualité pour se faire remarquer. Or, à présent qu’il fait exactement ce qu’il a prédit qu’il ferait, la grogne de la mauvaise foi se fait entendre.
Je peux comprendre qu’on soit habitué à un Paul Biya qui ne fait jamais ce qu’il dit, mais vous devrez désormais vous accommoder à un politicien fidèle à ses idéaux. C’est nouveau je sais, mais il faudra s’y faire. Car c’est une bonne, une excellente chose pour notre pays.
Le vote a été volé, ou du moins, les résultats ont été grandement et grossièrement faussés, grâce à la tricherie, aux billets de 10 000 Frs, au pain sardine, à l’intimidation, au bourrage des urnes, à l’absence de vote en zone anglophone, aux émissaires fabriqués de Transparency, et à un Conseil Constitutionnel membre actif du RDPC. Accepter les résultats dans ces conditions, c’est soutenir la fraude, et accepter que le scénario se répète pour les législatives et municipales.
Et ce sont les mêmes qui nous diront : « Pourquoi êtes-vous allés aux législatives et aux municipales alors que vous saviez que l’appareil était pourri et verrouillé en faveur de Biya? ». Souffrez donc que nous commencions à anticiper tout ça dès à présent. Nous reprocher cela est d’un manque de cohérence inqualifiable. C’est de la sorcellerie, tout bêtement.
POURQUOI LE MRC EST ALLÉ AUX PRÉSIDENTIELLES
C’est l’éternelle question de ceux qui ne comprennent rien ( ou qui ne veulent rien comprendre ) à la stratégie politique. Il est clair que, compte tenu de la partialité et du caractère clanique du Big Four ( ELECAM, CC, RDPC et MINAT), l’idéal aurait été de dissoudre ces institutions pour partir sur des bases crédibles et avoir une élection dénuée de suspicion. Mais cela était évidemment impossible. Il ne suffit pas de le vouloir pour que ça se réalise.
Car pour Paul Biya et son clan, tout va bien depuis le début. Ce sont des organismes totalement indépendants, et il n’y a eu aucune tricherie. D’ailleurs, ils nous disent même qu’il n’y a aucun problème en zone anglophone, et que le vote s’est bien passé dans ces régions ( Après tout, n’y a t-il pas dépassé les 80% ? ). Il ne suffisait donc pas de dire : « Elecam Out », pour qu’il se réveille un matin, revienne à la raison et dissolve la structure pour nos beaux yeux.
Et ne pas aller aux élections aurait été tout aussi contreproductif. Cela n’aurait pas empêché le vote de se tenir, et Biya aurait été déclaré élu en disant: « C’est votre problème si vous n’avez pas voulu vous présenter. Les institutions fonctionnent à merveille. Vous avez fait le choix de ne pas envoyer de candidat, alors acceptez les faits tels quels ».
Le MRC se devait donc de venir à l’élection, et pour ne pas venir perdre son temps, il poursuivait deux objectifs précis :
– Dans le meilleur des cas, renverser le RDPC et remporter le fauteuil, en dépit de la tricherie. La réforme des institutions aurait eu lieu sous Kamto Président, tel que définie dans le volet 1 de son programme de gouvernance de 88 pages.
– Au pire, démontrer à la face du pays et du monde à quel point la tricherie et les coups bas sont le moyen par excellence à travers lequel le RDPC remporte ses scrutins.
Ce deuxième challenge fut réalisé avec brio lors de l’exceptionnel contentieux post-électoral organisé sur trois jours au Palais des Congrès, qui s’est avéré plus alléchant que les affiches de Champion League ayant eu lieu la même semaine. Des PV d’Emile Essombe aux activités du CC au sein du parti au pouvoir, en passant par les plaidoiries insolites du ministre Grégoire Owona et de certains corps de l’armée supposés indépendants, l’on a compris à travers la complicité incestueuse entre tous ces acteurs, à quel pont la machine était pourrie et infestée par le système.
Ce n’est donc pas rationnel de dire que le MRC a préparé le contentieux post électoral à la place des élections elles-mêmes. Il a plutôt préparé le contentieux post-électoral en plus des élections. Car la vie politique ne s’arrête pas après les présidentielles. Quand on allume son cerveau, tout devient clair à comprendre.
Il y a malheureusement chez nos détracteurs, une panne générale de courant, un délestage cognitif qui rend le cerveau éteint et ne leur permet pas de comprendre des choses aussi simples
CE QUE RECHERCHE LE MRC
Quoiqu’il en soit, apprêtez-vous en tout cas à souffrir davantage à entendre parler de ce parti. Apprêtez-vous à plus de nuits blanches et à plus d’agacement. Le but du contentieux n’était pas de plaire à vos délicates oreilles, mais de vous opposer une adversité politique réelle et éternelle. C’est cela la démocratie tant souhaitée. Le MRC est entré en scène pour ne plus la quitter.
Le professeur Kamto a simplement suggéré une recompte des voix sur la base des PV originaux, sous la surveillance d’une commission internationale ( de préférence panafricaine ) indépendante, pour confirmer ou infirmer ses prétentions présidentielles.
Étant donné que tous les pays sérieux ont recours à ce mécanisme en cas de contentieux, étant donné que Paul Biya et le RDPC sont sûrs de leur victoire éclatante, l’on peut s’étonner du fait qu’une doléance aussi simple ne soit pas honorée.
La réponse est simple : ils savent que dans l’un comme l’autre des deux scénarios qui les attendent, ils deviendront les clowns de l’histoire.
Car si Kamto a bel et bien gagné, leur honte ne sera que plus grande. Et quand bien même Biya serait vainqueur au terme du recomptage, l’on sait pertinemment qu’il n’aura jamais – au grand jamais – les 71% brandis par le CC. On a ici affaire à au moins 30% d’augmentation artificielle des chiffres. Il leur faudra alors expliquer par quel miracle ils ont pu aboutir à de tels scores.
Dans un cas comme dans l’autre, la dissolution de la commission électorale ainsi que du CC seraient inéluctables, et on irait aux échéances de 2019 avec l’assurance d’un processus électoral dénué de l’ancien virus
Autrement dit, même si ça vous surprend, Maurice Kamto n’est pas en mode « Etoudi à tout prix ». Il souhaite simplement établir la vérité, qu’elle lui soit favorable ou non. Il souhaite pour nous la jeune génération, un avenir politique encadré par des institutions dignes d’être prise au sérieux. Pour que l’histoire ne se répète pas demain avec les fils des fondateurs du parti au pouvoir.
Une fois encore c’est tout simple
Une fois encore, la politique, ce n’est pas que les élections. Alors soyez cohérents. Vous ne pouvez pas revendiquer une opposition forte, et demander à cette opposition de se taire à l’instant même où elle vous fait sa démonstration de force. Ça veut dire que depuis le départ vous faisiez de l’humour.
Et le problème avec l’humour, c’est qu’il est meilleur dans les salles de spectacle.
Ekanga Ekanga Claude Wilfried
( Quand le poisson commence à comprendre le piège du ver accroché à l’hameçon, il est normal que le pêcheur soit inquiet)
Paris- La Défense, le 22/ 11/ 2018